Transition Énergétique Québec (TEQ) a récemment publié son plan directeur en transition, innovation et efficacité énergétique pour un avenir énergétique durable, sobre en carbone. Il sert en quelque sorte d’outil afin que le Québec atteigne les cibles qu’il s’est fixées en termes de réductions de gaz à effet de serre. Remplacer l'utilisation du pétrole par de l’électricité renouvelable est la voie principale, mais il reste beaucoup de chemin à parcourir.
Planification politique et actions sur le terrain
Les domaines d'intervention identifiés comme les plus prometteurs sont l’aménagement du territoire, le transport, l’industrie, les bâtiments, les réseaux autonomes, les bioénergie et l’innovation.
Plusieurs mesures phares ont été fixées pour chacun de ces thèmes sectoriels: elles sont toutes très pertinentes, et on peut souligner que le gouvernement n'a pas été frileux dans la mise en place de sa stratégie. « L'ensemble du plan d'action est résolument ambitieux, c'est indéniable! », commente Emmanuel Cosgrove, directeur d'Écohabitation.
« Dans le principe, tous les bons éléments sont là pour atteindre les cibles. Mais on les connait depuis des années, ces idées; cela fait bientôt une décennie qu'elles sont sur la table à dessin du gouvernement du Québec. Il suffit de penser au Plan d'action 2013-2020 sur les changements climatiques et au rapport de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec, Maîtriser notre avenir énergétique, déposé en 2014 par Roger Lanoue et Normand Mousseau: de nombreuses mesures intéressantes avaient été identifiées. On craint toujours que les politiques gouvernementales meurent avec des jolis mots, c'est donc rassurant de voir la feuille de route définie par le gouvernement », conclut-il.
Tous s'entendent pour dire que la transtion énergétique pour décarboniser le Québec doit se faire rapidement. Le passage à l'action est urgent: car depuis des années, les résultats vraiment tangibles tardent à se manifester. Nous sommes prêts à nous relever les manches, en tant que société.
L'habitation: où en sommes-nous actuellement?
Le secteur résidentiel, représentant le 3e poste de consommation d'énergie au Québec, après l'industrie et les transports, a déjà remplacé la majorité de ses appareils de chauffage au mazout pour des appareils fonctionnant à l’électricité. En effet, 73 % des besoins sont comblés par de l’énergie renouvelable.
L'habitation devrait donc être le premier secteur à achever sa transition énergétique à l’égard des produits pétroliers. Mais cela ne veut pas dire qu'elle n'est plus prioritaire! Une vision en silo, ne prenant pas en considération les bâtiments résidentiels conjointement avec l'aménagement du territoire, le transport des personnes et l'innovation n'est pas entièrement satisfaisante. En effet, l'empreinte environnementale d'un foyer dépend du bâtiment où il réside, mais bien sûr aussi de sa localisation et de son mode de vie.
C'est pour accompagner le mouvement de fond vers l'habitation durable, l'organisme Écohabitation a déjà énoncé les actions urgentes à accomplir: « les mesures pour décarboniser ce secteur sont depuis longtemps dans les cartons d'Écohabitation!» lance Emmanuel Cosgrove. Passons en revue les objectifs et mesures phares du plan directeur concernant le bâtiment durable et l'urbanisme, en fonction des 11 mesures qu'Écohabitation a énoncées dans son Manifeste pour un mouvement vers l'habitation durable.
Normaliser et réglementer l’efficacité énergétique
Viser une étanchéité performante des habitations neuves (Mesure 8 du Manifeste d'Écohabitation)
Après le rehaussement de la réglementation concernant les grands bâtiments d’habitation neufs avec l’adoption du Code national de l’énergie pour les bâtiments – Canada 2015, TEQ s'attaquera à la mise à jour de la réglementation sur l'efficacité énergétique des petits bâtiments d’habitation neufs, datant de 2012.
C'est justement le point 8 du Manifeste d'Écohabitation. Pour ne pas manquer l’opportunité d’augmenter l’efficacité énergétique des maisons neuves de façon significative et très abordable tout en assurant un contrôle supplémentaire de la qualité, Écohabitation propose de « mettre en place un test d’infiltrométrie pré-gypse par échantillonnage, concernant 10 % des 40 000 maisons construites chaque année au Québec, sous la gestion de la nouvelle Garantie Construction Résidentielle (GCR). Les constructeurs avec de mauvais résultats seraient suivis jusqu’à amélioration (par exemple passer de 3,5 à 2 CAH50). »
Instaurer une cotation énergétique (Mesure 7 du Manifeste d'Écohabitation)
La stratégie de TEQ sera appuyée par l’introduction d’un système de cotation énergétique obligatoire des bâtiments, puisque « cette mesure figure parmi les meilleures pratiques dans le monde pour favoriser l’efficacité énergétique. Elle permet au marché immobilier de tenir compte de la performance énergétique des maisons pour en établir la valeur, ce qui devrait inciter les propriétaires à améliorer leurs bâtiments » (Plan directeur 2018-2023, P.88).
