Cet article est le deuxième d’une série écrite par Mikaël Paris, qui raconte son aventure, ses recherches, ses décisions. Du cauchemar de la découverte de la mérule pleureuse, jusqu’à la reconstruction en 2000 jours d’une nouvelle maison écologique, certifiée LEED Platine : le projet Phoenix.
Voilà deux ans que la mérule pleureuse, ce champignon dévastateur a bouleversé notre paisible existence familiale à Lac-Beauport. Depuis, nous avons entrepris un combat sans relâche pour faire reconnaître notre terrible situation auprès des médias, des pouvoirs publics, des banques, des assurances et entamé des recours légaux qui n’aboutissent pas.
Combien de temps encore allons nous pouvoir tenir le cap dans cette tempête émotive? Malgré tout, la famille reste soudée et déterminée à se battre pour que cette sombre histoire devienne cauchemar du passé et que nous regardions l’avenir avec le sourire d’avoir été au bout de notre rêve.
Commencer un nouveau projet d'autoconstruction de maison pour rebondir
Le 12 décembre 2017 après plusieurs fausses couches, notre fille Louna arrive! L’essentiel était là, devant nos yeux: notre famille! Nous devions absolument sortir de ce gouffre abyssal, regarder devant et mettre la famille en sécurité. Il était temps de passer à l’action et concrétiser ce rêve qui s’était volatilisé un soir de Noël. Forts de cette nouvelle énergie retrouvée et malgré quelques nuits d’insomnie, nous décidons d'entamer coûte que coûte la deuxième partie de notre chemin de croix, la conception de notre maison de rêve.
Premières étapes pour construire une maison : la formation
Dans cette démarche libre et grisante nous découvrons un univers des plus inspirants. Entourés de personnes passionnées par la construction durable et l’environnement, nous participons à toutes sortes de formations en habitation durable, de visites de maisons écologiques et commençons à dessiner sur logiciel 3D quelques esquisses de ce qui deviendra, 23 versions de plans plus tard, le projet Phoenix.
Nous engageons l’entreprise Belvédair pour nous épauler dans la conception mais surtout pour challenger notre vision du projet. En effet, le fait de vivre déjà sur le terrain du futur projet nous permet de connaitre les atouts et enjeux de l’emplacement basé sur notre usage actuel mais en même temps, cela nous prive d’un recul nécessaire pour considérer toutes les options disponibles.
Les mille questions à se poser pour un projet de construction de maison
Maison hyper performante, solaire passif, matériaux naturels, résilience et autosuffisance alimentaire… Les avenues sont multiples et stimulantes mais nous devons trouver notre chemin, l’unique, celui qui correspondra à nos besoins.
C’est la longue période d’introspection qui commence! Savoir se connaître et différencier ses rêves de ses désirs... Voilà la clef de la réussite. Mais pour cela, il faut se préparer à un véritable examen de conscience, lucide et transparent pour définir avec certitude nos réels besoins présents mais aussi futurs! Cela fait partie des points à ne pas négliger dans la planification.
C’est à la fois un privilège mais aussi un grosse responsabilité que de faire des choix qui auront une impact sur les 100 prochaines années. Dans mes consultations je constate que trop souvent des propriétaires négligent cette étape d'introspection en reproduisant malgré eux les erreurs des voisins qui ont des réalités et des objectifs bien différents ou qui ne se sont tout simplement pas posé les bonnes questions.
Le cheminement lors de la conception est donc une étape cruciale au succès d'un projet. Les réflexions en amont représentent les fondations de la réussite de demain. Soyez ouverts ! C'est le meilleur moment de brasser toutes les réflexions possibles et même les plus farfelues! la bonne nouvelle? Lors de la planification les erreurs ne coutent rien, lors de la réalisation par contre...!
Par exemple, l’idée d’intégrer une serre attenante nous paraissait intéressante mais dans la réalité, sommes-nous des cultivateurs passionnés ou simplement des jardiniers en herbes? Ainsi en poussant la réflexion, nous sommes parvenus au compromis de construire un solarium 4 saisons qui nous permettait de partir nos semis au printemps et de profiter des joies du solaire passif le reste de l’année! C'est incontestablement la pièce ou nous avons investi le plus de temps en conception et dont nous jouissons le plus aujourd'hui!
Design compact et versatile : nos astuces pour petit budget
Le poids financier relié à la démolition de la Maison Jaune nous à contraint à la créativité pour ficeler un budget réaliste et audacieux. En réfléchissant sur nos réels besoins nous avons réalisé que nous pouvions réduire notre espace habitable et diminuer ainsi les coûts de construction. Ainsi, nous avons été créatif pour maximiser les rangements et usages complémentaires dans plusieurs parties de la maison comme la chambre d’ami qui se transforme en bureau, salle de yoga ou salle de jeu pour les enfants!
Mais en poussant encore plus loin cette réflexion, nous avons choisis d'optimiser notre emprise au sol et d'intégrer un autre usage dans le bâtiment.
