C’est toujours un vaste sujet de discussion, même au sein de l'équipe d’Écohabitation: les individus peuvent-ils faire une différence face aux changements climatiques à leur niveau (vous savez, avec l’addition des petits gestes), ou est-ce que les dirigeants politiques et économiques détiennent à eux seuls le pouvoir de mettre en place des actions d'envergure?
Normes, lois, règlements: mobilisation nécessaire pour la carboneutralité
Évidemment, les modes de vie des citoyens sont déterminés par les infrastructures existantes et la disponibilité des produits, et le changement n'est pas de la seule responsabilité des consommateurs et de leurs choix individuels.
Tous les décideurs, incluant les gouvernements nationaux et locaux, ainsi que les entreprises, doivent agir de manière urgente pour développer et offrir des solutions viables. Bref, des produits et services à faible émission de carbone (locaux, matières premières peu transformées) et des infrastructures permettant des modes de vie faiblement émetteurs de GES... En plus de faciliter les changements de comportements des citoyens! C'est l'avis de Sumeet Gulati, professeur associé en Économie de l’Environnement et des Ressources à l'University of British Columbia, qui souligne l’importance de la politique provinciale, dont les décisions « déterminent au final notre impact environnemental, en fonction du lieu où nous vivons ».
Rappelons que le Canada a diminué ses émissions de GES de seulement 2 % entre 2005 et 2017, avec des variations entre les provinces (source: inventaire national, présenté en avril 2019 à l'ONU). alors qu'il s'est engagé lors de l’Accord de Paris à une réduction de 30 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005. Un bilan embarrassant...Les citoyens attendent beaucoup plus! Et en attendant que les décideurs politiques et les actionnaires fassent des choix courageux, tout en restant pragmatiques, nous pouvons (et devons) modifier nos choix de consommation.
Focus sur notre empreinte carbone per capita
Pour approfondir cette question, une étude de l'Institute for Global Environmental Strategies et de la Aalto University, Mode de vie à 1,5 degrés: objectifs et options pour réduire l'empreinte carbone des modes de vie, a exploré le concept d'empreinte carbone par personne. Elle plaide pour le grand potentiel des actions individuelles et suggère même que nous n’avons pas le choix: « Changer nos habitudes de consommation et notre mode de vie est décisif. Cela fait partie intégrante du package de solution pour combattre les changements climatiques ».
Pourquoi un « mode de vie à 1,5 degrés »? Il s'agit du mode de vie qu'on devrait adopter pour limiter la hausse moyenne de la température à 1,5 °C et ainsi atteindre l’objectif IPPC (Integrated Pollution Prevention and Control). Les chercheurs ont déterminé les cibles en les basant « sur un calcul simplifié utilisant des projections de population et la part domestique de l’empreinte écologique ».
L'étude considère les émissions de GES attribuables aux ménages et fixe des objectifs per capita à adopter à l’échelle mondiale. Ces objectifs sont déterminés pour les années 2030, 2040 et 2050. Pour faire ces calculs, l'étude prend en compte l’empreinte carbone moyenne actuelle de pays développés comme la Finlande et du Japon, ainsi que celle de pays en développement comme le Brésil, l’Inde et Chine, en sa basant sur le niveau de consommation physique de chaque pays. Ensuite, elle fait la comparaison avec les cibles globales tout en s'assurant que les solutions soient compatibles avec le niveau de consommation local des ménages.
Aujourd’hui, un Finlandais émet en moyenne 10,4 tonnes équilvalent CO2 (t éq. CO2), un Japonais 7,6 t, un Chinois 4,2 t… Pendant que l’Américain moyen émet 21 tonnes. Les émissions de GES per capita du Québec sont bien inférieures à celles du Canada, à 20,65 t éq. CO2, mais assez proches de celles des états européens: un score de 10,1 t éq. CO2 en 2013.
Objectif 2,5 tonnes dans 10 ans... en commençant maintenant!
Si nous voulons limiter la hausse des températures à 1,5°C, l'étude a déterminé que les citoyens doivent globalement adopter des modes de vie ne dépassant pas:
- 2,5 t éq. CO2 par personne en 2030
- 1,4 t éq. CO2 en 2040
- 0,7 t éq. CO2 en 2050
Ces cibles permettront de limiter la hausse des températures uniquement si elles sont mises en place immédiatement. De plus, elles sont calculées sans prendre en compte l'utilisation intensive des technologies zéro émission.
Une analyse poussée révèle que les empreintes carbone dans les pays développés (Finlande et Japon) doivent être réduites de 80 à 93 % pour 2050, en assumant que les actions de réduction soient mises en place immédiatement, à raison d'une diminution de 8 à 12 % de notre train de vie chaque année, dès 2019.
Même pour les pays en développement étudiés (Chine, Brésil et Inde), un réduction de 23 à 84 % devra être nécessaire en 2050, dépendant du pays et du scénario.Émettre 2,5 tonnes par année, c'est assez peu. C'est 4 fois moins que les 10 tonnes éq. CO2 des Québécois! Alors que pouvons-nous faire? Comme le note l’étude, « les réductions requises sont graduelles mais drastiques ».
