Afin de diminuer les risques de propagation des flammes lors d'un incendie, des composés retardateurs de flamme sont ajoutés aux différents matériaux qui meublent nos maisons : isolants, matériaux de construction, jouets pour enfants, rideaux, tapis, matelas, sofas, boîtiers d’ordinateurs, téléviseurs, lampes halogènes, extincteurs, plastiques, etc.
Les retardateurs de flammes : partout dans la maison
Le retardateurs de flamme, tout comme de nombreuses substances chimiques telles les PFAS, qui imperméabilisent les matières, ont infiltrés les objets et produits de la vie de tous les jours. Le Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec (CEAEQ) mentionne d'ailleurs que jusqu’à 30 % de tout ce qui entre dans la composition de ces matériaux peut être constitué de retardateurs de flamme, des composés préoccupants pour la santé et l’environnement.
Alors que la présence de retardateurs de flamme dans ces produits n'a pas toujours été indiquée clairement sur des étiquettes, il est difficile de trouver des meubles ou des tissus exempts de ces substances.
Quelle est la composition des ignifugeants ?
Les composés généralement utilisés comme retardateurs de flamme sont de la famille des halogènes (chlore, brome,...) et sont extraits des eaux (océans, eaux de la mer Morte, saumure d’Arkansas). Lorsqu’ils entrent en contact avec la chaleur, ces derniers vont se décomposer rapidement et libérer des radicaux qui ont la capacité d’étouffer les flammes. La production mondiale est de l’ordre de 100 000 tonnes par année* : on en retrouve aujourd’hui dans les colorants, les cosmétiques et le désinfectant pour traiter l'eau des piscines. Ils sont aussi les plus préoccupants pour la santé et l’environnement.
Les ignifugeants les plus courants sont ceux à base de brome : les polybromodiphényles éthers (PBDE). Le brome, 62e élément chimique de la croûte terrestre, a notamment été utilisé comme gaz suffocant par l'armée allemande, pendant la Première Guerre mondiale.
Effets sur l'environnement et la santé des retardateurs de flamme
Les retardateurs de flamme relâchent des particules dans l’environnement pendant toute leur durée de vie, contaminant l’air, le sol et l’eau. D'une part, ils s’insèrent dans la chaîne alimentaire via le contenu de nos assiettes, surtout par les produits riches en lipides tels que les poissons, les viandes, le lait, etc.
D'autre part, on les respire directement dans la maison lorsqu'ils s’échappent des meubles. Ils retombent sous forme de poussières, que nous assimilons par les pores et les voies respiratoires.
Alors que les contaminants persistants dans l’environnement tendent à diminuer, la concentration de ceux retrouvés dans les retardateurs de flamme augmente... et de manière exponentielle (une fois absorbés, ils s’éliminent difficilement). Les taux retrouvés dans le gras des bélugas, par exemple, a doublé en moins de trois ans. Chez les humains, la concentration retrouvée dans le sang, les tissus et le lait maternel double environ tous les cinq ans, selon le CEAEQ.
Même si les effets sur l’humain ne sont pas encore clairement établis, des études comparatives ont tout de même démontré que leur accumulation dans notre système semble poser un danger bien réel :
- Effets cutanés et oculaires à court terme
- Troubles hépatiques
- Troubles du système hormonal et de la glande thyroïde
- Déficits d’attention et problèmes de motricité
- Retard de développement du système nerveux et troubles neurocomportementaux (perturbateur endocrinien)
- Ralentissement du développement du cerveau, retards d’apprentissage et QI moins élevé
- Difficulté accrue de conception
- Délétion (absence) de la spermatogenèse
- Cancer
Malheureusement, les retardateurs de flamme sont pratiquement inévitables
Au Canada, la fabrication de composés à base de PDBE est interdite depuis 2008, mais nulle législation ne régit les produits provenant d'autres pays. De même, il n’est pas obligatoire de mentionner leur présence sur les étiquettes. La réglementation canadienne s'avère inefficace pour protéger notre santé, en ce qui a trait aux nombreux produits et matériaux importés contenant des PDBE.
Il y a donc de fortes chances que vous ayez acheté un produit sans savoir qu’il contenait des retardateurs de flamme. Aujourd’hui, il est pratiquement impossible d’acheter un article neuf qui n’en contient pas...
Vraiment efficaces, les retardateurs de flamme ?
En 1987, le scientifique Vyto Babrauskas conduisait une étude sur les retardateurs de flamme pour un usage militaire. Son verdict ? Leur présence dans des produits et matériaux peut effectivement limiter le déploiement rapide d'un incendie et sauver des vies, mais seulement s’ils sont concentrés en très très grande quantité, ce qui n’est pas le cas avec les articles ménagers disponibles au consommateur moyen.
