Il est normal de se poser des questions sur le sujet des émissions de carbone, car il est très large et comprend plusieurs termes et concepts. Afin d’y voir plus clair, nous vous avons préparé ce guide, dans lequel nous analysons chacun des concepts reliés à la carboneutralité et à l’empreinte carbone des bâtiments.
L’empreinte carbone d'un bâtiment, c’est quoi?
L'empreinte carbone d'un bâtiment, c'est l'étude de son l'impact sur l'environnement. L’empreinte carbone comprend deux composantes: le carbone intrinsèque et le carbone opérationnel. C'est en considérant ces deux aspects que l'on peut évaluer l'impact carbone à l'échelle du cycle de vie d'un projet. D'ailleurs, les analyses de cycle de vie sont en demande croissante, car il faut quantifier l'impact de nos décisions si on souhaite le minimiser, puis le compenser. À l’aide de logiciels complexes et de calculs précis, les professionnels sont maintenant en mesure de déterminer l’impact du carbone cycle de vie sur la santé, l’eutrophisation et la qualité de l’air, entre autres. Dans le cas d'un bâtiment, le cycle de vie se base souvent sur une période de 60 ans.
Le carbone intrinsèque
Le carbone intrinsèque comprend les émissions liées aux matériaux et à toutes les activités du cycle de vie d'un bâtiment, sauf celles liées à l'utilisation des systèmes (eau et énergie). On y comprend donc la construction, l'entretien et la déconstruction/démolition du bâtiment. Plus précisément, on peut penser à la manufacture des composantes, à la coupe du bois, au transport des matériaux, aux véhicules des ouvriers, à la machinerie et aux génératrices utilisées sur les chantiers. On compte aussi dans ce calcul les rénovations qui sont faites sur le bâtiment au cours de son utilisation, tel qu’un changement de plancher ou de revêtements extérieurs, par exemple. Le carbone intrinsèque représente 10% des émissions de carbone liées à l'énergie dans le monde. 1
Le carbone d’opération
Le carbone d’opération est en lien avec l’utilisation de ce dit bâtiment. Elle prend en compte le carbone dégagé par l’énergie et l'eau qui y sont consommées, que ce soit le bois, le gaz naturel, le propane, et même l’électricité. Le carbone d'opération représente 28% des émissions de carbone liées à l'énergie dans le monde. 3
Au Québec, il est possible de réduire son carbone d'opération en faisant de bons choix. Nous avons la chance d’avoir un accès facile à l’hydroélectricité, qui est faible en émission de carbone. Le chauffage au bois est également une option intéressante pour les mêmes raisons, bien qu'il puisse y avoir des effets néfastes sur la santé du chauffage au bois s'il n'est pas utilisé dans les bonnes conditions.
On considère également comme opérationnel le carbone relié à l'usager : le transport des habitants au quotidien en fonction de l'emplacement du bâtiment en fait partie. Toutefois, ce type de carbone d'opération est présentement exclu des analyses.
Quelle est la différence entre un bâtiment à carbone zéro, carboneutre, net zéro et à zéro émission?
Tous ces termes se ressemblent, mais ne signifient pas pour autant la même chose. Dans tous les cas, il est important de se rappeler qu'au rythme actuel auquel les émissions de GES augmentent, il est impossible de les neutraliser complètement. Il faut rester critique lorsque l'on parle de carboneutralité, car il s'agit d'un concept idéal qui, au fond, n'est pas atteignable. La carboneutralité n'est donc pas un objectif en soit : on vise plutôt le zéro impact, lorsque c'est possible.
Voyons voir les définitions des différents termes.
Bâtiment à carbone zéro
Un bâtiment à carbone zéro est, tout simplement, un bâtiment qui détient l'une des deux certifications Bâtiment à Carbone Zéro (BCZ) du Conseil du Bâtiment durable du Canada. Ces normes s’appliquent uniquement aux tours d’habitation (multilogements) et aux bâtiments industriels, commerciaux et institutionnels. Il peut s’agir d’une construction neuve ou d’un projet de rénovations.
