Offrir un confort thermique aux occupants, même pendant des vagues de chaleur prolongées, représente un défi. Écohabitation s'est penché sur les solutions possibles à ce problème dans le cadre de son étude pour l'ensemble de logements sociaux à Gatineau, le Complexe Jean-Dallaire. Découvrez le résultat des modélisations accomplies, ainsi que les recommandations de l'équipe pour améliorer la qualité de vie estivale des occupants.
Le climatiseur n'est pas la seule solution pour contrer les vagues de chaleur
Pour comprendre les recommandations d’Écohabitation, il faut préciser que si l’utilisation de climatisation est à envisager pour les populations plus vulnérables, elle ne saurait être vue comme un moyen de s’adapter à l’échelle du Québec pour faire face aux vagues de chaleur. En lien avec sa mission de privilégier au maximum les solutions écologiques, Écohabitation a tenté de prioriser les méthodes d’adaptation structurelles et passives et les solutions qui bénéficieront au plus grand nombre sans créer d’effets néfastes pour d’autres.
En effet, la climatisation présente un risque sanitaire (au niveau de la qualité de l’air) en raison du fait que l’intérieur des climatiseurs devient rapidement très sale et qu’ils sont rarement nettoyés. La climatisation consomme aussi énormément d’énergie et contribue au final à accentuer les îlots de chaleur pour tous, particulièrement en milieu urbain, car, en respect des lois de la thermodynamique, si elle envoie de l’air frais à l’intérieur, c’est qu’elle relâche de l’air chaud à l’extérieur.
Un autre aspect à prendre en compte avec les climatiseurs est la question esthétique. Lorsque les unités sont installées de manière ad hoc par les occupants, elles sont parfois posées avec des matériaux hétéroclites tels que des panneaux de contre-plaqué qui servent à les faire tenir dans l'ouverture des fenêtres.
Opter pour des adaptations structurelles et passives pour rafraichir le bâtiment
Écohabitation a donc évalué dans ce projet, dans une perspective d’adaptation structurelle, différents scénarios d’adaptation du cadre bâti aux vagues de chaleur :
- Ajout de pare-soleil sur la façade sud ;
- Ajout d’un mur végétal (par ex. une vigne) sur les façades exposées au soleil ;
- Ajout d’un toit blanc ;
- Ajout simultané de pare-soleil, d’un mur végétal et d’un toit blanc ;
- Réduction de l’îlot de chaleur local (plantation d'arbres dans le secteur environnant, notamment dans les stationnements du complexe) .
Ajout de pare-soleil du côté sud du bâtiment
L’ajout de pare-soleil a un effet significatif en empêchant les rayons du soleil d’été d’entrer dans les logements. En bloquant les rayons à la source, on diminue de manière importante les gains thermiques de jour à l’intérieur du bâtiment, et ce, à moindre coût. Les pare-soleil ont aussi l’avantage d’éviter de bloquer les rayons du soleil d’hiver, qui sont quant à eux désirés, puisqu’ils contribuent à diminuer la facture de chauffage en hiver. En savoir plus sur les pare-soleil.
Les pare-soleil dont il s’agit ici sont installés uniquement sur la façade la plus orientée vers le sud. Ils projettent une ombre sur la face entière des fenêtres qu’ils ont pour fonction de protéger. Leur impact sur la partie opaque de la façade est cependant considéré comme négligeable. La figure 5 montre que l’ajout de tels pare-soleils favorise une tendance à la baisse de la température, tant à l’étage qu’au rez-de-chaussée, au cours de toute la période d’investigation.
Au niveau du rez-de-chaussée, la baisse de température serait de l’ordre de 1 °C pour une courte période. Le pourcentage prévisible d’insatisfaits (PPD) associé s’en trouve légèrement réduit, mais l’impact sur le confort de cette seule mesure semble plutôt insignifiant.