Selon lui, les matériaux vendus sur le marché international (et produits dans des pays qui ne les interdisent pas) n’en contiennent pas suffisamment pour être efficaces contre le feu. En fait, les retardateurs de flamme permettraient uniquement de passer les tests d'inflammabilité, mais ne préviendraient pas vraiment l'inflammabilité des matériaux. De nombreuses études, comme celle effectuée par Marketplace, une émission sur l'actualité économique et commerciale diffusée sur CBC, ont depuis confirmé le tout.
Bref, des produits bioaccumulables très nocifs et coûteux sont introduits en grande quantité dans notre environnement… pour rien !
Pourquoi les compagnies utilisent des retardateurs de flamme, alors ?
Les manufacturiers intègrent des retardateurs de flamme dand leurs produit depuis la mise en place d'une loi californienne datant de 1975 : le Technical Bulletin 117.
Aux prises avec de nombreux feux domiciliaires, la Californie a adopté à l'époque ce code qui décrète que tout article ménagé vendu dans l'État soit en mesure de limiter la propagation des flammes. Cependant, alors que la loi exige que les matériaux résistent à une petite flamme pendant 12 secondes, elle ne requiert aucunement l’utilisation de retardateurs de flamme.
En voulant répondre aux critères de la Californie, douzième économie mondiale, les manufacturiers de partout ont dès lors introduit les retardateurs de flamme dans pratiquement tous leurs articles ménagers et matériaux. S’il est pratiquement impossible aujourd’hui de se procurer un meuble qui ne contienne pas de ces produits nocifs, c’est parce que l’industrie aura voulu répondre aux standards, aujourd’hui désuets, de la Californie. Une idée louable, au départ, qui aura finalement eu des conséquences inattendues bien au-delà de ses frontières.
Nouvelles lois pour se protéger des retardateurs de flamme
Puisque l'introduction des retardateurs de flamme dans tous les produits est presque devenue une norme internationale, la solution pour limiter la présence de ces composés dans l'environnement réside dans la modification de la loi TB 117. Ce qu'a tenté la Californie... sans succès.
Dès 2008, les pompiers se sont joints à des environnementalistes, de nombreuses associations citoyennes et même des manufacturiers pour dénoncer l’inutilité et la nocivité de ces retardateurs coûteux. Car les pompiers sont très concernés par les retardateurs de flamme. En effet, ces composés rendent la fumée, déjà toxique, encore plus nocive et causeraient un taux de cancers plus élevé chez les pompiers que chez la population moyenne.
Le sénateur de l’époque, Mark Leno, a tenté à maintes reprises de faire modifier le Code TB 117, mais ses efforts ont été totalement anéantis par la puissante industrie chimique.
En 2014, la Californie a marqué une grande victoire pour la santé et l’environnement quand le gouverneur Jerry Brown a signé le projet de loi modifiant le code TB 117. La loi n'a pas rendu illégaux les retardateurs de flamme, mais en retirant la contrainte de résistance de 12 s, il est exigé des manufacturiers d'étiqueter des produits chimiques toxiques dans les meubles rembourrés. Lisez notre article à ce sujet ici.
En parralèle, le cabinet international d'architecure Perkins + Will a publié des directives de conception concernant les retardateurs de flamme dans les produits de construction. Healthy Environments: Strategies for Avoiding Flame Retardants in the Built Environment. Sparking a conversation about opportunities to design healthier building environments. Écrite par Michel Dedeo, Ph.D., et Suzanne Drake, designer d'intérieur senior à la firme - l'étude se concentre sur huit mesures pratiques à prendre afin d'éviter l'introduction de retardateurs de flamme dans des espaces occupés.
Comment éviter les retardateurs de flammes bromés ? Alternatives
En attendant le changement de législation, il est recommandé d’opter pour des matériaux et produits naturellement ignifuges, tels la laine, le coton et la jute. Vous pouvez également vous informer auprès des fabricants pour connaître la nature des retardateurs de flamme. Les composés phosphorés, azotés ou à base de bore seraient moins nocifs pour l’environnement et la santé que ceux contenant du brome.
Le bore, peu nocif, est présent dans la nature et ne s’accumule pas dans les tissus et graisses animales. Le niveau de bore introduit dans la nature par l’homme est plus faible que sa concentration naturelle et il fait même partie de notre alimentation (quoique nocif pour l’organisme si ingéré en trop grandes quantités).
Si vous ne parvenez pas à connaître la composition du rembourrage, essayez d'éviter les meubles et coussins qui en contiennent. Vous pouvez également faire pression sur les manufacturiers, en exigeant des panneaux isolants sans retardateurs, par exemple.
Pour aller plus loin:
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Merci pour cet article! Est il possible de tester la présence de retardateurs de flamme nocif pour le mobilier que l'on a déjà? Si oui, comment?