Les chaufferies collectives au bois sont de plus en plus répandues, mais restent trop rares. Pourtant, l'utilisation de la biomasse pour le chauffage de grands bâtiments ou d'un ensemble de bâtiments, particulièrement en milieu rural, a des avantages écologiques et économiques qui ne sont pas négligeables. De plus, des aides financières sont disponibles pour les municipalités ou autres organisations possédant des chaufferies au gaz ou au mazout qui désirent les convertir. La mise en place de réseaux de chaleur permettant de centraliser les installations de chauffage de plusieurs bâtiments en une seule plus puissante, alimentée par la biomasse, peut permettre aux villages et aux petites villes de faire des économies sur les coûts de chauffage, en plus de réduire leur impact sur l'environnement.
Fonctionnement du chauffage collectif à la biomasse
Une chaufferie est constituée d'une chaudière ou d'une fournaise de forte puissance (ou de plusieurs moins puissantes), d'un système d'alimentation et d'un réseau de distribution acheminant la chaleur dans un réseau vers un ou plusieurs bâtiments bénéficiaires. Chaque système est dimensionné en fonction de la superficie et du nombre de bâtiments à chauffer. L'alimentation en combustible, automatisée, est ajustée en fonction des besoins et la combustion est forcée par un ventilateur pour augmenter son rendement.
Lorsque la chaleur est distribuée à plusieurs bâtiments à partir d'un système de chauffage central et commun, on parle de réseau de chaleur. Celui-ci peut alimenter plusieurs bâtiments autant résidentiels, institutionnels que privés ou industriels.
Une chaufferie nécessite des installations dans un bâtiment distinct ou un local approprié possédant les dimensions nécessaires aux équipements, afin d'assurer la sécurité et de limiter le bruit, ainsi qu'un silo ou un espace d'entreposage adéquat pour stocker la biomasse. Les églises constituent des bâtiments intéressants pour recevoir les systèmes mécaniques: elles possèdent généralement l'espace nécessaire non utilisé et bénéficient de la présence d'un réseau de chaleur pour le chauffage, ce type d'édifice étant difficile à chauffer.
Catégories de combustibles possibles
Les chaufferies au bois peuvent brûler plusieurs types de combustibles (bois franc, granules, copeaux, bois déchiqueté, écorce). L'idéal est l'utilisation de biomasse forestière résiduelle puisqu'elle ne requiert pas de couper des arbres en bonne santé, mais utilise les résidus de bois non utilisés issus de l'exploitation forestière, de déchets de scierie ou des déchets de construction et de rénovation des bâtiments. La biomasse récupérée dans les écocentres est très abondante et non exploitée.
Des résidus agricoles et certains déchets municipaux peuvent aussi servir de combustible. Les avantages écologiques sont maximisés lorsque les ressources locales sont utilisées, ce qui permet d'éviter les émissions liées au transport. La biomasse forestière est trop peu utilisée au Québec, alors que cette ressource est présente en grande quantité dans de nombreuses régions.
Les granules et les copeaux de bois sont les deux principaux combustibles pour les chaufferies à la biomasse. Ils comportent des caractéristiques différentes avec des avantages et des inconvénients à considérer.
Granules vs copeaux (ou plaquettes) de bois
Le choix du combustible doit être fait en évaluant les besoins et les ressources locales propres à chaque projet, puisque la disponibilité de la biomasse forestière résiduelle varie d'une région à une autre.
Les granules ont un plus grand pouvoir calorifique et sont plus faciles à entreposer, mais leur prix est plus élevé que celui des copeaux. Le coût des appareils pour la combustion des granules est aussi plus élevé mais demande moins d'entretien que les appareils qui font la combustion de copeaux. L'utilisation de granules est généralement avantageuse quand les besoins en chauffage sont grands. Pour en savoir plus sur le chauffage aux granules et ses avantages.
Les copeaux ont l'avantage d'avoir un coût plus bas et de nécessiter des appareils de combustion moins chers. Étant habituellement de source locale, ils sont moins sujets à des fluctuations de marché. Leur pouvoir calorifique est moins grand que celui des granules et leur combustion crée plus de particules. L'utilisation des copeaux ou plaquettes demande généralement plus d'entretien.
Le stockage du combustible de la chaufferie
La création d'un espace de stockage adéquat est essentielle au projet de chaufferie collective au bois. L'espace d'entreposage doit pouvoir stocker une bonne quantité de combustible pour le chauffage, tout en maintenant les conditions idéales à la conservation. Le taux d'humidité et la température doivent particulièrement être contrôlés pour assurer la qualité de la biomasse.
