Mérule pleureuse, les subventions
La mérule pleureuse, ou Serpula incrassata, est un champignon lignivore: elle se nourrit particulièrement dans le bois humide au Québec. Lorsqu'elle atteint un bâtiment, elle attaque sa structure jusqu’à ce qu’elle se décompose. La vitesse déconcertante à laquelle elle décompose ce qu’elle affecte renforce sa réputation ravageuse. Mais pas de panique: elle n’a aucune chance dans une maison bien entretenue, ventilée et sans infiltration d’eau.
Dernièrement, la Société d’habitation du Québec (SHQ) a mis sur pied un programme de subventions pour aider financièrement les propriétaires-occupants concernés par la propagation de ce champignon ravageur et le Bureau de normalisation du Québec (BNQ) a publié une norme pour encadrer les travaux de décontamination des champignons lignivores dans les bâtiments.
Pour connaître les détails de l'actualité liée à la lutte contre la propagation et en savoir plus sur les méthodes de construction qui évitent les risques d'apparition, Écohabitation vous livre l'essentiel.
La mérule pleureuse a plusieurs appellations: champignon de la pourriture sèche, Serpula lacrymans, Merulius domesticus, Merulius lacrymans ou Gyrophana lacrymans. En Amérique du Nord, la forme la plus courante prend le nom de Serpula incrassata. Son nom vient du fait qu’en milieu humide et stagnant, des gouttelettes d’eau se formeront sur le champignon, tels des larmes.
La mérule, un fléau qui atteint le Québec
Véritable fléau en France, la mérule pleureuse endommage de plus en plus de maisons au Québec. Des dizaines de cas ont été déclarés dans diverses régions, à l'est comme à l'ouest de la province, y compris à Montréal.
Comment ce champignon ravageur est-il arrivé ici? Aujourd’hui peu visible dans la nature, l’habitat initial de la mérule est pourtant la forêt de conifères himalayenne. La version agressive, celle que l’on retrouve dans les maisons, proviendrait d’une mutation ayant eu lieu en Asie. On la retrouve maintenant en Europe, en Amérique du Nord et du Sud ainsi qu’en Océanie.
Comment reconnaître la mérule pleureuse
Premier signe qui doit être pris en compte: la mérule dégage une forte odeur de moisissure. À quoi ressemble-t-elle? En fait, elle change de couleur selon son stade physiologique: la jeune Serpula incrassata est blanche, puis elle adopte une teinte brunâtre ou rougeâtre à maturité. Elle peut aussi épouser différentes textures, selon son environnement:
- cotonneuse, blanche: dans un environnement très humide et stagnant;
- filamenteuse et soyeuse, argentée teintée de jaune et lilas: dans un environnement moins humide. Sous cette forme, les fils peuvent atteindre 10 cm de diamètre;
- ronde et visqueuse.
Puisqu’elle se développe dans les endroits confinés, il n’est pas rare de l'identifier trop tard, une fois que le bois est moisi jusqu’au cœur.
Ne pas confondre la mérule avec le salpêtre, une couche blanchâtre formée par l’accumulation de sels minéraux sur des murs mal ventilés.
La mérule pleureuse se propage par voie aérienne
La mérule se déplace par voie aérienne, via des spores asexués ou sexuées (grâce aux basidiospores – son principal mode de dispersement). Le spore utilisera le vent, l’homme, les animaux comme vecteurs pour pénétrer dans les anciennes bâtisses. Une fois entré, il se logera dans les plinthes et les cloisons, sous les revêtements de sol et même dans les plafonds où il attendra les conditions propices pour se développer. Un seul minuscule spore qui se dépose sur du bois mouillé dans des conditions propices peut suffire à coloniser tout un bâtiment... et les spores peuvent rester viables pendant plus de 20 ans!
La concentration de spores dans un sous-sol contaminé peut atteindre jusqu’à 360 000 par m3. Il est été estimé que la libération de spores dans une mérule de 1 m3 peut atteindre 3 x 109 spores par heure. Les spores sécrétés se déposent sur les surfaces avoisinantes, pouvant rapidement s’étendre à tout le bâtiment.
