Merci à Maude Pintal, associée et chargée de projet sénior développement durable chez Ædifica, et Hugo Lafrance, Directeur des Stratégies durables chez Lemay, pour leur aimable contribution.
Il existe une véritable épidémie de problèmes de santé mentale. Il y a autant d'absentéisme lié au stress et à l'anxiété que toutes les autres maladies physiques combinées. À ce nouveau mal du 21e siècle viennent s’ajouter, les distractions, la mauvaise posture, les polluants, les environnements malsains pour créer un véritable cocktail anxiolytique à l’impact négatif sur la santé et la résilience des habitants et des employés. C’est ce à quoi a voulu s’attaquer Paul Scialla, le fondateur du standard WELLMD. Car bien plus que les polluants atmosphériques, une mauvaise alimentation, le stress et le manque de sommeil, les recherches de WELL ont démontré que les bâtiments avaient également un impact profond sur notre bien-être, autant physique que psychique.
Un standard pour une meilleure qualité de vie dans les bâtiments
Pour WELLMD, la conception doit avant tout être centrée sur l'humain, plutôt que sur le rendement énergétique au pied carré. L'accent est donc mis sur la santé, le bien-être de ceux qui passent leurs journées à l'intérieur des bâtiments. Nutrition, forme physique, humeur, habitudes de sommeil, qualité de l'air et confort thermique, connexion aux espaces extérieurs... Rien n'est laissé au hasard pour améliorer satisfaction, équilibre et productivité.
Et cette approche est tout à fait dans l'air du temps! Nous savons que le bien-être est une tendance importantes dans le monde de l'architecture et du design. « Aujourd’hui, les gens sont de plus en plus en contrôle des choix qu’ils font. Ils sont conscients de l’impact qu’ont les environnements intérieurs sur leur santé et veulent des espaces qui répondent à leurs besoins tout en leur procurant un sentiment de bien-être. » Maude Pintal, Chargée de projet, Développement durable chez Ædifica.
On a si peu entendu parler de WELLMD, comparativement à LEED®, qui a intégré le marché il y a près de 20 ans, car la certification n’existe que depuis quelques années. Le programme se développe par contre très rapidement et ne montre aucun signe de ralentissement. Écohabitation s’est d’ailleurs fait approcher récemment par de nombreux développeurs pour en savoir plus.
WELL v2 – Quand la science du bâtiment rencontre les sciences de la santé
Alors que les normes de construction ont évolué en favorisant les pratiques écoresponsables des bâtiments « verts », elles ont délaissé les mesures relatives à la santé et au bien-être. La certification WELLMD s’est donc donné comme objectif principal de définir les lignes directrices pour intégrer ces notions dans la construction.
Fondée aux États-Unis en 2014, après 6 ans de recherches intensives par le International Well Building Institute (IWBI), WELL (ou sa nouvelle version, WELL V2) constitue ainsi une nouvelle certification internationale centrée sur la santé et le bien-être des occupants des bâtiments. Elle associe les meilleures pratiques en matière de conception et de construction à une recherche médicale et scientifique fondée sur des preuves. Dans cette approche holistique, exploiter l'environnement bâti devient un moyen d'améliorer la santé et le bien-être de l'homme.
En effet, la norme WELL a été développée par des designers, des professionnels de la santé, des psychologues et de nombreux autres experts en intégrant la recherche scientifique et médicale de même que la littérature sur la santé environnementale.
Ici, on explore donc les liens entre les bâtiments et ses occupants. Les occupants qui évoluent dans un bâtiment intégrant des mesures exemplaires en matière de conception, de construction et de gestion de bâtiments constatent rapidement de grandes améliorations au niveau de leur productivité et de leur créativité, de même qu’au niveau de leur bien-être général.
« Pour assurer un fonctionnement optimal et concrétiser les bénéfices possibles, le fonctionnement du système WELL repose sur l’interdépendance entre trois points: la conception (le design et la construction), les opérations (le suivi du bon fonctionnement) et les comportements (les usagers doivent adapter leurs habitudes de vie). Ensuite, il a évidemment la vérification par une tierce partie, pour confirmer que les exigences de la certification ont été satisfaites. » Hugo Lafrance, Lemay.
