Le problème du gaz fossile et de la production de gaz naturel renouvelable (GNR)
En 2021, nous nous sommes alignés avec le Regroupement des Organismes Environnementaux en Énergie (ROEÉ), un ensemble de 40 groupes en environnement, pour demander la fin du gaz fossile dans les nouvelles constructions. Nous avons depuis constaté que la production de gaz naturel renouvelable (GNR) ne servira qu'à perpétuer le mythe du gaz « naturel ». Et nous avons été amenés à nous poser la question suivante : Est-il préférable de produire du gaz naturel renouvelable (GNR) à partir de nos déchets de cuisine, de les composter ?
Quatre points importants et potentiellement inquiétants à propos de la production du gaz naturel renouvelable au Québec
- Les investissements importants dans la biométhanisation au nom de l'environnement nécessitent de maintenir le réseau de distribution du gaz fossile au-delà de toute échéance défendable sur le plan environnemental.
- Le réseau de gaz libère dans l'air des quantités significatives et changeantes de méthane via un réseau fuyant et vieillissant (et peu contrôlé).
- Dans le meilleur des cas, le GNR ne fournira jamais qu'une quantité insignifiante des besoins énergétiques du Québec - et pourtant, les dommages causés par le maintien en activité du réseau de combustibles fossiles sont bien connus et conséquents.
- Il supprime l'incitation à faire un effort concerté pour éduquer les Québécois sur les meilleures façons de minimiser les déchets dans la chaîne alimentaire...
Pour mettre les choses en perspective, faisons un zoom arrière et regardons cela d'une optique globale : nous, les Québécois(e)s, contribuons actuellement via des initiatives fédérales et municipales à perdre le combat contre les combustibles fossiles, qui sont soigneusement présentés comme un atout positif pour l'environnement, alors qu'en fait, c'est tout le contraire.
Nous sommes ouverts au débat sur ce sujet (vos observations sont bienvenues, dans les commentaires en bas de page), mais nous sommes mal à l'aise de voir la presse publier des communiqués de presse brillants et enrobés de vert des supporteurs du GNR, sans y réfléchir davantage et sans poser un regard objectif et approfondi sur les implications potentielles à plus grande échelle.
Selon Recyc-Québec, « les matières organiques représentent 44 % des résidus générés par les Québécois, soit une moyenne de 184 kg par personne par année ». C'est beaucoup, non ?
Oui, MAIS... Ne vaudrait-il pas mieux composter les déchets organiques, ou les réduire à la source, dans un principe de 3RV, que de les convertir en gaz ? Voyons voir...
La biométhanisation, c'est quoi ?
On vous en a parlé quelques fois, la biométhanisation consiste à décomposer de façon anaérobique des matières organiques pour récupérer le méthane créé. Le méthane est ensuite traité et raffiné industriellement pour augmenter sa valeur calorifique - tout comme les produits à base de gaz fossile. Le gaz naturel renouvelable n'est donc pas vraiment aussi « naturel » que l'industrie voudrait nous le faire croire.
Le méthane industriel est donc issu du traitement par fermentation des matières organiques ; restes de tables, boues de fosses septiques, fumier, eaux usées sont les sources de méthane industriel les plus communes au Québec… Ce méthane, ou gaz « naturel renouvelable » GNR, peut être injecté dans des réseaux locaux, comme c’est le cas à la Tohu, ou encore dans les réseaux de gaz fossile.
La biométhanisation, bon ou mauvais choix ?
Rappelons tout d'abord que le GNR ne constituera qu’une très (très!) faible proportion du gaz dans les réseaux (moins de 5 % d’ici 2030, le reste étant principalement du gaz issu de l'hydro-fracturation). De même, le bilan environnemental de la biométhanisation est quand même bien moins bon que le compostage : autant du point de vue de la qualité des digestats et de leur utilité finale, que du point de vue des investissements (et impact carbone de ceux-ci) et des GES (le compostage n’émet pas ou peu de GES).
Investir dans la biométhanisation (quelques usines au Québec) plutôt que dans le compostage, ou encore mieux, dans la réduction des pertes alimentaires, nous semble donc questionnable. Il y a des avenues plus écolos, fiables, avec une mise à l'échelle plus facile que la biométhanisation, qui offrent autre chose qu’une solution d'enfermement technologique.