Avantages et inconvénients de la biomasse pour le chauffage collectif
La biomasse forestière résiduelle est une source d’énergie carboneutre et elle peut participer à la décarbonation des bâtiments, qui doit s'accélérer pour atteindre les cibles de réduction des GES des prochaines années. En valorisant les résidus de bois des industries locales, la production de chaleur peut se faire sans couper d'arbres ou importer de combustibles fossiles particulièrement polluants à chaque étape de leur extraction, de leur transformation, de leur transport et de leur combustion. L'utilisation de la biomasse génère des GES mais les résidus de bois non utilisés en auraient émis autant en se décomposant: le bilan des GES de la biomasse issue des résidus est donc nul.
Miser sur la biomasse permettrait au Québec non seulement d’accélérer sa transition énergétique en diminuant ses émissions de gaz à effet de serre (GES), mais aussi de valoriser une économie circulaire tout en créant des emplois locaux. Utiliser cette source d'énergie renouvelable représente un réel bénéfice à plusieurs points de vue.
Miser sur l'utilisation de la biomasse permet aussi de contribuer à la réduction de la demande d'électricité lors des périodes de pointe de consommation, un problème qui va en s'accentuant avec l'électrification du chauffage et des transports.
Avantages du chauffage collectif à la biomasse
La réduction des coûts de chauffage
Le coût du combustible est inférieur et plus stable pour la biomasse, comparativement au gaz ou au mazout. Les municipalités peuvent économiser des milliers de dollars en coût de chauffage annuellement en faisant l'installation ou la conversion de chaufferies vers la biomasse.
Les combustibles fossiles étant en voie d'être bannis pour répondre aux problèmes environnementaux auxquels nous faisons face actuellement, il est essentiel d'investir maintenant dans des systèmes répondant aux besoins de chauffage de façon tant écologique qu'économique pour assurer l'avenir des communautés. Les coûts de conversion des systèmes en place sont inévitables: il est avantageux d'investir maintenant pour mettre en place rapidement des systèmes permettant des économies annuelles sur les coûts de chauffage.
La réduction de gaz à effet de serre
La réduction de la consommation d'énergie fossile permet de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre, la combustion de la biomasse produisant environ 14 fois moins de GES que le mazout. Son utilisation pourrait réduire les émissions de GES jusqu'à 2,7 millions de tonnes de CO2 annuellement, le secteur du bâtiment au Québec étant à l'origine de 9 millions de tonnes d’émissions de GES et ce, principalement pour les besoins de chauffage.
Résilience, utilisation des ressources locales et création d'emploi
Une grande portion du territoire québécois est recouvert de forêts et le chauffage à la biomasse forestière résiduelle permet d'utiliser cette ressource et de stimuler l'économie locale sans couper d'arbres, en utilisant des déchets se retrouvant habituellement à l'enfouissement.
La biomasse contribue à la vitalité économique et à la création d'emplois dans une région et encourage une plus grande résilience pour les milieux ruraux ou les communautés autochtones par exemple. La biomasse et sa conversion en bioénergie demandent une main-d'œuvre plus importante que l’exploitation des énergies fossiles et la filière de la biomasse forestière résiduelle se positionne très bien en matière de création d’emplois dans les milieux ruraux. Elle permet de libérer les régions de la dépendance aux énergies fossiles qui sont appelées à disparaître.
Inconvénients des chaufferies collectives à la biomasse
- Les installations nécessaires peuvent être imposantes et nécessitent des espaces dédiés, ce qui peut représenter un défi pour certains projets.
- Malgré l'abondance de la ressource, l'approvisionnement peut être complexe, particulièrement pour les régions éloignées.
- Des opérations de récoltes de la biomasse issue de l'exploitation forestière faites de manière irrespectueuse auraient un impact négatif sur le milieu, car les résidus forestiers sont importants pour la régénération et la productivité des sols ainsi que pour la prévention de l'érosion. Il est tout à fait possible de valoriser les résidus forestiers non exploités pour la production de chaleur tout en respectant les besoins en régénération des forêts concernées.
- La combustion de la biomasse libère d’importantes quantités de particules fines qui posent un risque pour la santé. Il est nécessaire de mettre en place des dispositifs pour réduire ces pollutions avec des systèmes de filtration des fumées.
Les inconvénients liés à l'approvisionnement et au conditionnement de la biomasse sont dus au faible développement de la filière au Québec. Ces inconvénients seront de moins en moins présents avec le développement et la structuration de la filière. Des initiatives intéressantes existent déjà au Québec et peuvent servir d'exemple à de futurs projets d'exploitation et de conditionnement de la biomasse.
Gouvernance de la chaufferie
Il existe différents modèles financiers et de gouvernance pour les projets de chaufferie. Il peut s'agir d'un partenariat entre le secteur privé et le secteur public ou d'un modèle de gestion entièrement public ou communautaire. La chaufferie peut alors être entièrement détenue, opérée et contrôlée par une municipalité. Celles-ci ont l'avantage de posséder plusieurs leviers pour la mise en oeuvre d'un tel projet. Un réseau de chaleur peut être développé à l’interne au sein d’un des services de la ville ou à l’externe avec la création d’une entité séparée ou d’une filiale comme un organisme à but non lucratif.
