Simplicité, coopération, partage des valeurs et des avoirs, connexion et liens sociaux, intergénération et frein à l’isolement social… Les cohabitats urbains font de plus en plus d’adeptes, couplant les avantages de la propriété privée (ou de la location) et des aménagements collectifs. Découvrez les avantages ce type d’habitation qui reflète aussi un mode de vie durable, ainsi que les clés pour développer un projet.

Qu'est-ce qu'un cohabitat ?

Le mouvement du cohabitat, né au Danemark en 1964, a germé dans notre province il y a une dizaine d’années, avec Cohabitat Québec, un projet situé dans le secteur Limoilou. L’intérêt des Québécois, déjà marqué, a explosé avec la pandémie : le portail Web de ce complexe pionnier a connu une augmentation de 50 % de son achalandage et les nouvelles initiatives fleurissent, notamment à Montréal et sur la Rive-Nord de Québec. 

Un bâtiment résidentiel, partagé entre unités privatives et espaces communs

Un cohabitat consiste en des logements privés dans un immeuble, où des ressources sont mises en commun : de nombreux espaces et objets peuvent être partagés, comme des cuisines, des chambres pour les invités à réserver, une aire de coworking, un espace de jeu pour les petits, une buanderie, des voitures, un BBQ et des vélos, etc. La mise en commun permet ainsi de couper sur la taille des unités, et sur le budget.

Car la finalité est-elle de posséder des biens ou plutôt d’y avoir accès ? En changeant cette vision, on peut faire un grand pas pour l’environnement, et notre portefeuille.

De cette formule hybride entre un immeuble à condos, une coopérative d'habitation et une communauté de voisins tissée serrée, résulte un milieu de vie collectif, fonctionnel, écologique et plus accessible financièrement.

Projet Wohnprojekt, Vienne - des logements réservés à des familles de réfugiés et jardins communautaires © Village Urbain
Projet Wohnprojekt, Vienne - des logements réservés à des familles de réfugiés et jardins communautaires © wohnprojekt.wien

Un mode d'habitat innovant pour lutter contre la solitude

Tout en favorisant la formation d'une communauté de voisins, le cohabitat péserve l’intimité des familles, puisque chacune a son unité privée. Le modes de gestion qui y est appliqué dépend de la vision et des besoins des résidents. Et comme vivre en communauté encourage une certaine cohésion sociale, ce mode d'habitation facilite les relations entre les personnes, réduisant du coup l’isolement, un fléau de notre époque aux nombreux effets néfastes.

De fait, le cohabitat est considéré comme un modèle de vie qui peut aider à éviter la solitude et l'isolement social, car de plus en plus de Canadiens doivent vieillir sans partenaire ni enfants, ou avec des familles qui vivent loin. Selon Statistique Canada, le nombre de personnes vivant seules a plus que doublé entre 1981 et 2016, passant de 1,7 million à 4 millions (source: Statistique Canada, publication Regards sur la société canadienne, 2016).

Nous avons contacté Estelle Le Roux Joky, Directrice Générale chez Village Urbain pour en savoir plus : « Cette forme d’organisation est une réponse aux problèmes de société actuels tels que la montée de l’urbanisation, l’isolement social, le vieillissement de la population et l’éclatement de la famille traditionnelle (de plus en plus de familles monoparentales et recomposées et la multiplication des petits ménages). De la même manière, la prise de conscience des enjeux sociaux et environnementaux influence le mode de vie de plus en plus de personnes. Le phénomène des écocollectivités – écoquartier, écovillage et cohabitat – est une réponse qui intègre cette nouvelle conscience ».

Cohabitat : mode habitation pour lutter contre la solitude
Le cohabitat : un mode habitation pour lutter contre la solitude © Gustavo Fring

Le cohabitat : un esprit de quartier, dans un bâtiment sain

Les cohabitats offrent des logements abordables, avec une qualité de vie élevée. Le modèle, qui ressemble beaucoup aux coopératives d’habitations, s’adresse à une clientèle plus diversifiée.

Tout le monde peut cohabiter

La vision habituelle d'un cohabitat est celle de regrouper des résidents de tous les âges, des familles, avec ou sans enfant, ainsi que des personnes âgées et des personnes seules, comme les mères monoparentales, dont la solitude est ainsi brisée. Souvent, l'accent est mis sur la mixité sociale : en mixant différentes classes et âges, tout le monde peut en profiter. Par exemple, des personnes âgées peuvent prendre soin des petits et bénéficier de leur présence en retour.