Justement, instaurer une cotation énergétique simple et obligatoire est une des mesures qu'Écohabitation souhaite voir adoptées par le prochain gouvernement. Écohabitation fait depuis plusieurs années la promotion de cette initiative car elle permet de faire valoir les efforts en efficacité des propriétaires immobiliers résidentiels. Un bon levier pour inciter à la construction et la rénovation écoénergétique.
Réviser et optimiser l’offre de service du secteur
Un programme pour les locataires et les ménages à faible revenu sera également mise en place, de manière à ce que la transition énergétique puisse bénéficier à tous. C'est actuellement la mission du programme Éconologis, qui offre des conseils pour améliorer l'efficacité énergétique. Le plan directeur annonce l'amélioration de ce programme, incluant l’ajout de nouveaux volets. Une bonne nouvelle!
La mise à jour du programme Novoclimat, un outil très pertinent pour accompagner les entrepreneurs dans la qualité et la performance tout en récompensant financièrement les efforts déployés, est également très positive. « Nous sommes très rassurés de voir que Novoclimat, Rénoclimat ainsi que le crédit d'impôt Rénovert ont leur place assurée pour les 5 prochaines années » salue Emmanuel Cosgrove.
Financer la rénovation efficace (Mesure 5 du Manifeste d'Écohabitation)
Pour faciliter la rénovation écoénergétique, la clé se trouverait dans la mise en place d'un mécanisme pour le financement des travaux, selon Écohabitation. Les travaux avec de longues périodes de retour sur investissement sont souvent évités par les propriétaires qui ne peuvent investir de grosses sommes. Comme le retour sur investissement est toujours au rendez-vous un jour ou l'autre, en matière de rénovation écoénergétique, Écohabitation propose d'avoir recours massivement au programme Financement innovateur pour des municipalités efficaces (FIME), maintenant JeRénovÉco.
En consacrant un budget provenant du Fonds vert pour ce programme, déjà mis en pratique dans plusieurs villes au Québec en 2016 lors du projet pilote FIME, l'ensemble des municipalités pourraient avoir accès à du capital pour accorder à leurs citoyens des prêts pour les rénovations vertes qui améliorent l’efficacité énergétique. Une manière de passer à la vitesse supérieure en matière de rénovation efficace!
Remplacer les combustibles fossiles par des énergies renouvelables
Une mesure consistera par ailleurs à interdire l’installation de nouveaux systèmes de chauffage au mazout, y compris lors du remplacement des équipements désuets dans les résidences (omis les résidences dans les réseaux autonomes ou hors-réseau).
Réduire la consommation à la pointe (Mesure 6 du Manifeste d'Écohabitation)
Le programme Chauffez vert, qui facilite la conversion des systèmes à combustibles fossiles. Coordonner la transition de l’utilisation des combustibles fossiles à celle des énergies renouvelables dans le secteur résidentiel Et pour toutes les maisons qui ont encore des anciens systèmes au mazout, Écohabitation propose d'encourager les propriétaires de bâtiments résidentiels et petits bâtiments commerciaux à adhérer à la biénergie, soit au biogaz, à la granule ou au gaz non issu de l’hydrofracturation. Ainsi, la consommation d’électricité en période de pointe hivernale (et les importations massives d’énergie polluante et coûteuse) seraient réduites.
Soutenir l’innovation en matière d’efficacité énergétique, de production et de consommation d’énergies renouvelables
Encourager les constructions hyperefficaces (Mesure 9 du Manifeste d'Écohabitation)
Pour tirer le secteur vers le haut et sensibiliser les québécois, le plan directeur prévoit d'encourager des projets de démonstration d’innovation en matière d’efficacité énergétique, de production et de consommation d’énergies renouvelables ou qui ont un faible impact environnemental. Il y a une véritable opportunité dans le soutien et la promotion de projets de démonstration de technologies, de construction et de rénovation à très haute performante énergétique et à faible impact environnemental, de maisons intelligentes et solaires, de stockage de l’énergie de réseaux de chaleur (valorisation des rejets thermiques).
Pour accélerer le mouvement des pionniers, Écohabitation propose même de mettre en place une aide financière pour la construction de bâtiments à très basse consommation, modulable selon la performance atteinte par simulation énergétique. Sous la gestion de TEQ, cette aide suivrait la méthodologie de la voie performance de Novoclimat. Le but? Multiplier les projets qui atteignent un Indice Solaire Passif (ISP) de 50 plutôt que le 150 exigé par Novoclimat.
