Alors que réemployer les matériaux tout en restant financièrement concurrentiel n’est pas chose facile, l’entreprise Maçonnerie Gratton a créé une machine qui permet de réutiliser les briques, à même les chantiers.
La machine Brique Recyc, qui présente un très bel exemple d’économie circulaire, est une première mondiale. Facile à transporter, elle s’emploie sur site pour nettoyer et récupérer plus de 99,5 % des briques, qui sont normalement envoyées à l’enfouissement alors qu’elles sont encore en excellent état.
Car de manière générale, les travaux de revêtements extérieurs sont dus aux fixations corrodées, ou au mortier usé ou de mauvaise qualité, et non aux briques. Comme le mentionne Tommy Bouillon, président chez Maçonnerie Gratton : « La rénovation d’une façade en brique est plus souvent qu’autrement liée à un problème structural qu’à l’usure en soi des briques. N’ayant pas de façon rentable de les nettoyer avant de les remettre en place pour reconstruire le mur, les opérateurs se trouvent donc dans l’obligation de les jeter plutôt que de les réutiliser ».
Jusqu’à maintenant, il coûtait en effet moins cher de faire venir des briques neuves des États-Unis ou de l’Ontario (on ne fabrique plus de briques au Québec), et d’envoyer les anciennes briques (encore bonnes) au dépotoir. Un désastre écologique.
Tommy Bouillon, en avait plus qu’assez de voir des contenants pleins de briques se rendre aux sites d’enfouissement. Avec son entreprise, il a voulu préconiser l’économie circulaire, donc le réemploie des briques directement sur le chantier, limitant temps de main-d’œuvre et transport. Le défi ? Rendre le tout lucratif et facile à utiliser.
La machine à briques Brique Recyc permet de sauver temps et argent
Il est possible de nettoyer les briques de leurs résidus de mortier sur place, de façon manuelle, au marteau traditionnel, ou avec de l’air comprimé, par percussion. Les deux produisent une bonne quantité de poussière et nécessitent beaucoup de temps, environ 760 heures en chantier pour un travail manuel de 1 000 p2.
Ce travail, fastidieux, entraîne aussi la destruction d’environ 15 % des briques**, qui doivent être remplacées par des briques semblables, pas toujours évidentes à trouver.
La machine est pour sa part équipée d’une scie en diamant. Guidée par un système de laser, elle retire le mortier sans effort, sans poussière, avec peu de bruit et surtout, sans toucher la brique. Le tout ne lui prend que 7 secondes, pour un travail de 440 heures en chantier. Selon monsieur Bouillons, les ouvriers sont heureux de cet atout en chantier : « Un maçon ne veut pas nettoyer des briques, il veut en poser ! Les employés l'adorent. La machine est silencieuse, sans poussière et conviviale. Elle suit les ouvriers en chantier, et permet de limiter les manipulations. Le processus, à la chaîne, est tellement bien fait qu'on pourra probablement gagner 50 chantiers de plus par année avec le temps sauvé. »
La machine Brique Recyc détourne des tonnes de briques des sites d’enfouissement
Envoyer le tout à l’enfouissement et poser de nouvelles briques, ce qui se fait normalement sur les chantiers, requiert pour sa part 600 heures de travail, selon Tommy Bouillon. De nombreuses heures économisées, et une durée de vie des briques doublée (puisqu’elle peut être réinstallée pour un autre 100 ans) représentent ainsi un pari gagnant pour l’entreprise, ses clients et l’environnement ! Elle permettra même de réutiliser le mortier récupéré !
Tommy Gratton estime que la machine, brevetée, pourrait être remboursée en moins de deux mois de travail. Il entend la vendre aux entrepreneurs intéressés partout dans le monde dès 2022. Elle a par ailleurs fait le tour des médias européens et des maçons l'ont contacté de Vancouver. Les professionnels intéressés peuvent contacter l'entreprise Maçonnerie Gratton.
Exiger des matériaux de construction usagés dans les appels d’offres
Emmanuel Cosgrove, directeur d’Écohabitation, a récemment accordé des entrevues sur cette nouvelle machine, qui représente une petite révolution : « En effet, l’intérêt est double. On veut réutiliser la brique, très durable, résistante aux cycles gel-dégel, performante et au cachet indéniable. Elle est souvent exigée sur des bâtiments, patrimoniaux par exemple, ou pour respecter la trame visuelle des rues et quartiers. Mais poser de la brique, nouvelle ou réutilisée, coûte très cher, pour le portefeuille et l’environnement. »
C'est souvent au gouvernement de partir la balle, avec de l'exemplarité de l'état pour les appels d'offres de bâtiments publics qui exigent le réemploi. Cela permet à l'industrie du réemploi de se mettre sur pied, puisque le marché libre actuel rend le réemploi non viable. Écohabitation demande ainsi aux gouvernements de faire preuve d'exemplarité en exigeant des matériaux usagés dans leurs devis de construction.
En plus de réduire les déchets de construction, rénovation et démolitions, encore trop nombreux à être acheminés aux sites d’enfouissement, cette technologie permet de créer de l’emploi et de sauver près de 6 tonnes de CO2 par mur (transport, 59 %, fabrication de briques neuves, 25 %*). On espère voir cette machine sur tous les chantiers de CRD rapidement.
En plus de la brique recyclée, trouvez plus matériaux récupérés ou recyclés dans nos pages ci-dessous et dans notre guide de la construction écologique.
Trouvez des professionnels et des produits ainsi que des projets de maisons écologiques exemplaires dans notre répertoire de l'habitation durable. |
Sources
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*Le déchet qui pollue le moins est celui qu’on ne produit pas. PME, MTL, 2021.
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**Une invention québécoise pour recycler les briques. La Presse. 2022.
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