En effet, pourquoi construire une maison trop grande à chauffer et entretenir pour nos simples besoins? Ainsi, l’idée est venue d’inclure une clinique de soin avec une entrée privative. Cela nous permet de joindre l’utile à l’agréable en partageant l’espace … et les coûts!
La certification LEED V4: le guide pour un projet réussi
Nous savions dès le début du projet que nous visions une certification LEED.
Pour toutes sortes de raisons (nos valeurs environnementales, l’approche intégrée, la garantie de la qualité d’un projet en auto-construction...) mais surtout, car cette démarche globale permet l'intégration du bâtiment dans un environnement qui lui est propre.
LEED est la seule certification qui garantie un accompagnement serré du début à la fin du projet.
Ainsi, en élaborant des objectifs et des moyens dès la conception, elle assure une continuité de la démarche environnementale tout au long du projet et non une vision en "vase clos" que certains constructeurs arborent parfois ostensiblement.
C'est aussi très rassurant de se savoir accompagné par une tierce partie, tel un fil d'Ariane qui nous guide dans les aléas du parcours d’auto-constructeur.
La distance entre le rêve et la réalité? C’est l’action!
Après 300 jours de conception, de planification et de remises en question, nous voilà maintenant prêt à concrétiser tous ces efforts et bâtir ce projet un peu fou: transformer le cauchemar d’une habitation malsaine en rêve de reconstruire une maison écologique, saine et durable.
Ainsi, il est temps pour toute la famille de poursuivre notre chemin de croix vers la prochaine étape: l’auto-construction du projet Phoenix, premier bâtiment LEED Platine de Lac-Beauport!
Voici un bref résumé des dix défis que nous avons rencontré lors de notre parcours d’auto-constucteurs LEED. Sans être exhaustif, notre objectif est de vous sensibiliser sur certains enjeux que nous avons rencontrés et vous éviter peut-être, quelques nuits blanches!
Alors à vos marteaux, prêts? Rêvez!!!
1er défi: choisir (ou non) l’autoconstruction, établir son niveau d’implication
Un projet clef en main est rapide mais coûteux alors qu’un projet d’autoconstruction est long mais plus abordable… Alors où se situe votre limite ?
Dans mes consultations, je constate que trop souvent, les autoconstructeurs ont une vision utopique d’un projet de construction et se lancent dans l’aventure avec fougue en entrain… les premières semaines! La fatigue et l’épuisement s’immiscent par la suite insidieusement et viennent compromettre la qualité et la faisabilité du projet. Ce qui était vue initialement comme une dépense excessive peut s’avérer être un choix stratégique d’investissement en fin de projet.
Ainsi, Il est préférable de prévoir dès la conception un mode d’auto-construction hybride qui vise à choisir stratégiquement les mandats qui seront rentables à accomplir soi-même de ceux qui ne seront qu’une perte de temps et d’énergie pour une économie d’argent négligeable.
Par exemple, nous avons choisi d’engager des sous-traitants pour rendre la coquille de la maison étanche le plus vite possible afin de devancer les rigueurs du chantier hivernal. En plus d’amorcer le chantier avec vigueur, cette stratégie nous aussi permis d’obtenir une garantie de construction résidentielle qui sécurisait le prêteur financier.
2e défi: choisir d’être à la fois exécutant et donneur d’ordre
L’auto-constructeur porte deux casquettes fort bien différentes :
La première, celle de l’ouvrier « terrain » qui exécute la construction du chantier. Tel une fourmi, il travaille durement pour accomplir les milles et unes tâches d’un projet et possède ainsi une vision microscopique de l’œuvre à accomplir. Sa force est dans l’exécution des détails.
La deuxième casquette est en fait un casque blanc…celui du chargé de projet! Sa mission? Veiller à l’organisation de l’armée de fourmis qui travaillent individuellement vers un objectif commun. Il possède une vision macroscopique et s’assure de coordonner cette synergie vers la réussite du projet en respectant budget et échéancier.
Voilà donc un défi que nous avons rencontré: porter à la fois le casque blanc et la casquette!
3e défi: l’accès aux (bons) sous-traitants.
Choisir de déléguer certains mandats à des sous-traitants est sage mais encore faut-il trouver les sous-traitants qui vont collaborer dans la vision du projet.
Un auto-constructeur LEED est passionné et déterminé à réaliser un projet unique qui correspond à des valeurs fortes. Il doit s’entourer de collaborateurs qui partagent et défendent cette vision pour atteindre ce même objectif.
Rencontrez le plus possible de sous-traitants et posez vos questions! Si l’approche environnementale n’est pas partagée et respectée, passez au suivant car votre mission n’est pas de convertir des collaborateurs du bien fondé de votre vision mais bien de vous entourer de sous-traitants déjà convertis.
Le simple fait de partager votre projet au plus grand nombre de personnes vous apporte aussi une ouverture qui ne fera que bonifier votre meilleure idée. Cet exercice vous permettra aussi de composer une banque de sous-traitants au cas où…Comme par exemple si votre excavateur vous fait faux bond… une semaine avant les travaux (histoire vécue!).
