La « voie d’avenir ». Une construction en moins de 24 heures. Pour contrer la crise du logement à l'échelle mondiale. Plus résistante que les constructions traditionnelles. Réponse à l’état d’urgence climatique… À en croire les informations véhiculées par les médias, les maisons imprimées en 3D offrent des solutions à bien des maux. Mais qu’en est-il vraiment? Et quel est l'impact écologique pour cette nouvelle technique de construction?
C'est quoi une maison imprimée en 3D et comment ça se construit ?
Le bâtiment est tout d’abord conçu numériquement. Une machine permet ensuite d’imprimer des structures de manière automatisée sur site ou hors site: couche par couche, une pâte (mortier, béton, plastique, boue) est poussée à travers une buse ou un bras robotisé, selon les indications d’un dessin numérique, pour ériger la charpente.
À première vue, l’idée semble intéressante. Elle permettrait de choisir en ligne un modèle prédéfini et de convenir d’une date pour « imprimer » sa maison sur n’importe quel site, rapidement et à faible coût. Mais est-ce que la technologie offre vraiment ces avantages ? On a creusé le sujet.
Quels sont les avantages des maisons imprimées en 3D au Québec?
Temps de construction des maisons imprimées en 3D: pas vraiment plus rapide
Si l’on retrouve des mentions de construction en 24 heures à travers les articles et publicités vantant les mérites des maisons imprimées 3D, nul projet n’a pu démontrer un tel record. La charpente de la Fibonacci House en Colombie-Britannique a par exemple été construite hors site en 11 jours.
Du côté de la première maison 3D de l'organisation internationale Habitat pour l’humanité, construite en Virginie, s’il n’a fallu que 28 heures pour imprimer les murs de béton, le chantier de construction pour finaliser la maison a pris autant de temps que pour une maison traditionnelle.
Si les chiffres sont loin de la réalité, c’est que l’information véhiculée omet le fait que ces délais ne concernent que la charpente ! Elle ne tient jamais en compte les fondations, toits, fenêtres, portes, finitions intérieures et extérieures, plomberie, etc. Des éléments qui constituent près de 80 % de la construction d’une maison.
Ainsi, la maison construite à Windsor-Essex par Habitat pour l’humanité (Hh) n’a pas été construite en 3-4 jours, comme le mentionne Chris Marin, chef opérateur d’imprimante de maisons en 3D (ICI Windsor, 2022). Seule la charpente a été érigée dans ces délais.
Ian Sabourin Somers, conseiller technique chez Écohabitation, apporte un bémol sur la vitesse de production des maisons 3D : « Le seul avantage apparent est la vitesse de production, pour pallier les besoins en logements. Mais on peut peut-être en débattre, si on considère les maisons préfabriquées et les panneaux modulaires ». Lloyd Alter abonde dans le même sens : « une machine robotisée informatisée de construction de murs préfabriqués peut produire en une heure tous les murs d'une maison, avec l'isolation, les câbles électriques et les fenêtres, qui peuvent être expédiés aussi facilement qu'un sac de ciment sur un site et assemblés en une heure ».
Verdict : Si l’impression 3D permet d'épargner du temps de production sur la charpente (si on la compare à une construction classique, et non avec le préfabriqué en usine), elle est bien loin d’offrir les délais mentionnés par les médias. Surtout compte tenu du fait que dans une construction classique, les murs sont la partie la plus rapide à ériger et ne représentent qu'une fraction du coût de la structure finie et utile (l'impression 3D ne prend en charge que 20-25 % d'un bâtiment entier, tandis que les méthodes conventionnelles sont responsables des 75-80 % de construction restantes).
Prix des maisons imprimées en 3D: pas vraiment moins élevés
Au niveau des coûts, plusieurs articles consultés parlent d’une économie de coûts de 50 % pour la « maison ». Il semblerait plutôt que les économies se retrouvent uniquement au niveau de la structure, puisque rappelons-le, seule la structure est imprimée (et qu’elle serait plutôt de l’ordre de 10 – 20 %, réduction imputable au coût de la main-d’œuvre, moindre sur une charpente imprimée).