Mérule pleureuse : l'humidité et le manque de ventilation sont en cause
Pour que la mérule se développe, plusieurs conditions doivent être réunies, selon un cocktail bien précis. C'est dans les sous-sols et les vides sanitaires des maisons ancestrales peu entretenues qu'on les retrouve:
- un taux d’humidité entre 20 et 40%;
- une température entre 19 et 21°C;
- un espace confiné, renfermé et obscur, non-aéré;
- une présence d’ammoniaque.
Si ces conditions sont rassemblées, la mérule peut se développer très rapidement, de 4 à 80 mm par jour! Et plus l’atmosphère est renfermée, plus vite elle grandit, pouvant finalement atteindre plus de 8 mètres. Et ne croyez pas être à l'abri si vos fondations n'ont pas d'infiltrations: dans ces conditions, la mérule peut également attaquer du bois sec, du moment qu’elle peut se nourrir de l’humidité contenu dans l’air ambiant.
En dessous, ou au-delà des conditions optimales, la mérule ne meurt pas mais entre en latence, attendant un moment propice pour se réveiller. Elle peut ainsi rester en «dormance» pendant près de 10 ans.
En général, les conditions propices au développement de la mérule sont notables:
- dans les maisons anciennes, humides, ayant une mauvaise ventilation;
- des maisons inhabitées durant plusieurs mois;
- dans les vides sanitaires et les caves ayant une mauvaise aération, dont le sol est en terre;
- dans les combles pas ou peu aérés;
- à proximité d'une fuite d'eau, d'une fissure de cheminée ou de tuiles, de fenêtres en mauvais état, modifiées voire déplacées, et sans adaptation de la ventilation.
Les dangers de la mérule pleureuse au Québec
Le bois est la cible principale de la mérule. Nous vous épargnerons les détails peu appétissants, mais en résumé, la mérule libère des enzymes qui dissolvent la cellulose du bois. Le bois atteint par la mérule perd alors du poids et de sa résistance, ce qui entraine un rétrécissement et un assombrissement du bois très caractéristique. On peut observer une forme de «craquage cubique»: le bois se fissure sous forme de petits cubes. Ce craquellement est généralement le premier signe qu’il y a un problème.
Une fois toute la cellulose rongée par la mérule, le bois fini par s’effriter (c’est pourquoi on surnomme également la mérule de «champignon de la pourriture sèche»). Elle est si vorace que ses racines peuvent même traverser les fondations de pierre et les murs de brique afin de trouver de quoi se nourrir. Si la mérule n’est pas identifiée assez rapidement, elle peut gruger rapidement tout un édifice! Dans ce cas, on vous laisse imaginer les répercussions sur la structure d'un bâtiment.
Qu'en est-il des risques pour la santé? La mérule est un champignon et non une moisissure. Ses caractéristiques physiologiques ne sont pas les mêmes, et ses effets non plus. L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) n'en recense aucun effet toxique et aucune infection fongique; il ne relève "aucune indication à l’effet que S. lacrymans engendre des symptômes d’irritation ou d’inflammation". Il est question d'un potentiel de réaction allergique chez des personnes polysensibilisées. Mais les symptômes ou maladies respiratoires (irritation des muqueuses, congestion nasale, asthme ou rhinite allergique, conjonctivite, etc.) possiblement observés chez les occupants des habitations infestées peuvent avoir pour origine les moisissures, souvent présentes dans ces mêmes bâtiments "compte tenu de la présence de conditions environnementales favorisant la croissance de ces deux groupes de mycètes (humidité élevée, moiteur importante ou présence d’eau en permanence)".
La problématique de la mérule pleureuse découlerait donc uniquement des dommages importants entraînés sur les bâtiments affectés.
Infiltrations et air vicié dans votre sous-sol? Prévenez une attaque de la mérule pleureuse !
La mérule n’a pour ainsi dire pas de chance dans une maison bien conçue et bien construite, sans source d’humidité (bien ventilée, isolée aux normes, sans infiltration d’eau). Pour prévenir la mérule, il faut donc contrôler les taux d’humidité et de ventilation, particulièrement au sous-sol. Également à éviter : le stockage du bois et des résidus de bois dans les caves ou les débarras mal ventilés.