En région, les modèles de gouvernance hybrides sont fortement recommandés: il est avantageux de travailler avec les acteurs locaux, mais la municipalité détient les clés d'un modèle financier viable et durable.
Lors du partenariat entre le secteur public et privé, la complémentarité des compétences accompagnée d’un partage des charges, investissements et risques du projet est avantageuse. Ce type d'entente est très souvent à durée déterminée et une fois l’échéance arrivée, les parties optent soit pour prolonger le contrat, vendre sa part au partenaire ou à d’autres parties privées, ou de racheter la part du partenaire pour que le projet devienne tout public.
Conversion du chauffage au gaz ou au mazout vers la biomasse
De nombreux bâtiments municipaux et commerciaux utilisent toujours des combustibles fossiles pour le chauffage, en milieu urbain comme en région. Les écoles, les églises, les centres communautaires ont avantage à convertir leurs systèmes de chauffage polluants au gaz ou au mazout pour des systèmes de chauffage à la biomasse. Les avantages écologiques et économiques sont certains, le gaz et le mazout ayant un coût élevé et représentant un budget important qui peut être diminué grâce à la conversion.
Plusieurs municipalités du Québec ont déjà transformé avec succès les installations de certains de leurs bâtiments ou mis en place un nouveau réseau de chaleur à la biomasse, démontrant la faisabilité et les économies importantes découlant de ces conversions. La conversion de coeurs de villages en réseaux de chaleur alimentés par la biomasse forestière résiduelle est une solution d'avenir pour sortir de l'ère des combustibles fossiles et malgré la complexité de certains projets, les retombées sont positives:
- Avec son projet de réseau de chaleur urbain, la municipalité de Rivière-Bleue a économisé plus de 60 000 litres de mazout léger par an en le remplaçant par 300 Tanh/an de biomasse.
- La municipalité de Saint-Ubalde a implanté 2 réseaux de chauffage alimentés avec 3 chaudières biomasse et 2 chaudières électriques. Ce réseau alimente l’église, la bibliothèque, l’hôtel de ville, le bureau de poste, la salle communautaire, des bureaux, un garage mécanique et un atelier.
- La municipalité de St-Urbain, avec l’aide de la fédération des coopératives forestières, a mis en place un CTCB dans le parc industriel de la municipalité. La biomasse brute dans cette région étant abondante, elle ne rencontre pas de difficulté pour s'approvisionner.
- Le Spa nordique de Stoneham a mis en place un réseau de chaleur reliant 2 bâtiments, 3 bassins d’eau et des trottoirs. C’est la première chaufferie au Canada à avoir recours aux granules de bois torréfié comme combustible. Il témoigne avoir réduit leurs coûts liés au transport, à l’entreposage et à la manutention.
Subventions pour la conversion des chaufferies
La bioénergie et les projets de conversion à la biomasse sont éligibles à des aides financières qui ont pour but d'encourager la transition énergétique et l'économie rurale. De l'aide financière est disponible avec plusieurs paliers de gouvernements. Par exemple, le Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone - FEFEC, du le gouvernement fédéral ou encore des aides financières provinciales comme Chauffez vert.
Des subventions du ministère de l’Énergie et des Ressources Naturelles (MERN) peuvent aider au retrait de systèmes de chauffage aux combustibles fossiles, ainsi qu'à la mise en place de systèmes utilisant des énergies plus vertes telles que l'électricité ou la biomasse.
La Fédération canadienne des municipalités (FCM) possède un Fonds municipal vert important qui offre des subventions mais aussi des prêts à taux concurrentiel pour les projets ayant un impact environnemental. Le Fonds municipal vert permet, entre autres, de couvrir les coûts des études nécessaires pour déterminer si un projet est réalisable et évaluer ses impacts.
L’avis d’Écohabitation
Les chaufferies à la biomasse sont très intéressantes pour les bâtiments de grande superficie ou pour utilisation dans des réseaux de chaleur distribuant le chauffage à plusieurs bâtiments. Le chauffage à la biomasse est particulièrement judicieux pour les bâtiments municipaux (école, centre communautaire, centre sportif…). Le domaine agricole tel que l'acériculture par exemple, ou les bâtiments du patrimoine religieux, ont avantage à se tourner vers cette source de chauffage, de même que les propriétaires de multi logement ou les écoquartiers.
La mise en place d'un réseau de chaleur alimentant un centre villageois (incluant par exemple la bibliothèque, une petite école, la mairie ainsi que l'église et son presbytère) peut participer à la revitalisation des milieux ruraux en maintenant des services de proximité à coût raisonnable, en encourageant une économie locale et circulaire et en créant des emplois, tout en ayant un impact réduit sur le climat.
Vous en savez maintenant plus sur les chaufferies collectives à la biomasse et leurs avantages. Trouvez plus de pages sur le chauffage au bois, et la décarbonation des bâtiments ci-dessous et dans notre guide de la construction écologique.
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