Réduire son train de vie carbone
En se basant sur la littérature, le rapport finlandais étudie les modes de vie individuels dans de nombreux pays et révèle que certains des comportements individuels constituent des points faibles. Concentrons-nous sur les habitudes finlandaises, car elles se rapprochent le plus de celle des Québécois.
Actuellement, les Finlandais contribuent annuellement à l'émission de 1,75 t individuellement, rien que pour leur nourriture! La viande est principalement responsable de ce chiffre. L’émission reliée à habitation est de 0,62 t, principalement pour le chauffage. Mais dans les pays développés, le plus gros contributeur est la mobilité: elle représente un quart de leur empreinte. Selon l’étude, les citoyens finlandais conduisent beaucoup (11 200 km par année), mais ce n’est rien pour les standards nord-américains. Ils prennent aussi beaucoup l’avion. Les biens de consommation et le magasinage de vêtement ferment la marche, ajoutant 1,3 t à la facture.
Tous nos choix comptent
Pour donner des pistes de solutions, l'étude finlandaise identifie des actions pour réduire l'empreinte environnementale liée aux modes de vie, et évalue l’impact de ces actions pour lesquels les citoyens pourraient faire la plus grande différence:
« Changer de modes de vie en concentrant les efforts dans les sphères suivantes pourrait rapporter le plus de bénéfices: consommation de viande et de produits laitiers, énergie provenant de sources fossiles, utilisation de la voiture et voyages en avion. Les trois domaines qui agrandissent l’empreinte environnementale – nutrition, habitation et mobilité – affichent le plus grand impact sur l’empreinte totale de nos modes de vie. »
Ce que nous mangeons, où nous habitons et où nous nous déplaçons définit nos vies entières, cela a du sens. Mais par où commencer? De combien doit-on réduire notre train de vie carbone?
Alimentation: réduire drastiquement notre consommation de viande
Le changement de mode de vie le plus payant en termes de réduction des émissions de GES est la réduction de la consommation de produits animaux. Privilégier les aliments peu transformés et locaux va de soi, mais ça ne suffit pas pour atteindre 2,5 t éq. CO2 par personne en 2030.
Habitation: plus petit, plus efficace
Vivre dans plus petit ou louer une chambre d’ami est presque équivalent à se chauffer avec une thermopompe et améliorer l’efficacité énergétique de l’enveloppe de notre maison.
Mobilité: miser sur le cocktail transport
Se débarrasser de son auto est, sans conteste, le choix le plus écologique qu’il est possible de faire. Cela dit, puisque ce n’est évidemment pas faisable dans de nombreux cas, le transfert modal est beaucoup intéressant que la réduction d’utilisation ou l’amélioration d’efficacité. Nous devons changer nos modes de déplacements.
Les options incluent: éviter la voiture, acheter un véhicule électrique ou hybride, auto-partage, vivre plus près de son lieu de travail.
Si ces options sont toutes adoptées, chacune d'elle pourrait réduire l'empreinte carbone per capita de plusieurs centaines de kilos par année, voire d'une tonne.
Faites les comptes!
L'étude finlandaise résume ainsi les défis que nous devons nous lancer: « Les citoyens des pays développés doivent consentir à réduire leur émissions carbone d'au moins 47 % pour l'alimentation, 68 % pour l'habitation et 72 % pour la mobilité ». Bref, le défi est grand!
Et vous, pensez-vous pouvoir opérer suffisamment de changements dans votre mode de vie pour passer d'une empreinte de 10,1 à 2,5 t éq. CO2 , dans les 10 prochaines années? Pour limiter votre train de vie carbone, voici une liste d'options qui font économiser gros. Faites les comptes!
De -500 kg à -1,5 t éq. CO2
- Renoncer à un vol transatlantique ( -1,2 t éq. CO2)
- Renoncer à votre auto ou rouler avec une auto électrique
- Devenir végétalien ( -1,1 t éq. CO2)
- Planter 5 arbres ( -1 t éq. CO2)
- Chauffer avec une thermopompe ou passer du chauffage au mazout à l'électricité
De -250 kg à -500 kg éq. CO2
- Faire du covoiturage ( -0,4 t éq. CO2)
- Vivre plus près de son lieu de travail
- Choisir des alternatives aux produits laitiers ou éliminer la viande rouge de son alimentation
- Vivre dans 10% plus petit ou louer une chambre d'amis au moins 27 semaines par an
-250 kg éq. CO2 et moins
- Produire sa nourriture, manger local
- Aquérir des électroménagers efficaces
- Économiser de l'eau chaude
- Réduire le gaspillage alimentaire
Bref, continuons d'exhorter les décideurs à agir, mais il est capital de réviser nos modes de vie...Pour mieux comprendre l'empreinte carbone des bâtiments, consultez notre article sur le sujet ici.
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