Bravo ! La municipalité de Lac-Beauport, près de Québec, a sa première maison certifiée LEED, et or en plus. C’est la demeure de Catherine Demers, architecte senior associée et agréée LEED (DMG architecture). Catherine est une architecte aguerrie en programmation et en conception de bâtiments et d’espaces intérieurs. Elle se démarque par sa sensibilité aux particularités environnementales des projets auxquels elle participe. Nous l’avons donc interviewée sur son projet d’habitation LEED et ses principales caractéristiques. En souhaitant que ses propos puissent à la fois enseigner et inspirer.
Comment décririez-vous votre expérience avec le processus de certification LEED pour les habitations, vos succès, vos difficultés ?
Catherine Demers : – Le défi principal, c’était l’accompagnement des sous-traitants. Cela s’est fait par l’intermédiaire de notre entrepreneur général Richard Chabot car ils n’ont pas l’habitude de fournir toutes les fiches techniques des produits qu’ils utilisent! Par exemple, j’avais informé notre entrepreneur que les colles utilisées sur place devaient respecter la norme LEED sur le contenu en COV. Il a donné la directive à ses sous-traitants et avait bien confiance que ça puisse être contrôlé. J’ai reçu plusieurs fiches techniques de produits sans COV, certains ont vraiment pris la demande au sérieux mais en bout de piste, nous nous sommes rendus compte qu’il en manquait et certains sous-traitants nous ont même répondu ne pas avoir de fiche pour les produits qu’ils utilisent !
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Un des points forts de votre projet a été l’aménagement paysager. Pouvez-vous nous en parler ?
Catherine Demers : - C’est le site qui nous a immédiatement séduits. Il se situe dans un secteur développé à proximité du lac où tous les lots sont construits, mais il est très boisé. Magnifique site donc, qui nous a conquis dès la première visite par ses dénivellations, ses vues sur le lac et les montagnes, sa végétation luxuriante, ses arbres matures mais aussi ses sentiers, son sous-bois, les roches pleines de mousse… et toute cette beauté qui se transforme selon la lumière du jour et les saisons.
Il allait de soi, pour nous, que la construction de la maison devait perturber le moins possible cet environnement exceptionnel. Toutes les interventions sur le terrain ont donc été orientées dans ce sens et nous avons pu maintenir dans son état naturel plus de 65% de la superficie constructible du lot. Quand il fut le temps de reboiser la périphérie de la construction, des recherches avec une spécialiste en aménagement paysager (Bérénice Simard, architecte paysagiste) nous ont permis de cibler des végétaux déjà présents sur le terrain qui nous plaisaient, et d’autres qui allaient bien s’adapter au terrain. D’où le résultat : aucun gazon et plus de 90% de plantations indigènes. On a établi comme méthode d’aménagement de fusionner l’existant et le nouveau pour ne pas trop sentir le découpage entre le boisé original et le nouvel aménagement. Dans ce contexte global, plusieurs points ont facilement été acquis dans la catégorie LEED « Aménagement écologique de sites ».
© Catherine Demers
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L’autre point fort de votre projet, c’est la qualité des environnements intérieurs.
Catherine Demers : - En continuité avec la qualité de notre environnement extérieur, nous avons voulu créer un environnement intérieur sain et confortable. Mon conjoint William, spécialiste en contrôle de la mécanique du bâtiment, voulait assurer autant le contrôle de la température, que de l’humidité, de l’éclairage et de la qualité de l’air. Nous avons eu recours à des filtres hyper-performants installés sur le système de ventilation-chauffage-climatisation pour capter les poussières et les particules. Notre maison possède six zones distinctes de contrôle avec chacune un thermostat contenant une sonde d’humidité intégrée qui, selon un point prédéterminé et ajustable, donne le signal au système pour déshumidifier.
© Catherine Demers
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Le contact avec notre environnement extérieur était aussi extrêmement précieux. Nous avons voulu favoriser ce contact par de grandes terrasses extérieures en continuité avec les planchers de la maison, de grandes portes et fenêtres. Le défi était d’avoir à la fois de grandes ouvertures (dont la valeur isolante est fatalement inférieure aux murs) et une excellente performance énergétique. Nous avons donc limité quelque peu la dimension des fenêtres et porte à des endroits stratégiques, et opté pour des produits hyper performants pour la fenestration : argon, pellicule basse émissivité et triple verre. Résultat : une cote Énerguide de 87.
Sur le choix du système de chauffage-ventilation-climatisation, il était clair que notre choix allait s’arrêter sur un système géothermique. Le fait que cette énergie naturelle soit là, sous nos pieds, emmagasinée sous forme de chaleur conservée dans le sol et disponible, sans besoin d’être transportée sur de longues distances par des infrastructures, c’est non seulement renouvelable, sans toxicité et gratuit mais ça ne peut pas être davantage local, efficace et durable avec un entretien minimum. De plus, nous le constatons maintenant, c’est aussi très confortable, la température étant tout à fait uniforme dans la maison.
Pour le chauffage et la ventilation, nous avons opté pour une distribution mixte : par le plancher radiant à eau chaude, qui couvre 60% du plancher en béton apparent, et aussi par des conduits à air pulsé qui passent notamment sous le plancher surélevé de bois du salon afin que l’air pulsé soit projeté du sol devant les grandes fenêtres.
© Catherine Demers
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Autres caractéristiques significatives
- L’utilisation de bois de merisier local pour la finition intérieure, et de bois de cèdre pour la terrasse. Ils ont été obtenus dans un rayon de moins de 150 km du site. Le reste du bois provient de Chibougamau.
- Des équipements mécaniques, des électroménagers et plusieurs luminaires Energy Star.
- La toiture plate a été dimensionnée pour recevoir une toiture verte qui sera installée l’an prochain.
- Tout le mobilier intégré est fait de contreplaqué sans résine d’urée formaldéhyde avec adhésif à base de soja (panneaux Europly Plus et Purebond), de la compagnie Columbia Forest Products. Ce choix est de plus en plus plebiscité par des designers et architectes qui se soucient de l'esthétique autant que de l'environnement et la santé des occupants!
- Gestion exemplaire des matériaux par notre entrepreneur (très peu de pertes).
- Des matériaux durables de haute qualité : toiture d’acier, finition intérieure d’ardoise (pour le manteau du foyer), comptoirs de quartz, garde-corps de verre, plancher de béton, panneau de béton mural et céramique composant 80% de toutes les cloisons de la salle de bain.
J'aimerais savoir combien de temps est necessaire avant de remptabiser une maison de ce genre par rapport à un maison residentielle ordinaire. Est-ce que les coûts sont convenable où l'objectif est vraiment d'avoir une maison écologique ?
C'est une bonne question: en habitation écologique, au Québec, certains choix sont purement écologiques, d'autres sont réellement rentables. Par exemple, la géothermie ou le chauffe-eau solaire thermique ne sont clairement pas rentables à ce jour (sauf dans du multilogement), eu égard à leur faible subventionnement et au fait que l'électricité soit bon marché. Cette maison est très réussie mais ce n'est probablement pas une maison "rentable". D'autres le sont davantage.