On entend de plus en plus parler de gaz naturel renouvelable, de gaz naturel écologique, de biogaz… mais de quoi parle-t-on vraiment ? Le biogaz est un gaz produit par la biodégradation de matière organique par des micro-organismes (bactéries méthanogènes). La réaction concernée s’appelle la biométhanisation, ou encore la « digestion anaérobie ». Cette réaction produit à la fois le biogaz qui est un excellent vecteur d’énergie, et un résidu solide appelé digestat que l’on peut valoriser comme fertilisant sur les terres agricoles, ou comme compost.
L’anaérobie, ou absence d’oxygène, est une condition indispensable à la biométhanisation : sans elle, d’autres micro-organismes décomposeront la matière mais sans production de méthane. On parle alors de compostage.
Les feux follet des cimetières : c’est de la biométhanisation !
Les feux follets qui hantent parfois les marécages ou les cimetières sont issus de la même réaction de biométhanisation. Les végétaux ou animaux morts entrent en décomposition dans des conditions anaérobiques et les gaz générés au cours de ce processus s’échappent du sol. Sous certaines conditions chimiques, ces émanations peuvent alors s’enflammer spontanément à l’air libre.
D’autres émanations naturelles de biogaz, moins poétiques, viennent des flatulences animales et plus particulièrement de celles des ruminants domestiques (qui produisent près de 75% de l’ensemble du biogaz d’origine animale, et 20% de la production totale de biogaz de la biosphère, y penser au moment d’acheter du bœuf…), ou encore de nos lieux d’enfouissement de matières résiduelles organiques.
Le biogaz est généralement constitué de 45 à 75 % de méthane CH4, et de 20 à 55 % de dioxyde de carbone CO2 en volume. D’autres composants du biogaz sont importants à mentionner : l’hydrogène sulfureux H2S, la vapeur d’eau, l’ammoniac, les siloxanes, ou encore les composés organiques volatils (COV).
Selon le type de matière organique qui a servi à la production du biogaz, ces derniers composés se retrouvent en parts plus ou moins importantes dans le biogaz et leur présence, même en très faibles concentrations, peut pénaliser l’utilisation du biogaz (pour les équipements notamment). Selon le type d’utilisation visée, il sera donc préférable de purifier le biogaz de manière plus ou moins avancée.
Il existe de nombreuses façons de valoriser le biogaz :
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La production de chaleur : c’est l’utilisation la plus simple du biogaz. On le brûle dans une chaudière pour utiliser par la suite la chaleur produite (cuisson, chauffage) ;
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La cogénération : on le brûle dans une génératrice (moteur ou turbine à combustion) pour produire simultanément de l’électricité et de la chaleur ;
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Le raffinage : pour une utilisation comme biométhane, c'est-à-dire un biogaz purifié, qui peut servir pour des véhicules au gaz ou pour l’injecter dans un réseau de gaz naturel;
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Attention : on ne peut pas injecter directement le biogaz dans les réseaux de gaz naturel, il faut auparavant le purifier pour obtenir un biométhane, de qualité quasi comparable à celle du gaz naturel de nos réseaux !
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L’alimentation de piles à combustibles pour la production d’électricité
L’exploitation du biogaz est connue depuis longtemps, les premières traces remontant au Xe siècle av. J.-C. alors qu’il était utilisé pour le chauffage de bains[1]. De nos jours, l’exploitation rurale du biogaz est très répandue dans certains pays, notamment en Chine où, par exemple, l’ONG « Initiative Développement » promeut la construction de réservoirs à biogaz familiaux qui récupèrent les excréments humains et porcins afin de générer du biogaz pour l’utilisation de différents appareils (cuisinière, lampe, cuiseurs, …). Au Québec, la production de biogaz et l'utilisation sur place par des entreprises agroalimentaires pour traiter des eaux usées est utilisée avec succès.
Une exploitation équivalente dans les zones urbaines ou plus développées est cependant plus problématique, en raison de certains inconvénients de la production de biogaz (manipulation de matières résiduelles et odeurs, entre autres…). C’est un des freins au développement du biogaz : son acceptabilité sociale, ainsi que le coût associé à l’implantation des technologies adaptées.