Il y a présentement une taille minimale pour que la certification WELL d'un projet résidentiel soit pertinente et possible: la certification WELL ne s’applique qu’aux projets multi résidentiels de six unités et plus. Elle n’est pas encore adaptée aux plus petits projets ou à l’unifamiliale.
La biophilie, une approche fondée sur la nature
La proximité à la nature est l’une des clés pour améliorer le bien-être des gens confinés dans des environnements intérieurs à journée longue. La biophilie est donc cette recherche d’affiliation à la nature, mais dans un environnement bâti. C’est d’ailleurs pour cette raison que de plus en plus d’innovateurs un peu partout dans le monde intègrent la nature à leurs bâtiments. On ne parle pas ici d’installer quelques plantes, bien entendu, mais plutôt d’adopter une approche qui imite les conditions de l’environnement naturel, tel que l’éclairage naturel, l’accès aux vues, le confort ergonomique… Le tout, pour contribuer à notre bien-être général.
Concevoir WELL: l'avis des professionnels
Le Québec lui aussi connait un intérêt croissant pour la certification WELL. On compte tout de même 17 projets sur le point d’obtenir la certification, et plusieurs firmes d'architecture s'illustrent au rang des concepteurs innovants de renom. Pour tâter le pouls du marché, nous avons contacté Hugo Lafrance, LEED Fellow, membre de la Faculté WELL et ambassadeur Fitwel, Directeur des Stratégies durables chez Lemay, et Maude Pintal, PA LEED BD+C et référent certification HQE, associée et chargée de projet sénior développement durable chez Ædifica.
Un excellent complément à la certification LEED® v4
Comme la certification WELLMD s’appuie sur les sciences du bâtiment et de la santé, WELL et LEED® s’agencent très bien. De fait, nombreux sont les constructeurs qui offrent les deux standards en tandem. Selon Hugo Lafrance, « même si WELL n’a pas un aussi grand potentiel que LEED à court terme, la certification est sûrement appelée à connaître une forte croissance dans la prochaine décennie ».
Maude Pintal ajoute que « la certification LEED et la certification WELL ne sont pas des systèmes en compétition, mais bien des systèmes complémentaires. (...) WELL se concentre spécifiquement sur l’occupant afin de lui offrir des espaces intérieurs sains (tests de qualité de l’air que l’on respire, tests de qualité de l’eau que l’on consomme, performance acoustique des espaces, qualité de l’éclairage artificiel, conception active pour réduire la sédentarité, biophilie, etc.). Je crois que de plus en plus, nous verrons la demande croître tant pour des projets visant la certification WELL que pour des projets visant LEED et WELL ». Les professionnels d'Ædifica voient d'ailleurs l'intérêt grandissant pour WELL ; leurs projets s'inscrivant dans cette approche sont de plus en plus nombreux.
Y a-t-il des avantages à opter pour les deux certifications? Hugo Lafrance mentionne qu' « il y a plusieurs synergies entre LEED et WELL ; en faisant un et l’autre, on se rend compte qu’il y a plusieurs stratégies bonnes pour l’environnement qui sont aussi bonnes pour la santé, et inversement. Il peut facilement y avoir entre 30 et 40 % des crédits visés dans les deux certifications qui se recoupent en tout ou en partie. Certaines exigences peuvent être légèrement différentes entre LEED et WELL, comme pour la méthode de vérification d’une stratégie, mais les normes de références sont très semblables. »
Déclarations de produits pour une qualité de l’air optimale
Questionné sur l'exigence de la certification WELLMD en matière de matériaux à utiliser, Hugo Lafrance nous explique que: « WELL mise beaucoup sur la transparence en demandant des déclarations sanitaires de produits (HPD), des déclarations environnementales de produits (EPD) ou autres fiches démontrant qu’il n’y a pas de substances potentiellement toxiques dans les matériaux (Green Screen, Cradle to Cradle, Declare, etc.) ». En parallèle, il relève qu'« une partie des exigences est basée sur des tests de qualité d’air intérieur, donc une mesure de performance de l’ensemble des matériaux installés, et pas seulement produit par produit, ce qui impose une certaine rigueur ». Bref, l'approche de qualité de l'air liée au mobilier et produits de finition intérieure est complète et se soucie du résultat global autant que du choix de matériaux.