Puisqu’il est important, au niveau individuel, de penser à réduire ses déchets, on vous propose des façons efficaces de réduire vos pertes en alimentation à la maison en organisant mieux nos frigos, et ainsi sauver bien des dollars précieux (surtout compte tenu du coût de la vie qui augmente rapidement).
Investir dans la réduction du gaspillage alimentaire
La quantité de nourriture gaspillée en Amérique du Nord est énorme - et le gaspillage alimentaire a un impact significatif sur le changement climatique. Mais pourquoi investir 65 millions pour transformer tous ces déchets en gaz alors qu’on peut faire énormément pour les réduire, et ainsi sauver de nombreux GES et surtout, de nombreux dollars ?
Quel impact pour le gaspillage alimentaire ?
Au niveau mondial, on estime que le gaspillage alimentaire représente 30 % de l'ensemble de l'approvisionnement. Cette estimation suggère que le pourcentage de perte de nourriture au niveau de la vente au détail et du consommateur correspond à environ 1 trilliard de dollars américains (IFCO, 2020). Et si ce gaspillage était un pays, il serait le 3e émetteur au monde de GES (La Presse, 2021) !
Avec 2,2 millions de tonnes d'aliments comestibles gaspillées chaque année, pour une valeur estimée à plus de 17 milliards de dollars (Recyc-Québec, 2022), le Canada est champion du gaspillage alimentaire. Cela équivaut également à 9,8 millions de tonnes de CO2, ou 2,1 millions de voitures sur la route, ce qui contribue considérablement à l'empreinte carbone globale du Canada. Et 28 % de ces pertes sont faits par les ménages (14 % lors de la production et 31 % lors de la transformation, fabrication et distribution). Ainsi, en moyenne, un ménage canadien produit environ 140 kilogrammes (ou 308 livres) de déchets alimentaires par année, ce qui leur coûte environ 1 100 $ (Recyc-Québec, 2022). Pensez aux économies à réaliser !
Cette quantité de déchets a des impacts considérables sur la société, et potentiellement sur la production de gaz à effet de serre comme le méthane :
- La nourriture qui aurait pu aider à nourrir les familles dans le besoin est actuellement envoyée dans des décharges.
- Les décharges libèrent du méthane lorsque les déchets alimentaires organiques se décomposent.
Le gros problème avec le méthane est son potentiel de réchauffement global (GWP). Selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), au cours des dernières décennies, le méthane a réchauffé la planète jusqu'à 86 fois plus que le CO2.
La terre arable, l'eau, la main-d'œuvre et l'énergie sont gaspillées en quantités énormes pour produire, traiter, emballer et transporter une quantité inquiétante de nourriture qui sera tout simplement jetée. Tout cela ajoute inutilement à l'empreinte carbone de l'industrie agricole qui ne cesse de croître à mesure que les populations augmentent.
Quels objectifs de réduction de pertes alimentaires ?
Alors que l'argument en faveur des aliments génétiquement modifiés repose principalement sur la capacité de nourrir tout le monde à l'avenir, nous jetons le tiers de tout ce que nous produisons. Il semble assez évident qu'éviter de gaspiller de la nourriture est un très bon plan, et nous pouvons tous faire de notre mieux pour aider.
Pour limiter cette perte aux impacts climatiques importants, il faut suivre une certaine hiérarchie :
- Réduire – Mettre en place de meilleures pratiques agricoles, transport limité (mangez local et saisonnier)...
- Réutiliser – Donner les surplus à des banques alimentaires.
- Recycler – Synthétiser les aliments pour en faire d’autres produits (fertilisants, cosmétiques, biodiésel, compost).
Envoyer les aliments au site d’enfouissement vient évidemment en dernier recours, mais on voit clairement ici que d’utiliser l’argent des contribuables pour passer directement à l’étape 3 avant de miser sur les étapes 2 et 1 est inconcevable.
Surtout que, rappelons-le, le biogaz ou GNR fuit du système de distribution de gaz naturel, tout comme le gaz ordinaire. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles nous souhaitons que le gaz naturel soit progressivement supprimé dans les maisons.
Maintenant que vous savez pourquoi il faut interdire l'utilisation du gaz naturel problématique, trouvez plus d'information dans nos pages sur ci-dessous et dans notre guide de la construction écologique.
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