Ajout d'un mur végétalisé
En créant de l’ombrage, la végétation verticale empêche la conduction de chaleur à travers le mur, en évitant au mur lui-même de devenir très chaud. Ainsi, le mur de brique extérieur demeurera plus près de la température de l’air pendant les vagues de chaleur, soit environ 30 degrés en plein jour, plutôt que 20 ou 30 degrés au-dessus de celle-ci s’il est directement exposé aux rayons du soleil.
Avec un feuillage adéquat, le mur végétal pourrait permettre à la surface du mur qu'il protège de demeurer significativement sous la température ambiante, grâce à l'effet rafraîchissant de l'évapotranspiration des plantes. Il est possible de se rendre compte de ce phénomène en touchant la partie ensoleillée d'un mur de brique foncé et en comparant l'effet ressenti au touché du même mur protégé par une vigne. En savoir plus sur les murs végétalisés.
L’intérêt du mur végétal est que, contrairement aux pare-soleil qui ne sont efficaces que sur l’orientation sud du bâtiment, il peut être installé et avoir un impact positif tant à l’est et à l’ouest que du côté plein sud. Aussi, le mur végétal peut obstruer les rayons de soleil affectant la partie fenestrée aussi bien que la partie opaque de chaque façade. Ainsi, un mur végétal pourrait éliminer le besoin de pare-soleil s’il est disposé de manière à bloquer les rayons solaires qui cherchent à entrer par les fenêtres. La simulation réalisée dans le cadre de ce scénario suppose cependant que seule la portion opaque des façades concernées est protégée du rayonnement solaire.
Par ailleurs, la notion de mur végétal peut être étendue à une haie ou un arbre assez volumineux, pourvu que ceux-ci procurent un ombrage sur toute la face concernée de l’immeuble. En effet, toute forme d’ombrage projetée sur le mur par des végétaux contribue ultimement à les empêcher de surchauffer. Tel que le démontre la figure suivante, les murs végétaux ont un impact notable sur la température.
Si la température intérieure n’est que légèrement affectée à la baisse en incorporant un mur végétal, la température radiante est quant à elle diminuée de plusieurs degrés (jusqu’à 4 °C au RDC et 5 °C à l’étage)! Cela se traduit par une légère diminution du PPD (voir le troisième graphe de la figure 13).
Remplacement du toit existant par un toit blanc
Actuellement, les toits des bâtiments du complexe Jean-Dallaire sont très foncés. Ce genre de recouvrement augmente non seulement l’effet général des îlots de chaleur, mais il contribue aussi à la surchauffe de l’intérieur des logements par effet de radiation. Puis, comme le démontre les modélisations pré et post-rénovation, une grande quantité de chaleur est transférée au logement par le plafond en raison de la surchauffe caractéristique de ce type de toit.
Aussi, nous avons modélisé le comportement de la température si un toit blanc remplaçait le toit foncé actuellement présent. Cette mesure affecterait principalement l’étage et son impact est jugé négligeable pour le niveau du RDC. En savoir plus sur les toits blanc.
Les courbes indiquent une légère diminution de la température sèche et de la température radiante, se traduisant par une diminution prévue de l’insatisfaction. À noter que cette évaluation ne prend pas en compte l’effet positif de la présence de toits blancs sur la diminution de l’îlot de chaleur dans cette région de la ville!
Mise en place simultanée des trois mesures
En appliquant simultanément les trois mesures mentionnées ci-haut, l’impact sur le confort devient beaucoup plus notable, et ce, sans l’intervention des occupants et sans l’ajout d’aucun système mécanique!
Atténuer les îlots de chaleur à grande échelle
Pour remédier aux îlots de chaleur, la solution serait de prendre diverses mesures pour diminuer l’effet local d’îlot de chaleur dans la communauté. Ceci pourrait être réalisé en ajoutant des arbres, en verdissant les espaces de stationnement et/ou en ajoutant des surfaces réfléchissantes pour projeter de l’ombre dans ces espaces. À cela s’ajouterait l’installation de toits blancs, lesquels auraient un impact doublement positif en agissant aussi directement sur le bien-être intérieur des occupants.