Les attentes sont donc plutôt irréalistes au niveau des coûts, qui semblent être impossibles à déterminer, pour le moment. Selon Ian Arthur, président de l'entreprise Nidus 3D responsable du projet pilote: « Il est trop tôt pour fournir des données chiffrées du coût total du projet (la maison Windosr-Essex d’Hh) initial. ». Il s’agit d’un projet de recherche et de test. C'est la première fois qu'on y pense au Canada, explique-t-il dans une entrevue donnée à ICI Windsor (2022).
« Et bien que les coûts des charpentes en bois et en béton soient pour le moment équivalents, le béton et l’acier deviennent de plus en plus coûteux, car les matières qui le composent se raréfient. À l’international, le coût du bois est plus stable (moins de fluctuation). L’extraction et le transport de ces matières augmentent le volume des gaz à effet de serre (GES) pour une demande qui dépassera les capacités des ressources disponibles avant la fin du siècle », mentionne Guy St-Jacques, Président du Groupe de Neuve Ltée.
Selon le Graham Construction Material and Commodity Review, paru en mai 2021, le coût du béton devrait augmenter avec les pénuries de sable et le boom de la construction résidentielle et commerciale.
Verdict : les maisons 3D sont encore en phase expérimentale. Elles ne semblent pas offrir pour le moment de véritables économies de coûts. Il faudra attendre quelques années afin d’obtenir des données plus probantes.
Les maisons imprimées, une solution à la pénurie de logements ?
Pour de nombreux médias, une raison d’être des maisons imprimées en 3D est d’aider les gens qui ont du mal à se loger, puisqu’elles sont supposément moins coûteuses et plus rapides à construire (ce qui n’est pas nécessairement le cas, comme on vient de le voir). Ceci dit « le problème du logement n’a jamais été technologique, il est social et économique, qu’on soit à San Francisco ou au Salvator. » mentionne Lloyd Alter.
Il donne l’exemple des maisons ICON construites au Salvator, pour et par la communauté locale : « Ils lâchent les machines d'impression 3D les plus sophistiquées du monde au milieu de cette communauté et impriment des maisons comme personne n'en a jamais vu, des maisons qui n'ont pas besoin de maçons, de plâtriers ou de main-d'œuvre, qui ne créent pas beaucoup d'emplois locaux ou n'enseignent pas beaucoup de compétences. Quelle perspective occidentale ! Ils ont un peu réduit le coût de la maison, mais l'argent ne va plus dans les poches des travailleurs locaux, il va à acheter des sacs de boue pour alimenter la grosse imprimante coûteuse. »
Benjamin Zizi, conseiller technique chez Écohabitation, abonde dans le même sens : « Tous les exemples mentionnés de constructions imprimées en 3D sont pour des maisons. La pénurie de logements ainsi que l’étalement urbain sont des problèmes dont les solutions se situent bien plus dans les projets de bâtiments multi logements, dans des zones reliées aux réseaux urbains (transports, commerces, lieux de travail, loisirs, etc.). »
« Les technologies 3D ne semblent pas adaptées aux besoins en termes d'habitation.» Benjamin Zizi, conseiller technique chez Écohabitation
Verdict : nous avons besoin de logements multifamiliaux à faible teneur en carbone. S’il va de soi que tout le monde mérite d’avoir accès à un logement adéquat, le problème ne semble pas nécessiter une réponse technique, mais bien idéologique et urbanistique.
Impressions 3D en béton: réponse à la pénurie de main-d’œuvre et designs uniques
Le secteur de la construction au Canada fait actuellement face à une pénurie de la main-d’œuvre qualifiée. Puisqu’elle nécessite moins de personnel pour la charpente, elle offre ici un certain avantage. Selon Charles Overy, directeur chez LGM 3D « l'impression 3D pourrait avoir la possibilité de se généraliser dans le secteur de la construction aux États-Unis d'ici 10 à 20 ans. » Il estime que « les pénuries chroniques de main-d'œuvre dans le secteur de la construction dues aux politiques gouvernementales pourraient obliger les constructeurs à investir plus rapidement dans la technologie (d'impression 3D) » .
L’impression 3D permet par ailleurs de construire des maisons au design unique, des murs complexes et des formes courbes au même prix qu’un mur droit. Une réponse à la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de la construction et les designs uniques semblent pour le moment les seuls avantages à construire une maison 3D.