Bâtiment carboneutre
Pour qu’un bâtiment soit carboneutre, son carbone intrinsèque et son carbone d’opération doivent être compensés par l’achat de crédits carbone, car certaines émissions sont malheureusement inévitables… pensons notamment à celles de la fabrication des matériaux de construction, des fuites de réfrigérants et de la production d’énergie.
Bâtiment net zéro
Un bâtiment net zéro n'a aucun rapport direct avec le carbone. En fait, il n'implique qu'un bilan nul d'un point de vue énergétique. Pour atteindre le net zéro, il faut que, sur une base annuelle, la quantité d’énergie produite par le bâtiment soit égale ou supérieure à son énergie consommée. Cela signifie qu’il doit être équipé d’éléments lui permettant de générer sa propre énergie tels que des panneaux solaires photovoltaïques. Afin d’atteindre un bilan neutre, le bâtiment a également besoin d’une haute efficacité énergétique pour que les économies d’énergie en été compensent pour les besoins en hiver.
Bâtiment à zéro émission
Pour qu’il n’y ait zéro émission à même un bâtiment, celui-ci ne doit produire aucun carbone d’opération sur place. Ce principe est possible notamment lorsque l’unique source d’énergie est l’électricité d'origine renouvelable. Toutefois, il faut se rappeler que la production d’électricité en soi n’est pas sans émissions de carbone, mais que celles-ci ont lieu avant la distribution dans les bâtiments.
Pourquoi est-ce important, la réduction des émissions de gaz à effet de serre?
Les émissions de gaz à effet de serre ont un impact direct sur les changements climatiques. Selon l’Accord de Paris, signé en 2015, « il est nécessaire d’atteindre la neutralité carbone d’ici à la deuxième moitié du 21e siècle ». Depuis, gouvernements, organisations et villes du Canada se mobilisent afin de proposer des plans de décarbonation permettant d’atteindre cet objectif.
Pour y arriver, la plupart se tournent vers l’achat de crédits carbone. L’idée de compenser le carbone que l’on ne peut éviter est bonne, mais cela ne doit en aucun cas devenir une façon d’acheter la paix d’esprit tout en continuant de polluer. Les crédits carbone, qui ne sont d’ailleurs pas si dispendieux, sont bien trop souvent utilisés par les entreprises polluantes pour se donner bonne figure dans leur rapport annuel.
Chez Écohabitation, nous sommes d’avis que la compensation par crédits carbone doit être utilisée en dernier recourt seulement, une fois que tous les moyens de réduire le carbone intrinsèque et le carbone d’opération ont été mis en place. Sinon, on n’arrivera jamais, collectivement, à réduire de façon significative nos émissions de gaz à effet de serre. La compensation carbone n'est donc qu'une solution partielle et temporaire.
Plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre
D’autres politiques sont mises en place par les gouvernements, les villes et les municipalités, spécifiquement concernant les bâtiments : pensons notamment à la Feuille de carboneutralité de Montréal. Cette dernière, bien qu’elle mentionne le terme « carboneutralité », couvre uniquement le carbone d’opération, et non le carbone intrinsèque. Elle encourage donc l’utilisation d’énergies renouvelables (comme l'électricité), afin de décarboner les bâtiments de la Ville d'ici 2040. Ce projet vient avec plusieurs nouveaux règlements quant aux appareils de chauffage, à l'instauration d'un système de cotation de performance GES et un nombre maximal d'émission de GES à respecter.
Pour Écohabitation, l’instauration de politiques de la sorte est une raison de plus de fournir des efforts collectifs afin de réduire l’impact carbone de nos bâtiments, et ce, peu importe où l'on se situe : les solutions proposées par Montréal sont tout aussi pertinentes pour les autres villes du Québec!
La décarbonation des bâtiments, un enjeu de taille
Selon le Gouvernement du Canada, les bâtiments à eux seuls représentent 13 % des émissions de gaz à effet de serre du pays, et, quand on compte l’électricité qui y est utilisée, ce nombre augmente à 18 %. 4 Voilà pourquoi il est primordial d’améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments et de porter une attention particulière au choix de matériaux, afin de réduire à la fois le carbone intrinsèque et le carbone d’opération.