La figure suivante montre à quel point cette solution structurelle à plus grande échelle pourrait avoir un impact important, avec une réduction de la température intérieure d’environ 3 °C sur toute la période!
Remplacement des stores vénitiens horizontaux par des draperies opaques
L'habillage intérieur des fenêtres peut aussi contribuer à réduire la surchauffe. Les stores vénitiens pourraient quant à eux être substitués par des stores verticaux, ou alternativement par des draperies réfléchissantes opaques, sans affecter le comportement thermique à l’intérieur.
Dans ce dernier cas, il serait préférable de laisser la partie réfléchissante refléter le rayonnement solaire sans intermédiaire entre le vitrage et le côté réfléchissant. Le tissu devrait par ailleurs être tissé très serré pour ne pas laisser passer le rayonnement direct vers l’intérieur de la pièce.
La climatisation, en dernier recours
Même avec toutes ces solutions en place, il reste que le besoin en climatisation peut se faire ressentir. Il est possible d'opter pour des gestes simples qui permettent de rafraichir l'habitation sans la climatiser, mais ceux-ci ne sont pas nécessairement assez efficaces pour les populations plus vulnérables telles que les enfants et les personnes âgées.
Aussi, dans cette étude, nous avons également évalué le besoin en climatisation pour les logements. Le 25 Jean-Dallaire représente l’unité la plus susceptible de surchauffe puisque celle-ci possède trois faces exposées au soleil à différents moments de la journée, alors que peu d’ombrage est disponible pour la protéger du rayonnement solaire.
Avant la rénovation, le besoin pour les cinq jours de vagues de chaleur était estimé à 68 kWh, ce qui représente un coût d’environ 5,50 $, taxes incluses. La charge quant à elle se situe à environ 1,35 kW. Les rénovations portent la demande à 57 kWh (4,70 $, taxes incluses) en raison du fait qu’en étant mieux isolés, les logements conservent un peu mieux la fraîcheur générée par la climatisation. Le résultat le plus intéressant est cependant atteint avec l’ajout d’un pare-soleil et d’un mur végétal qui réduit la demande à 40 kWh (3,20 $, taxes incluses). La charge serait quant à elle réduite à environ 0,8 kW.
Les systèmes mécaniques pour contrer la chaleur
Si un système mécanique de climatisation est nécessaire, il faut cependant se questionner sur quel système mettre en place en fonction des bâtiments étudiés. La plupart du temps, étant donné qu’aucun système de climatisation n’est prévu avec les logements, les gens installent eux-mêmes des climatiseurs individuels de fenêtre ou sur roulettes et ceux-ci sont souvent mal installés! D’une part, le système est généralement peu étanche, ce qui fait en sorte qu’il y a un échange continu entre l’air humide et chaud de l’extérieur et l’air déshumidifié et frais de l’intérieur, ce qui occasionne des pertes d’énergie et de l’inconfort. D’autre part, la pente du climatiseur est souvent insuffisante, ce qui peut occasionner des dégâts d’eau qui risquent d’endommager le pourtour de la fenêtre, voire la structure.
On ne peut blâmer les occupants de se résoudre à ajouter eux-mêmes un climatiseur à leur logement lorsque la chaleur est insupportable. Cependant, pour éviter des complications et des systèmes peu efficaces, il serait préférable de faire installer ces systèmes par des professionnels et de choisir des équipements adaptés à la taille des logements et aux besoins des occupants.
Pour ce qui est des plus gros systèmes centralisés, il faut d’abord prendre en compte que les unités du Complexe Jean-Dallaire possèdent des échangeurs d’air, mais qu’elles ne sont pas reliées à un système de ventilation et de climatisation central. Aussi, bien qu’indubitablement la plus efficace et économique sur le long terme, lorsque l’espace nécessaire à l’installation des conduites a été prévu, la mise en place d’une solution centralisée représente un investissement important et des travaux structurels qui sont difficilement justifiables dans un bâtiment inadapté où l’espace pour ce genre de système n’est pas disponible.