Structurer la transition énergétique à long terme dans le secteur résidentiel
Réaliser des analyses de cycle de vie (Mesure 1 du Manifeste d'Écohabitation)
Mesure particulièrement intéressante que nous avons relevé dans le plan directeur: il s'agit de « publier une stratégie du bâtiment durable tenant compte notamment des impacts environnementaux des bâtiments de leur conception à leur démolition, de leur influence sur la santé et le bien-être de la population et des avantages économiques découlant d’une conception optimisée des bâtiments ».
C'est en substance l'objet de la première mesure proposée par Écohabitation dans son Manifeste: le principal moyen pour réaliser cette stratégie serait de réaliser les analyses cycle de vie de différentes typologies de bâtiments, en fonction de leur emplacement et de la spécificité énergétique québécoise. Ces analyses permettraient de monter un outil d’aide à la décision, qui serait utile pour tous les maîtres d'ouvrage résidentiels.
Réduire les déchets du secteur CRD (Mesure 4 du Manifeste d'Écohabitation)
La stratégie du bâtiment tenant compte des impacts environnementaux devrait déboucher sur des mesures décourangeant l'utilisation de matériaux ayant l'impact le plus négatif sur l'environnement, en s'attaquant par la règlementation à la source du problème. Écohabitation propose deux mesures radicales mais nécessaires:
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Introduire une Éco-taxe sur les produits difficilement valorisables tels que le bardeau d’asphalte (toitures) et les produits laminés (bois/isolant, plancher flottant) et réinvestir l’argent perçu dans des projets environnementaux
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Obliger le fabricant à récupérer et revaloriser en fin de vie ses matériaux non durables
Internaliser les coûts de développement pour une utilisation optimale du territoire
Urbanisme: freiner l’étalement urbain (Mesure 2 du Manifeste d'Écohabitation)
Les coûts financiers et environnementaux associés à l’étalement urbain sont lourds. Écohabitation salue donc l'initiative gouvernementale de mener une étude détaillée sur différents principes d’écofiscalité ayant une influence sur l’emplacement des entreprises et des résidences afin de favoriser, à plus long terme, une approche d’utilisateur-payeur ou de pollueur-payeur. De concert avec les représentants municipaux, proposer de nouveaux outils à cet effet.
Justement, Écohabitation propose d'identifier les coûts externes financiers et environnementaux du facteur de densité de la région, de les analyser et de mettre en place des incitatifs. Un incitatif financier qui faciliterait les ménages à s'installer dans une zone densément habitée et bien déservie en transports en commun pourrait rééquilibrer le décalage d'accessibilité aux logements et à la propriété entre les centres urbains et la banlieue.
Faciliter le développement des unités d'habitation accessoires (UHA) (Mesure 3 du Manifeste d'Écohabitation)
Dans le même ordre d'idée, la densification des quartiers existants est une piste à suivre pour adapter à la hausse le réseau de transports en commun, réduire les émissions de GES dûes à l'utilisation automobile, et utiliser plus efficacement les infrastructures municipales. Les UHA constituent justement une réponse à ces enjeux, en plus de faciliter l'accès à des habitations abordables et d'offrir une solution au logement des aînés.
Pour encourager la diffusion de ce type d'habitation, Écohabitation propose dans son Manifeste de:
- mettre en place une politique provinciale en faveur des UHA, suivant l’exemple ontarien - Loi de 2011 favorisant des collectivités fortes grâce au logement abordable, provenant du ministère des Affaires municipales et du logement ;
- outiller les municipalités pour faciliter des changements de zonage permettant les maisons bigénérationnelles et l’ajout de bâtiments accessoires.
Depuis le Premier Forum québécois sur l'UHA, organisé par la firme d'urbanisme à but non lucratif l'Arpent, début 2018, un véritable mouvement québécois est en train de se créer autour des UHA. À suivre!
Accomplir la transition énergétique de l'habitation
Vous l'aurez compris, la vision d'Écohabitation est en adéquation avec celle du plan directeur de TEQ. Les 11 mesures concrètes et rapidement applicables proposées dans le Manifeste permettraient, selon l'organisme, de passer à la vitesse supérieure. Donnons-nous les moyens de réaliser la transition énergétique.
Je veux appuyer le Manifeste
Selon vise pour 2030 l'amélioration de 15 % de l’efficacité énergétique, la réduction de 40 % de la quantité de produits pétroliers consommés, l'élimination de l’utilisation du charbon thermique, l'augmentation de 25 % de la production totale d’énergie renouvelable, l'augmentation de 50 % de la production de bioénergies. 12 ans pour agir!
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