Ce Guide provient des études de cas du site web Ma Municipalité Efficace. Son contenu a été enrichi de recherches et grâce à l'aimable collaboration de Monique Keurentjes, des Parcs et espaces verts de la Ville de Rosemère. Si Ma Municipalité Efficace n'existe plus, Écohabitation veille toutefois à mettre en valeur le contenu de qualité qui avait été développé, en collaboration étroite avec des nombreuses municipalités du Québec. Écohabitation détient une expertise en développement urbain durable, et offre des services d'accompagnement sur mesure pour les municipalités désirant concevoir des projets innovants comme des écoquartiers.
La gestion durable des eaux de ruissellement est de plus en plus intégrée aux pratiques d'aménagement urbain: stationnements en pavage perméable, îlots de biorétention, noues végétalisées... Les nouveaux quartiers et les zones urbaines revitalisées changent de visage. En première ligne des dégâts créés par le refoulement des réseaux pluviaux, les municipalités jouent elles aussi un rôle important dans la multiplication de ces installations intelligentes qui agissent comme des tampons.
Située au bord de la rivière des Mille-Îles, la ville de Rosemère compte 50 milieux humides répartis sur 5,2 % de son territoire. Les enjeux de préservation de ces milieux naturels sensibles, de protection de la biodiversité et d’éducation de la population ont poussé la municipalité à mettre en place des solutions concrètes.
Milieux humides: des écosystèmes à préserver
Les marais rendent de nombreux services écologiques, comme l’alimentation en eau, la régulation des crues, la production de nourriture et le maintien d’une biodiversité riche, et même des loisirs. Les milieux humides en général font partie des écosystèmes les plus productifs de la planète, et la survie de nombreuses espèces animales et végétales en dépend. Au Canada, ces milieux naturels assurent nourriture, habitat et abri à 600 espèces d'animaux et on y observe une flore unique et spectaculaire. La production de la tourbe est aussi issue de ces milieux.
En termes d’impacts sur le territoire, les marais remplissent un rôle de filtre naturel, participent à la décontamination, freinent l'érosion des sols, limitent l'effet des inondations et sécheresses, tout en rechargeant les nappes d'eau phréatique, agissant comme une éponge naturelle.
Une grande superficie du territoire de la Ville de Rosemère, soit 64 hectares, représente un patrimoine écologique de taille. 10,4 hectares d’eaux peu profondes, 0,8 hectare de prairie humide, 20,7 hectares de marais et 32,6 hectares de marécages remplissent le rôle de zone tampon avec la rivière des Mille-Îles.
Protection du marais Tylee: traiter les eaux de ruissellement polluées avec un marais filtrant
Toute perte ou perturbation de milieux humides a des répercussions importantes, tant au niveau environnemental, socioéconomique, qu'au niveau de la santé et de la sécurité.
Acquis par la Ville de Rosemère il y a plus de trente ans, le marais Tylee est une zone humide, diversifiée et riche, présentant un couvert végétal de qualité, notamment un peuplement d’érables argentés. Mais le milieu se dégradait depuis les années 2000. Plusieurs érables morts ont dû être abattus, faisant place à une zone complètement déboisée. La présence des arbres et autres végétaux est essentielle pour freiner les eaux de ruissellement et protéger les plans d'eau des polluants.
De plus, l’usage de sels de déglaçage dans le stationnement du centre communautaire adjacent polluait les eaux de ruissellement s’écoulent ensuite directement vers le milieu humide. Des métaux et des hydrocarbures provenant de l’usure des voitures, des gaz d’échappement, des fuites de fluides des véhicules provoquaient une certaine toxicité des eaux de ruissellement. Par conséquent, avec la bioaccumulation de ces polluants dans les espèces aquatiques, floristiques et fauniques, les écosystèmes étaient en danger.
Pour remédier à ces problématiques, la Ville a pris l’initiative de contrôler de façon plus stricte l'utilisation d'abrasifs et de construire un marais filtrant à l'entrée du marécage. L’aménagement permet de gérer et de traiter les eaux de surface provenant du chemin de la Grande-Côte et de l'aire de stationnement du centre communautaire.