Le projet Eco-Habitat S1600, de notre directeur Emmanuel Cosgrove, a montré qu’il est possible de réduire considérablement l’empreinte carbone des habitations. En limitant le béton, en privilégiant les produits biosourcés, en maximisant l’utilisation du bois et en choisissant des appareils d’énergie efficaces, Emmanuel a réussi à créer une résidence qui émet 6 fois moins de carbone qu’une maison typique construite selon le code du bâtiment. Voyons ses conseils pour y arriver.
Les systèmes de chauffage performants
Il va de soi que l’électricité est la solution pour chauffer sa maison et réduire les GES. Le gaz naturel et le propane sont donc à éviter complètement : il faut sortir le gaz pour arriver à diminuer les émissions de carbone d’opération. Il s’agit du type de carbone le plus facile à éliminer, car on a le contrôle direct sur celui-ci.
En combinant l’électricité avec un accumulateur thermique et une thermopompe efficace, on est en mesure d’avoir une nette amélioration de l’efficacité énergétique, puisque l’on consomme moins au quotidien et que l’on peut emmagasiner de l’énergie.
Les matériaux de construction écologiques
Il s’agit ici de réduire le carbone intrinsèque, soit celui pouvant parfois être plus difficile à contrôler puisqu’il a majoritairement lieu avant qu’on emménage. Toutefois, en faisant de bons choix de matériaux, il est possible d’y arriver.
On observe deux principales tendances : l’augmentation de l’utilisation du bois et la modification des choix de ciment.
- Le bois, surtout lorsqu'il a une certification de développement durable, est un bon moyen de stocker du carbone. En l’utilisant pour la structure d’un bâtiment, le bois laisse très peu de carbone s’échapper. C’est pourquoi on encourage les charpentes en bois et l’utilisation de produits dérivés du bois tel que l’isolant de cellulose, les matériaux dérivés de matières biosourcées, etc.
- Le ciment est très polluant, ce qui explique pourquoi il représente la majeure partie du carbone du secteur de la construction. Pour limiter son utilisation, nous proposons de se tourner vers les dalles monolithiques plutôt que vers les sous-sols, car elles nécessitent une moins grande quantité de ce produit. Il existe également des mélanges de ciment moins polluants. En fonction de l'usage du ciment, on peut avoir différents ajouts cimentaires en proportions variables, qui permettent de réduire l'impact de ce matériau très utilisé en construction.
Le simple fait d’effectuer de meilleurs choix de matériaux permet de réduire considérablement l’impact carbone des bâtiments, et ce l’est d’autant plus lorsqu’on le combine avec une meilleure efficacité énergétique.
Si vous avez besoin d'aide pour rendre votre maison ou votre bâtiment multilogement plus sobre en carbone, faites appel à nos experts via notre service de coaching! Ils se feront un plaisir de partager leurs connaissances avec vous.
Vous en savez maintenant plus sur la carboneutralité et l'empreinte carbone des bâtiments. Trouvez plus de pages sur la construction durable ci-dessous et dans notre guide de la construction écologique.
Trouvez des professionnels et des produits ainsi que des projets de maisons écologiques exemplaires dans notre répertoire de l'habitation durable. |
Sources :
1 et 3 Global Alliance for Buildings and Construction. (2019). 2019 global status report for buildings and construction : Towards a zero-emission, efficient and resilient buildings and construction sector. (ISBN No: 978-92-807-3768-4).
2 Bowick, M., O’Connor, J., Meil, J., Salazar, J., Cooney, R. (2022). Lignes directrices nationales en matière d’analyse du cycle de vie de l’ensemble du bâtiment. Conseil national de recherches Canada : Ottawa (Ontario). 137 p.
4 Gouvernement du Canada. (2023, 14 avril). Émissions de gaz à effet de serre : facteurs et incidences.
Il est aussi possible de diminuer encore plus l'utilisation du ciment en construisant une dalle sans ciment... comme expliqué dans cette présentation de PHA. https://youtu.be/QO_kAsQsA2A?si=x-YE8GJK9QHdkjwR