Mais chaque cohabitat est unique : les participants peuvent aussi se regrouper entre personnes âgées. Cette nouvelle tendance au Québec, qui prône le soutien mutuel entre personnes âgées et avec leur communauté, permet aussi de promouvoir un vieillissement actif et positif. Ainsi, les habitations communautaires pour aînés représentent un milieu participatif et coopératif, une alternative aux résidences gérées par un propriétaire.

Cohabitat, un mode de vie communautaire
Cohabitat, un mode de vie communautaire

Le cohabitat, un mode de vie communautaire

La recherche d'interactions sociales et d'une vie communautaire épanouissante repose au cœur des projets de cohabitat. Des valeurs communes, de l’entraide et un mode de vie sain constituent aussi des caractéristiques spécifiques.

Pour ce qui est de la gestion du projet, des espaces communs et de la collectivité, l'absence de pouvoir centralisé est prônée et le respect de chacun représente un fondement du vivre-ensemble : tout le monde prend part aux décisions. Par exemple, le choix des propriétaires et locataires se fait en commun, puisque tout le monde partage le cohabitat.

Et au quotidien, tout le monde contribue. Si vous souhaitez intégrer un cohabitat, prévoyez quelques heures d’implication par semaine : administration du complexe, activités pour enfants, cuisine collective, jardin, entretien… vos aptitudes et objectifs personnels devront être mis au profit de tous.

Cuisine collective dans le projet Cohabitat Québec
Cuisine collective dans le projet Cohabitat Québec © Stéphane Bourgeois, TERGOS Architecture + Construction

Des choix écologiques pour la construction et l'aménagement des cohabitats

Vivre en harmonie avec les autres va de pair avec le respect de l’environnement, une valeur importante dans un cohabitat... Cette orientation permet aussi d'accéder à des prix plus abordables.

Car vivre en collectivité permet des économies d'échelle ! Économies d'argent bien sûr, mais aussi de matière. Ainsi, les voitures, vélos ou autres tondeuses mis en commun offrent la possibilité de réduire la consommation de biens dont on a besoin de matière ponctuelle. Des espaces communs partagés peuvent  permettre de réduire les besoins individuels d'espace. On peut aussi penser à la mise en commun du système de chauffage avec une chaufferie collective par exemple.

Un plus grand terrain est aussi synonyme de plus de verdure. Arbres, jardins collectifs, aménagements extérieurs sont souvent à l'honneur. Les concepteurs en profitent pour laisser les véhicules en périphérie, de manière à assurer la sécurité et le calme dans l’enceinte de la propriété.

Enfin, les économies d’énergie, la durabilité et la provenance locale des matériaux participent à l'approche respectueuse de l'environnement, et du portefeuille !

Projet R50 Berlin - des logements abordables dans un cohabitat © heidevonbeckerath.com
Projet R50 Berlin - des logements abordables dans un cohabitat © heidevonbeckerath.com

Les Québécois veulent-ils vivre en cohabitat ? Oui, vraiment !

Pour sonder l'intérêt des Québécois pour la vie en cohabitat, Village Urbain a réalisé un sondage en 2021. Les résultats sont édifiants :

  • 92 % des personnes sondées sont ouverts à vivre en cohabitat ;
  • 91 % sont ouverts à s’impliquer dans la conception et la gouvernance.

Quelles sont les raisons de vivre en cohabitat évoquées ? Principalement l'esprit de partage, la réduction de l'impact environnemental et la vie dans un milieu intergénérationnel et familial. Le sondage révèle également que les espaces collectifs privilégiés sont les ateliers multifonctionnels, les espaces de coworking, les jardins potagers, la cuisine collective et les espaces verts.

Fonder un cohabitat : les clés de la réussite

Bâtir un cohabitat est une aventure fascinante, qui demande d’apprivoiser chacune des étapes, lentement (Cohabitat Québec a pris 10 ans à se développer). Aussi, selon les lois, la structure et les réalités administratives, un cohabitat peut prendre la forme d’un OBNL, d’une coopérative d’habitations ou encore d’une copropriété privée… En bref, c’est complexe.

Quelle différence entre une coopérative, une habitation à loyer modique et un cohabitat ?

Ce qui différencie le cohabitat de la coopérative ou du HLM est qu’il relève d’autopromoteurs, sans financement public. Le projet est donc entièrement privé. Bien entendu, rien n’empêche un cohabitat avec un montage financier qui permettrait d’en faire un cohabitat avec logements abordables ─ comme par exemple les programmes de la Société canadienne d'hypothèques et de logements (SCHL), du Fonds municipal vert (FMV) ou de la Société d'habitation du Québec (SHQ) ─ ce qui permettrait un mélange de projets sociaux, mais financés avec des fonds privés en grande partie, avec des mécanismes anti-spéculation. 