Aménagement du marais filtrant: l'expertise complémentaire des professionnels en action
Le marais filtrant de Rosemère est le fruit de la collaboration de plusieurs experts spécialisés: l'ingénieur de la ville a travaillé de pair avec un ingénieur forestier et un ingénieur hydrique pour faire le diagnostic des lieux. Puis un architecte paysagiste, une firme spécialisée dans l'aménagement de marais et un entrepreneur en aménagement paysager ont réuni leurs expertises respectives pour concevoir une installation d'épuration adaptée et réaliser les travaux sur quelques semaines en 2009.
Les résultats ont été presque immédiats: dès l'année suivante, le dépérissement du marécage s'est arrêté. Le peuplement d'érables argentés a repris et la végétation a repris vigoureusement. L'entretien n'est pas complexe, mais il est nécessaire: la fosse de sédimentation est vidée systèmatiquement chaque année pour conserver la capacité de filtration intacte. Onze ans plus tard, le marais continue de remplir sa fonction de protection du marécage et de sa biodiversité.
Comment un marais filtrant peut-il purifier l’eau?
Le marais filtrant est un bassin artificiel qui a pour fonction de traiter les eaux chargées de résidus et de polluants. Il se compose d'une membrane étanche (A), de lits de gravier et médias filtrants (B et C), de terreau (D) et de plantes aquatiques (F). L'efficacité et la protection du marais sont assurées par une fosse de sédimentation (4).
Grâce à son substrat réactif, les différents polluants sont retenus dans le milieu poreux. Ils subissent par la suite une biodégradation par les micro-organismes et une absorption dans les racines et tissus des végétaux. Une fois purifiée et oxygénée, l'eau retourne dans le marécage par un nouvel apport en eaux usées dans le marais. Dès la première année d’opération du marais filtrant, les gestionnaires municipaux ont noté une amélioration de la croissance des végétaux du boisé.
Le fonctionnement du marais filtrant est basé sur ses propriétés physiques, chimiques et biologiques, qui s’allient pour purifier l’eau. L’eau de ruissellement contient principalement des sédiments en suspension, des fertilisants et des polluants récoltés durant le ruissellement.
Les bactéries sont au cœur de l’action pour épurer les eaux de surface. Les composés toxiques sont biodégradés grâce aux microorganismes, dans leurs phase de fermentation et de respiration, et sont finalement rejetés sous forme non-toxique.
Les plantes aquatiques jouent également un rôle central dans l'épuration: premièrement leur présence stimule l’activité microbienne. De plus, elles agrègent les matières organiques et des sédiments grâce à leur réseau de racines, puis les séquestrent dans le marais en évitant leur diffusion en aval. Elles captent différents éléments toxiques lors de la prise d’éléments nutritifs, qu'elles stockent dans leurs portions aériennes (tiges et feuilles).
Les plantes utilisées pour le marais filtrant ont été choisies pour oxygéner et purifier l’eau qui se déverse dans le marécage. Évidemment, elles devaient être indigènes pour s’adapter au climat, restaurer le milieu et contribuer à la biodiversité écologique et à la création d’habitats faunique. On retrouve la quenouille et le scirpe qui, grâce à leurs racines profondes et à leurs tiges creuses, filtrent et oxygènent l’eau, même en hiver. Enfin, des pierres naturelles récupérées stabilisent la berge et protègent le marécage.
Le budget initial pour la Ville de Rosemère était de 45 000 $: une somme très raisonnable comparée aux services écologiques et sociaux rendus. Et plusieurs municipalités québécoises l'ont compris: de nombreux marais filtrants ont été aménagés pour gérer la qualité de l'eau et empêcher leur pollution par les eaux de ruissellement. Celui du lac Saint-Charles dont les eaux servent de réservoir pour l’alimentation en eau potable de plus de 225 000 résidents de la ville de Québec fait figure d'exemple. Le bassin de drainage de ce marais épurateur a une superficie de 16 hectares. Une solution municipale privilégiée pour des enjeux de taille!
Commentaires (0)
Inscrivez-vous pour commenter