Par contre, l’installation d’une thermopompe ou d’un système « mini-split » peut être efficace, mais le système doit être bien réfléchi en fonction du bâtiment! Pour qu’une thermopompe soit efficace, elle doit pouvoir répandre la fraîcheur (ou la chaleur en hiver) dans l’entièreté du logement. Dans le cas des unités étudiées, pour distribuer l’air frais dans tout le logement, il serait nécessaire d’installer plusieurs unités murales, c’est-à-dire au moins une dans la chambre à l’étage et une au rez-de-chaussée.
En effet, si on installe simplement une unité murale dans la pièce principale qui se trouve au niveau du rez-de-chaussée, les pièces à l’étage ne bénéficieront que très peu de la climatisation, surtout si les pièces ont leur porte close. À l'inverse, si celle-ci est placée à l’étage, le rez-de-chaussée ne pourra tirer profit du chauffage en hiver. Dans tous les cas, le besoin de chaque pièce sera vraisemblablement différent, ce qui se concrétisera par une température très hétérogène d'un étage à l'autre et d'une pièce à l'autre sur un même étage. Aussi, pour légitimer ce genre d’investissement, il est nécessaire de prévoir le coup!
Recommandations finales d'Écohabitation
Les rénovations visant l'efficacité énergétique effectuées au complexe Jean-Dallaire diminueront les coûts d’exploitation annuels de manière significative. Toutefois, elles n’amélioreront pas le confort thermique des occupants en période estivale, notamment au cours des périodes de chaleur intenses, l’inverse risquant en réalité de se produire!
Il est possible d’améliorer significativement le confort des occupants en adoptant des mesures structurelles passives simples, notamment l’ajout de pare-soleil, de couverture végétale et de toit blanc. Ces solutions ont non seulement l’avantage d’être efficaces pour les occupants, elles permettent aussi de réduire l’effet d’îlot de chaleur dans tout le quartier! Ces systèmes ont aussi le bénéfice d’être résilients en cela qu’ils fonctionnent même en cas de pannes de courant! De même, comme la modélisation de l’atténuation des îlots de chaleur l’a démontré, il serait pertinent d’agir à la source de ceux-ci en augmentant la canopée, en réduisant les espaces minéralisés et en recouvrant les surfaces extérieures foncées comme la brique brune avec des matériaux plus pâles.
Si plusieurs mesures adoptées simultanément peuvent avoir un impact positif sensible sur le bien-être des occupants, l’efficacité des mesures passives demeure limitée par la durée et l’intensité de la vague de chaleur, notamment les conditions qui prévalent au cours de la nuit et le comportement des occupants. Un système mécanique sans conduit pourrait être une avenue permettant d’assurer un minimum de confort thermique durant les périodes de chaleur prolongées les plus sévères.
À noter aussi que les scénarios ont volontairement négligé l’apport positif que pourraient apporter les occupants en adoptant des comportements proactifs pour limiter la hausse de température (ouverture et fermeture de fenêtres aux moments opportuns, utilisation de l’échangeur d’air, réduction des gains internes, etc.), de même que les comportements pouvant avoir un impact allant au détriment de leur propre confort (activité intense, ouverture des stores au moment inopportun, etc.). En effet, ces comportements sont difficiles à modéliser, mais il est clair que leur impact peut être très important. Une campagne d’information pourrait cependant être envisagée pour aider la communauté à adopter ou éviter certains gestes pour améliorer leur situation au cours de périodes de chaleur intense.
Étant donné que plusieurs ensembles de logements présentent des caractéristiques similaires, il serait judicieux de s’inspirer de ces résultats pour adapter le cadre bâti québécois aux vagues de chaleur toujours plus intenses et prolongées qui surviendront de plus en plus fréquemment dans les prochaines années.
Trouvez plus de pages sur la réduction des îlots de chaleur ci-dessous et dans notre guide de la construction écologique.
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