L’acquisition de terrain ou de bâtiments existants, un frein monétaire non négligeable

Les projets de cohabitat se retrouvent souvent heurtés à la dure réalité de l'acquisition d'un terrain ou de bâtiments existants convenant au projet, d'un promoteur et d'un financement provisoire pour faire passer l'idée du concept à la réalité, tout en maintenant l'élan et la cohésion du groupe. Ainsi, de nombreux projets ne voient jamais le jour.

Selon Estelle Le Roux Joky, sans terrain ou bâtiment, il est dur de concrétiser ou même d’initier un cohabitat. « Il y a un tas de raisons qui font que les groupes se font et se défont et que les projets n’aboutissent pas. C’est comme ça qu’est né Village Urbain : nous avons fait le pari d’aider les gens qui n’ont pas le temps, ou l’envie, de porter un projet immobilier, de les aider. Notre OBNL va trouver un terrain, amorcer la recherche de financement, la conception préliminaire, puis avec le projet un peu avancé, nous allons le proposer aux gens intéressés et solliciter leurs avis et voir leurs besoins par rapport au projet. Car avoir le terrain et le début d’un processus de conception permet de faire avancer les choses. Le projet à Lachine est notre premier cohabitat, dans lequel on joue en quelques sortes le rôle de promoteur immobilier communautaire. »

Cohabitat Québec, terrain de jeu et aménagement extérieur commun
À Cohabitat Québec, les copropriétaires ont pu mettre en chantier un bâtiment résidentiel légalement © Stéphane Bourgeois, TERGOS Architecture + Construction

L’aide financière et juridique : un atout nécessaire au développement des cohabitats

En Colombie-Britannique, les cohabitats se sont développés à vitesse grand V. La clé du succès ? Une institution financière prête à avancer les fonds avant même que les projets soient terminés. Au Québec, le concept est encore incompris, les institutions ne veulent donc pas encore s’avancer. Pareil sur le plan juridique, qui demande beaucoup d’attention aux nombreux détails : textes de loi, maladies, décès, retour des enfants, respect de la philosophie…

Heureusement, Cohabitat Québec a un peu simplifié les choses, en permettant aux copropriétaires de mettre en chantier un bâtiment résidentiel légalement, ce qui n’était pas possible avant la lutte juridique menée par le groupe. 

Chez Village Urbain, on travaille fort pour faciliter le financement. Estelle Le Roux Joky mentionne que l’OBNL comprend bien cette problématique, principal frein à la mise en place des cohabitats au Québec : « Village Urbain s’est rapproché de la Caisse d’économie solidaire, d’institutions financières, et de bailleurs de fonds qui proposent des financements alternatifs, de même qu’avec des organismes communautaires qui proposent des logements abordables pour mettre en place des fonds pour ce genre de projet. On travaille par ailleurs avec Territoires innovants en économie sociale et solidaire (le TIESS), au niveau des fiducies foncières, qui permettra de mettre en place des financements abordables sur le long terme. »

« Pour le projet à Lachine, la fondation Chagnon est devenue un partenaire important : elle financera une partie de l’achat du terrain. » ─ Estelle Le Roux Joky, directrice générale de Village Urbain

L’accompagnement, la clé pour réussir un projet de cohabitat

Puisque les embûches sont nombreuses, il est fortement recommandé de se faire accompagner pour se lancer dans le cohabitat. Estelle Le Roux Joky raconte : « Beaucoup de gens nous contactent pour avoir des conseils ou pour se faire accompagner dans la démarche. Nous avons une liste de vidéos, articles, et autres documents que Village Urbain peut partager à tous ceux et celles qui veulent développer ce genre de projet. Nous ne pouvons accompagner un groupe de A à Z, car l’OBNL est trop petit pour ça. Mais si votre équipe de projet possède un terrain, vous pouvez nous contacter pour l’aide à la conception, et les processus à mettre en place pour créer les communautés. On peut aussi vous aiguiller sur les aspects financiers et juridiques ».

Village Urbain offre aussi des ateliers pour promouvoir et développer les cohabitats au Québec. Coop Trapèze bénéficie actuellement de leur support pour développer un projet d’une soixantaine d’unités dans le Vieux-Port de Montréal. Vous pouvez aussi contacter Cohabitat Québec pour de l'accompagnement.

Pour de l'accompagnement au niveau stratégique et technique, Écohabitation offre des services-conseils spécialisés, comme l'optimisation énergétique sur plans, l'accompagnement pour des bâtiments à Carbone Zéro, des conseils énergétiques pour l'obtention de financements publics... En orientant les projets de bâtiments de multilogements, tôt dans les démarches, l'équipe de consultants d'Écohabitation favorise grandement leur réussite. 