Quels sont les avantages environnementaux d'une maison construite avec une imprimante 3D?
Nous avons recensé des exemples très intéressants de constructions en 3D utilisant des matières organiques plutôt quq du béton. Par exemple, la Société SHoP Architects (NY) s'est penschée sur l'utilisation de boue locale ou d'une pâte de composite de bambou. Le projet TECLA montre qu'une maison belle, saine et durable peut être construite par une machine, en utilisant la matière première biosourcée locale. L’équipe derrière le projet a même construit un « kit » d’assemblage pour l’infrastructure robotisée, livrable partout à travers le monde dans un conteneur, qui permet de construire une maison similaire.
La University of Maine a aussi construit un prototype de maison imprimée en 3D dont les murs, les planchers et les plafonds sont composés de fibres de bois et de bio-résines, la BioHome3D. Selon l'unversité, ce protoype de 600 pieds carrés est même recyclable et a pratiquement éliminé les résidus de construction grâce à cette méthode de construction!
Matériaux des maisons imprimées: pas plus écologiques, bien au contraire !
Il reste que pour le moment, les constructions 3D se font principalement en mortier-béton, ou en plastique, des matériaux dont l’impact environnemental est lourd. « Au niveau de l’impact carbone, le bois reste encore la matière la moins chère, et la meilleure manière de construire. Point. Outre quelques rares exemples, le 3D utilise du plastique, du ciment et du béton. Même si le béton est « écolo » rien ne vaut pour le moment une équipe d’ouvrier sur place qui travaille le bois, qui plus est s’il est local… », mentionne Emmanuel Cosgrove, directeur d’Écohabitation.
« On ne voit pas, dans un futur proche, des machines 3D utilisant du biosourcé percer le marché nord-américain». Emmanuel Cosgrove, directeur d’Écohabitation
Bien sûr, du plastique peut aussi être recyclé et utilisé dans les mélanges. Mais cette alternative de recyclage pose certainement des problèmes logistiques, ainsi que des problèmes de santé liés au fait de vivre dans une maison fabriquée à partir de plastique recyclé. Selon M. Overy « Il n'est pas facile de s'approvisionner localement et de certifier les flux de déchets recyclés, et il n'y a pas non plus d'incitation économique énorme à le faire. Par conséquent, il n'est pas facile d'un point de vue réglementaire (ou technique) de faire fondre des bouteilles de lait et d'extruder une maison ou même un cadre de porte. Il est difficile d'imaginer un flux de recyclage qui soit aussi efficace que celui de l'aluminium aux États-Unis » .
Dans un article paru dans CBC News en 2018, la mention d’une maison construite par une imprimante 3D robotisée dans l'ouest de la France présentait une avancée dans la construction écologique, alors que l'imprimante robotisée a utilisé un matériau polymère spécial pour les deux couches extérieures des murs du bâtiment, combinées à la couche intérieure en béton. Selon vous, en quoi est-ce écologique ?
Verdict : s’il y a des exceptions, très rares, dans lesquelles les maisons 3D utilisent des matériaux locaux biosourcés, la plupart des projets utilisent du béton, du ciment et du plastique. Les constructions en bois classiques, ou préfabriquées, sont encore ici le meilleur choix.
Quels sont les inconvénients des maisons construites avec l' impression 3D en béton?
Déchets de chantier des maisons 3D
En moyenne, la construction d'une nouvelle maison de 2 000 p2 génère plus de 2 000 kilos de déchets de construction, dont la grande majorité finit à la décharge. Une contribution importante que l'impression 3D peut apporter en termes de construction durable est la réduction des déchets de construction, liée à la charpente.
Après avoir conçu une maison sur un ordinateur, une imprimante 3D connaît la quantité exacte de matériaux nécessaires à sa structure. Mais ceci peut également être réalisé par la préfabrication en usine de charpentes en bois. Benjamin Zizi mentionne également le fait que : « Il n’est pas sûr que les maisons en 3D aient un meilleur indice de déconstructibilité en fin de vie, ou lors de rénovations, du fait de leur construction "monobloc". Il ne sera pas possible de récupérer les matériaux de charpente puisqu’ils sont en béton ».