« Il est vrai que les exigences associées aux mobiliers telles que les émissions de COV et le label Declare, Living Product Challenge représentent encore un défi aujourd’hui, par le peu d’informations disponibles à ce sujet. Cependant, le marché s’adapte de plus en plus » Maude Pintal, Ædifica
Pour connaître en détails les critères de conception, les exigences techniques et le processus de certification, consultez le second volet de notre dossier WELL.
Projets québécois
Au compte 17 projets au Québec sur le point d’obtenir la certification, dont le Fabrik8 Waverly, dans le quartier Mile-Ex à Montréal.
La firme Lemay s’inscrit parmi les pionniers de la province. En effet, l'expérience d'Hugo Lafrance y est déjà grande: « J’ai participé à plusieurs études de faisabilité et plusieurs projets sont présentement en discussion, mais le projet le plus significatif que j’accompagne est le projet Humaniti, de par son ampleur et sa complexité. C’était le premier projet résidentiel au Canada enregistré au programme WELL Multifamily Residential Pilot. Avec ses 314 appartements, c’est un des plus grands projet inscrits au pays en terme de superficie, tout usage confondu ».
Et récemment, Lemay a inauguré son propre immeuble à bureaux certifié Fitwel (niveau 3 étoiles), le Phénix. Exemplaire, le Phénix brille par son exemplarité: il a fait l’objet du suivi des exigences de nombreuses certifications: LEED Platine présentement en audit, WELL en audit, Carbone Zéro aussi en audit et Fitwel 3 étoiles obtenue en 2019. Il est également enregistré à Living Building Challenge.
Interrogé sur son appréciation personnelle de ce bâtiment, Hugo Lafrance évoque le bien-être qu'on y éprouve en tant qu'occupant : « Je trouve que le Phénix est un projet exceptionnel par la multitude de ses objectifs et la hauteur de ses ambitions. Mes caractéristiques favorites ne sont pas tant son efficacité en énergie ou en eau, mais son côté humain avec ses stratégies basées sur la biophilie (la connexion directe ou indirecte avec la nature) et sur le design actif pour lutter contre la sédentarité en favorisant les comportements qui requièrent de l’activité physique autant à l’extérieur (la marche et le vélo plutôt que l’auto) qu’à l’intérieur (les escaliers plutôt que l’ascenseur) du bâtiment. Ses grandes fenêtres ouvrantes et sa ventilation par déplacement en font aussi un espace de travail très efficace et confortable ».
Les bureaux d'Ædifica a obtenu la certification LEED-CI (LEED for Commercial Interiors) lors de leur emménagement. « Viser une certification WELL est tout simplement une continuité pour nous à cette démarche d’offrir des espaces de qualité et sains pour nos employés », explique Maude Pintal.
Par ailleurs, les professionnels d'Ædifica travaillent actuellement sur 5 projets visant la certification WELL, et sur plusieurs autres analyses de faisabilité en cours. Parmi ceux-ci, un projet résidentiel locatif à Québec, le Huppé à Québec, développé par Immostar. Ce projet installé à côté du Parc de l’Escarpement compte 187 condos locatifs.
Un soin tout particulier est porté à la diversité des espaces communs: espace traiteur, coin pour enfants, espace bibliothèque avec salon de travail collaboratif, potager communautaire ou encore rangement pour vélos... S'y ajoutent des services et activités offertes en lien direct avec le milieu environnant et mettant l’emphase sur la santé: réception de colis réfrigérés, cours de yoga, conseils santé et nutrition adaptés à chacune des saisons... En matière d'aménagement intérieur, sa conception active où l’on encourage l’occupant à prendre l’escalier et non l’ascenseur et l'intégration de biophilie dans la majorité des espaces communs et de circulation complètent ce complexe immobilier où il fait bon vivre.
« C'est un parfait exemple de conception intégrée où nous avons travaillé dès les premières étapes, avec tous les professionnels mandatés au projet, pour arriver avec un projet novateur centré sur le bien-être des occupants. Le projet a pour objectif d’offrir une expérience complètement différente aux futurs occupants en créant un milieu de vie complet misant sur la communauté et le bien-être », commente Maude Pintal.
Pour connaître en détails les critères de conception, les exigences techniques et le processus de certification, consultez le second volet de notre dossier WELL.
SOURCES
- BGCI Canada
- Chargespot
- Site de la certification WELL
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