Si vous pensez que votre maison est à risque, il est possible de la prétraiter entièrement avec des produits fongicides biologiques à base de bore tels que le Tim-Bor et le IMPEL Rods, des poudres que l’on mélange avec de l’eau avant de l’appliquer sur tout le bois de la maison – montants, vide sanitaire, sous-plancher, chevrons, revêtements… Ce traitement rend le bois résistant aux termites et à la pourriture pendant plus de 30 ans. On peut également pulvériser du Bora-Care, un concentré liquide qui donne les même résultats.
Les fongicides à base de bore sont pratiquement inodores et ont une toxicité pour votre famille et vos animaux de compagnie à peu près identique au sel. Ce minéral naturel n’a pas d’impacts négatifs sur l’environnement et, puisqu’il utilise l’humidité présente dans le bois comme support, ils se diffusent aisément (le bore est ainsi acheminé vers toutes les zones du bois affectées).
Dans tous les cas, même si ce n’est pas toxique pour les occupants, il est conseillé de faire appel à un spécialiste pour les traitements. Pour en savoir plus, consultez les détails de la norme québécoise pour guider les actions contre la mérule pleureuse, ci-dessous. Et la carte de la Mérule pleureuse au Québec ici.
Traitement de la mérule: les grands moyens!
Si le bois est atteint par la mérule pleureuse, l’unique solution est parfois la démolition. Dans ce cas, il faudra se débarrasser du bois affecté, le brûler, reconstruire les structures et stériliser tout le bois de la maison (avec des produits à base de bore).
Si on remarque sa présence assez rapidement, il est tout de même possible de lutter contre la mérule pleureuse. Un expert procédera alors au piquetage des endroits infectés, toujours en utilisant un produit fongicide à base de bore. Sans doute que la maison ainsi «sauvée» aura tout de même subi des dégâts importants. Il faudra parfois remplacer certaines composantes de la structure, ou encore renforcer le bois avec de l’époxy – le produit peut rendre le bois affecté très solide et durable. Les entreprises compagnie entreprises spécialisées dans l'analyse et le traitement du bois pour la mérule pleureuse au Québec offre ses services dans toutes les régions.
Contrairement à la croyance populaire, il ne faut pas mettre d’eau de javel sur la mérule ni d’époxy, cela accélère sa croissance (on met de l'époxy sur un bois sans champignons). Ne tentez pas non plus de la brûler au chalumeau. Puisque la contamination découle d’un ensemble complexe d’éléments, il faut analyser son origine afin de prodiguer un traitement approprié.
Une norme pour investiguer et réhabiliter les bâtiments contaminés par la mérule pleureuse
Pour encadrer les travaux de décontamination de la mérule pleureuse et d'autres champignons lignivores dans les bâtiments, le Bureau de normalisation du Québec (BNQ) a publié en juin 2021 la norme BNQ 3009-610, Contamination des habitations par la mérule - Investigation et réhabilitation du bâtiment.
Cette norme, la première en Amérique du Nord, établit les mesures à respecter pour réaliser les investigations et réhabiliter les bâtiments résidentiels à ossature de bois contaminés par des champignons lignivores telle que la mérule.
Grand avantage de disposer d'une norme au niveau provincial : elle sert de référence aux professionnels et aux employés d'entreprises qui offrent des services d'investigation ou de réhabilitation des habitations contaminées, mais aussi aux occupants, aux propriétaires ou gestionnaires de bâtiments, aux entrepreneurs, aux municipalités ainsi qu'aux organismes gouvernementaux et règlementaires.
Grâce à cette norme, les propriétaires de maisons concernés par cet enjeu pourront accéder à des services d'investigation et de réhabilitation de qualité et uniformes. De plus, les autorités règlementaires et les compagnies d'assurances pourront exiger d'y avoir recours. Enfin, elle pourra servir de document de référence fiable lors de litiges au Québec.
De plus, les autorités règlementaires et les compagnies d'assurances peuvent exiger d'y avoir recours, et elle sert une base fiable et commune à tous lors de litiges au Québec.