Les projets de biométhanisation au Québec
Le premier projet d'usine de biométhanisation au Québec est celui de la Société d’Economie Mixte d’Energie Renouvelable de la région de Rivière-du-Loup (SEMER) et vise à transformer les matières résiduelles organiques des 13 municipalités de la MRC de Rivière-du-Loup en biogaz. Encore au stade de projet, cette usine produira un biogaz qui sera principalement transformé en biocarburant : du biométhane liquéfié, qui sera utilisé par les transports lourds d’un projet de « Route bleue », soit un projet d’approvisionnement en gaz naturel liquéfié pour un corridor routier très utilisé entre les régions de Québec et de Toronto. La totalité des camions de collecte des matières résiduelles serait également alimentée au biométhane. Une station publique de ravitaillement a été annoncée à Rivière-du-Loup. Il est important de noter que le biométhane comme carburant pour véhicules présente un bilan environnemental beaucoup plus avantageux que le pétrole, notamment, au niveau de l’extraction. Il est également moins polluant à l’utilisation.
L'usine Rolland de Cascades est également un bon exemple de biométhanisation, où 93% des besoins en énergie thermique de l'usine sont comblés par le biogaz. Ce biogaz est capté sur le site d'enfouissement de Sainte-Sophie par Waste Management, et compressé et acheminé jusqu'à l'usine par GazMétro à travers un réseau spécialement dédié à l'usine Rolland. L'usine réduit ainsi ses émissions de gaz à effet de serre de 70 000 tonnes de CO2 par an comparativement à l'utilisation de sources thermiques traditionnelles.
La première centrale de transformation de biogaz en biométhane au Québec, et aussi au Canada est celle du site d'enfouissement d'EBI Environnement inc. à Berthierville. Le biogaz est capté et purifié jusqu'à atteindre une qualité équivalente à celle du gaz naturel, puis acheminé au réseau de gaz naturel de GazMétro. Une centrale de cogénération permet également depuis 2012 de transformer la biogaz en électricité, qui est ensuite acheminée au réseau d'Hydro-Québec.
A Montréal, deux usines de biométhanisation seront implantées sur le site de l’ancienne carrière Demix à Montréal-Est en 2016, et sur le terrain de Solutia Canada dans l’arrondissement de LaSalle en 2020. Longueuil, Laval, et la couronne Sud doivent également se doter d’usines de biométhanisation. A Québec, une usine de biométhanisation sera également construite à Limoilou. Enfin, un des projets les plus importants au Québec est celui de Saint-Hyacinthe, qui devrait être mis en opérations en 2014 et deviendra un des plus gros digesteurs anaérobiques en Amérique du Nord.
Le problème du gaz fossile et de la production de gaz naturel renouvelable (GNR)
En 2021, nous nous sommes alignés avec le Regroupement des Organismes Environnementaux en Énergie (ROEÉ), un ensemble de 40 groupes en environnement, pour demander la fin du gaz fossile dans les nouvelles constructions. Nous avons depuis constaté que la production de gaz naturel renouvelable (GNR) ne servira qu'à perpétuer le mythe du gaz « naturel ». Et nous avons été amenés à nous poser la question suivante : Est-il préférable de produire du gaz naturel renouvelable (GNR) à partir de nos déchets de cuisine, de les composter ou simplement de réduire nos gaspillages alimentaires ?
Pour en savoir plus sur le biogaz
- Les sources de biogaz au Québec
- Rentabilité et fonctionnement d’une unité de biométhanisation
- Les impacts sociaux et environnementaux de la biométhanisation
- Pourquoi et comment valoriser les matières organiques résiduelles ?
- Du biogaz dans le réseau de Gaz métro : oui… mais en petites quantités.
- La production d’énergie avec du biogaz : ce qu’il faut retenir
Maintenant que vous savez pourquoi il faut interdire l'utilisation du gaz naturel problématique, trouvez plus d'information dans nos pages sur ci-dessous et dans notre guide de la construction écologique.
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[1] « Nouvelles technologies de l’énergie 3 – Géothermie et énergies de la biomasse » sous la direction de Jean-Claude Sabonnadière. Editions Lavoisier. Hermes Science publications. 2007
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