Durabilité des maisons imprimées en 3D
Si la maison imprimée s’avère durable, et résistante aux conditions climatiques, rien n’a encore démontré qu’elle performait mieux que la maison classique, en bois et matériaux biosourcés.
Coût environnemental de l'isolation des maisons 3D
Pour Emmanuel Cosgrove, ceci est un point majeur pour le coût et le côté environnemental : « Dans nos codes et dans notre climat, nous avons besoin d'isolation posée à l'extérieur, des systèmes de fixation et de cavité pour l'isolant comme une charpente de bois ou d'acier, des revêtements extérieurs, et peut-être même une charpente intérieure afin de fixer le gypse comme coupe-feu.»
« La maison imprimée en 3D est comme la maison conteneur où l'on finit par construire non pas une charpente de bois, mais deux ! Complètement ridicule à tout point de vue. Ceci est la pire des fausses bonnes idées ». Emmanuel Cosgrove, directeur d’Écohabitation
En plus des éléments relevés dans les derniers paragraphes, notons :
- Des investissements initiaux coûteux: le prix d’une imprimante 3D est autour de 49 000 $ pour les petits modèles, plus de 125 000 $ pour les gros (CBC News 2021).
- Une absence de certification: la construction est régie par des lois. Ainsi, seule une poignée de permis de construction ont été délivrés dans les dernières années pour des maisons 3D, dans des cas expérimentaux spéciaux, et dans des zones sélectionnées. (aniwaa, 2022).
- La perte potentielle d’emplois locaux: l’impression 3D requière peu de main-d’œuvre pour la charpente. Un problème social potentiel, en particulier dans les régions moins riches où le taux de chômage est élevé.
Manque de communication transparente chez les constructeurs de maison à l'imprimante 3D
Un document publié par COBOD, une compagnie danoise, leader mondial en solutions d’impressions 3D pour le secteur de la construction, met en garde les consommateurs en faisant le point sur ce que représente réellement la construction 3D actuellement. Elle fait par exemple mention de la compagnie Winsun, qui prétend avoir fait la construction de 10 bâtiments 3D en 10 jours. De fait, ils ont assemblé 10 bâtiments en 10 jours, à partir d'éléments imprimés en 3D dans l'usine bien avant.
De même, le très souvent mentionné Bureau du Futur à Dubaï n'a pas été imprimé en 3D à Dubaï, mais plutôt fabriqué d'éléments préfabriqués imprimés en 3D à Suzhou, en Chine. Les détails architecturaux intéressants n'ont pas été imprimés en 3D, mais fabriqués manuellement par des ouvriers de la construction traditionnelle à Dubaï (COBOD).
Même chose du côté d’ICON, qui mentionne avoir imprimé un petit bâtiment à Austin en 24 heures alors que l’impression a plutôt été réalisée sur plusieurs jours. « ICON a déclaré que sa technologie "pouvait" imprimer en 3D le bâtiment en 24 heures, mais n'a fourni aucune documentation pour le prouver » (COBOD).
On appelle donc à la prudence pour les constructions 3D de béton sur terre…
Bâtiments 3D dans l’espace
La NASA a conçu, avec la société ICON, un habitat de 170 m2 imprimé en 3D afin de simuler une mission sur la Lune (Project Olympus), où les bâtiments pourraient être construits utilisant les ressources retrouvées sur l’astre. Dans cette perspective, l’impression de maisons 3D a du sens. Pour le moment donc, à moins d’utiliser des éléments locaux biosourcés comme ça été fait pour le projet Tecla, l’impression 3D de bâtiments devrait se limiter à ces projets extraplanétaires…
Vous en savez maintenant plus sur les maisons imprimées en 3D. Trouvez plus d'information sur la construction écologique dans les articles ci-dessous et dans notre guide de la construction écologique, ou suivez une formation à distance sur la construction écologique.
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SOURCES
- Imprimer une maison en 3D devenu réalité, ICI Windsor, 2022
- Les meilleures imprimantes 3D de maisons en 2022, aniwaa, 2022
- 3D printing could help build homes with unique designs more cheaply, advocates say, CBC News, 2021
- The Truth – Facts about the True State of the Art of 3D Construction Printing, COBOD
- Why 3D Printed Houses Are a Solution Looking for a Problem, Treehugger, 2018
- The Truth About 3D Printed Homes, Undecided with Matt
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