Des aides financières pour aider les propriétaires concernés par la propagation de la mérule pleureuse
Depuis 2018, la SHQ aide financièrement les propriétaires-occupants de bâtiments résidentiels contaminés par la mérule pleureuse. Au total, en 2021, ce sont 47 propriétaires qui ont ainsi bénéficié de montants d'argent conséquents pour effectuer les travaux nécessaires à la décontamination de leur bâtiment ainsi qu’à sa réhabilitation ou à sa reconstruction, selon le cas. Le programme a été officiellement reconduit jusqu'en mars 2025.
Le montant de la subvention, calculé en appliquant un taux d’aide de 75 % au coût reconnu, peut atteindre:
- jusqu'à 150 000 $ par bâtiment admissible dans le cas d’une démolition et reconstruction lors d’une perte totale;
- jusqu'à 90 000 $ dans tous les autres cas.
L’octroi de l’aide financière est conditionnel à ce que le demandeur s’engage à demeurer le propriétaire-occupant du bâtiment pour au moins deux ans à compter de son versement final. Cependant, le bâtiment n’est pas admissible au programme s’il a été acquis après le 4 octobre 2018 sans garantie légale, aux risques et périls de l’acheteur, ou sans faire l’objet d’une inspection préachat ou encore sans que des démarches supplémentaires aient été faites alors que le rapport d’inspection faisait état de la présence possible de champignon.
Norme et subventions pour lutter contre la mérule pleureuse, fruit de la pression des citoyens
La mise sur pied du programme de subventions et de la norme pour encadrer les interventions sur les bâtiments contaminés a été provoquée, entre autres, par la multiplication des cas au Québec, les pétitions des sinistrés et la création d'une association, Mérule Québec.
Car en plus d'être désastreuse dans le bâtiment, la propagation de la mérule l'est aussi financièrement. Avant la mise sur pied de la norme, dans le cas où la démolition constituait le dernier recours, aucune compagnie d'assurance n'acceptait de couvrir les frais. La contamination d'une maison par la mérule pleureuse n'était pas reconnue comme un sinistre.
Surveillez donc les signes qui pourraient contribuer au développement de la mérule pleureuse dans votre habitation : la présence élevée d’humidité ou d’eau dans les matériaux de bois, de papier et de carton mouillés, une ventilation insuffisante ou absente, et la température se situant entre 5 °C et 26 °C.
Sources
- La norme BNQ 3009-610 Contamination des habitations par la mérule - Investigation et réhabilitation du bâtiment
- Programme pilote d’intervention résidentielle – mérule de la Société d’habitation du Québec
- INSPQ
- PLANTS.OX
- S. C.Watkinson and D. C. Eastwood. Serpula lacrymans, Wood and Buildings. Advances in Applied Microbiology, Vol. 78, Burlington: Academic Press, 2012, pp. 121-149.
- Radio-Canada, Le cancer du bâtiment s’étend encore, Article en ligne du 9 décembre 2016
Bonjour,
Nous sommes une municipalité dans le Bas-st-Laurent. Un citoyen est en présence de la mérule pleureuse à l'intérieur de sa maison. Le citoyen s'est inscrit au programme de subvention. En cours de route, il a faite une demande de démolition à la municipalité qui faut jamais effectuer. Actuellement, le citoyen laisse aller la maison en vente pour taxe (refus de payer ses taxes). Mes citoyens du village commencent à questionner sur l'avancement des travaux. Un coup la maison cédée à la municipalité ou particulier après la vente pour taxes, est-ce que la municipalité pourrait bénificier d'un fond du programme pour effectuer la démolition du bâtiment?
Merci et bonne journée!
Bonjour M. Labrie, j'imagine que vous avez obtenu votre réponse depuis que vous avez posé votre question?
Bonjour Mme. Ces subventions sont-elles aussi pour les sinistrés de la merule en France ?
Bonjour. Les aides sont elles disponibles pour les sinistrés de la mérule en France ?
Malheureusement, le programme dont il est question dans l'article est conçu pour les résidences québécoises. Il est administré par la Société d'habitation du Québec.