Aussi, le Canadian Cohousing Network peut accompagner les projets avec ses services, en anglais uniquement.

Afin d'assurer la viabilité d'un projet, il ne faut pas oublier de construire avant tout des relations durables. Si la communauté autour du projet n’est pas soudée, celui-ci s’effondrera à coup sûr. Malgré les freins, des projets, bien soudés et bien accompagnés, ont ainsi vu le jour à travers la province. À Terra Firma, un cohabitat à Ottawa créé en 1997, de tous les membres présents au début du projet, nul n’a encore quitté. 

Cohabitat Québec : constructions certifiées LEED Platine et Novoclimat conçues et construites par TERGOS Architecture + Construction © Stéphane Bourgeois, TERGOS Architecture + Construction
Cohabitat Québec : constructions certifiées LEED Platine et Novoclimat conçues et construites par TERGOS Architecture + Construction © Stéphane Bourgeois, TERGOS Architecture + Construction

Des projets de cohabitat au Québec

Cohabitat Québec, le pionnier des cohabitats dans la province

Premier groupe de cohabitat au Québec, Cohabitat Québec est situé dans le quartier Saint-Sacrement. Assez vaste développement, il regroupe 42 ménages. Les constructions, certifiées LEED Platine et Novoclimat, comprennent des maisons de ville, des appartements et un bâtiment commun, abritant une cuisine commerciale, une salle à manger et un salon avec foyer, une salle de réunion, un coin pour les enfants et un cinéma maison. Il y a même un atelier, une buanderie et un espace pour accueillir les vélos. Dehors, un potager, des arbres fruitiers, un espace pour les feux de camp, un carré de sable, une terrasse et des BBQ sont mis à disposition de tous.

Cohabitat Lachine, un habitat collectif et intergénérationnel qui vise écologie et abordabilité

Le projet, piloté par Village Urbain, sera érigé sur la rue Notre-Dame, à l’intersection de la 23e Avenue. Une quarantaine de logements de 1 à 4 chambres dans des bâtiments reliés par des coursives extérieures afin d’en faire un lieu de vie collectif.

La conception du bâtiment, réalisée par Sid Lee Architecture, prévoit une consommation énergétique nette inférieure à 80 kWh/m², grâce à une implantation favorisant ensoleillement maximal, et une isolation hautement performante toute l’année. 

L'abordabilité du projet, à court et long terme, est assuré par une fiducie communautaire. Une partie des unités d'habitation sera dédiée à la location, et une autre à la vente. Les travaux devraient commencer en 2023.

Village Urbain Lachine, cohabitat urbain
Village Urbain Lachine, un cohabitat urbain © Sid Lee Architecture

Les Cohabitants de Gatineau, un projet en développement à la recherche de membres

Le projet en est au stade de la recherche de participants : le cohabitat s'installera dans un ensemble de 12 à 16 unités, neuf ou rénové, du secteur urbain de Hull ou Aylmer bien desservi par le transport en commun. La coopérative de propriétaire des Cohabitants de Gatineau devrait emménager d’ici 2024.

Cohabitat Wakefield, des logements pour réduire l’isolement social

Une vingtaine de logements multigénérationnels en construction à Wakefield, en plein cœur villageois, avec la coopérative de solidarité Cohabitat Wakefield et Écohabitation. Le projet vise surtout les aînés et les personnes à la retraite.

Projet Sagemaison pour les aînéssoutenu par la municipalité de Saint-Adrien

Dans le but de valoriser la présence des aînés dans le village et de favoriser les liens entre tous, la municipalité de Saint-Adrien, dans les Cantons-de-l'Est, contribue à développer une résidence pour personnes âgées. Le terrain a été offert pour le projet Sagemaison.

Nombreuses coopératives pour les aînéesau Québec

De nombreuses coopératives pour aînés se sont par ailleurs développées au Québec pour répondre à cette réalité. Par exemple :

  • Maison la Brunante, Estrie
  • Coop ViVe, Cantons de l’Est
  • Faubourg Jean-Marie Vianney, Outaouais
  • Oasis des lacs, Saint-Denis-de-Brompton
  • Coopérative Émile-Nellingan, Montréal
  • Le Martinet, Hochelaga-Maisonneuve

Contactez Projets collectifs d’habitations pour aînés pour développer un projet ou en savoir plus.

Vous en savez maintenant plus sur les cohabitats, ces projets innovants alliant tous les avantages du privé et du collectif. Trouvez plus de pages sur différents modes d’habitation ci-dessous et dans notre guide de la construction écologique.

Trouvez des professionnels et des produits ainsi que des projets de maisons écologiques exemplaires dans notre répertoire de l'habitation durable.