Alors pourquoi le recrutement de sous-traitants représente un défi pour l’auto-constructeur?
Tout d’abord, précisons qu’un auto-constructeur n’est pas très motivant pour un sous-traitant! Pas très payant! Il surveille au quotidien les dépenses avec rigueur, est présent tous les jours sur son chantier pour s’assurer de la qualité des travaux et des avancements.
Rien ne lui échappe, il connait son projet par cœur car il est à la fois un chargé de projet ET un client avec de surcroît des demandes qui sortent de l’ordinaire. Et surtout, un auto-constructeur demeurera bien souvent un client non-récurrent avec un potentiel de référencement limité…
Recommandation: quand vous trouvez un entrepreneur qui partage votre vision, exploitez son réseau de contacts car il y de fortes chances qu’ils partagent eux aussi vos valeurs!
4e défi: Respectez toujours votre plan, sauf…
Comme mentionné précédemment, vous ne serez jamais trop préparé pour affronter un projet d’autoconstruction! Une planification rigoureuse en amont vous évitera de coûteuses erreurs de parcours surtout lorsque l’émotion et la fatigue sont de la partie. Ce plan doit être partagé avec tous les intervenants, conjoint (e), fournisseurs… pour permettre de comprendre les différentes étapes du projet et les liens entre chacune d’elles.
Selon moi, une planification adéquate représente 98% du projet réalisé. Vous serez ainsi sécurisé par un plan de match prévisible et quasi-infaillible! Il restera 2 % d’optimisation décisionnelle sur le chantier pour propulser votre projet à un niveau supérieur.
Ainsi, nous avons réalisé un diagramme de Gantt afin de connaître à tout moment les étapes en cours, contacts, budgets et échéanciers s’y référant ainsi que les sous-étapes reliées. En plus de nous permettre de ne rien oublier, cela nous a permis de conserver une vision d’ensemble du projet et de nous assurer de respecter notre plan planifié à froid, en amont.
5e défi: L’aménagement paysager: ce grand oublié…
Vous venez finalement de déménager, mais les premiers rayons de soleil du printemps font aussi disparaître cette belle couche de neige qui camoufle la dernière étape de votre projet… l’aménagement paysager!
Ce n’est qu’une fois complétée cette ultime étape que vous obtiendrez la certification LEED. Considérez donc avec justesse les coûts à courts et longs termes de l’entretien paysager de votre projet en trouvant l’équilibre entre les surfaces durables (sans entretien), perméables (gestion des eaux) et l’intégration des végétaux.
La quantité, l’emplacement et l’essence de bois choisis par exemple, seront déterminants dans le coût global de votre patio à long terme ; alors pourquoi ne pas réduire la superficie d’un patio et utiliser une essence plus durable comme le cèdre ou encore le mélèze? Et tant qu’à éviter le bois traité, protégez-le tout de suite avec une teinture de qualité et votre projet sera unique et durable!
Un conseil: pour que le gazon ne soit jamais plus vert chez le voisin… utiliser du trèfle nain! Mélangé à une graminée à pelouse, il ne nécessite pas d’arrosage, pousse lentement et demeure vert tout l’été!
6e défi: C’est pas fini… tant que c’est pas fini!
Qui ne connaît pas un auto-constructeur installé dans sa maison presque finie… depuis 10 ans?
Vous êtes épuisés d’avoir couru tout le long de votre projet après les échéanciers serrés et les lourdes responsabilités mais maintenant que le déménagement est effectué, l’absence de moulures de finition, de la dernière retouche de peinture ou de la main courante de l'escalier ne sont plus des priorités… Et finissent par disparaître sous la routine quotidienne telle une (trop) longue liste de tâches à accomplir qu’on choisit d’ignorer.
Or, insidieusement cette réalité devient une charge pesante qui nuit à votre fierté d’avoir complété votre projet d’auto-construction et peut même aller jusqu’à cultiver une amertume désagréable.
N’attendez pas de vendre vos maison pour terminer ces détails, faites-en une priorité afin de jouir au quotidien du produit fini de votre dur travail et ainsi capitaliser sur la satisfaction et la fierté d’avoir accompli quelque chose de grand et noble, l’auto-construction de votre maison de rêve!
En conclusion, j’espère que ce partage de notre expérience vous inspirera à relever le défi de l’auto-construction. Pour notre part, la route a été longue et sinueuse, parfois surprenante et bien souvent terriblement angoissante. Il s’est écoulé deux mille jours depuis la découverte de ce terrible champignon qu’est la mérule pleureuse, et l’accomplissement final de notre maison de rêve.
Nous resterons éternellement reconnaissants du soutien que nous avons reçu de nos proches mais aussi de parfaits inconnus qui ont partagés avec nous ce chemin.
Trouvez plus de pages sur la construction durable ci-dessous et dans notre guide de la construction écologique.
Trouvez des professionnels et des produits ainsi que des projets de maisons écologiques exemplaires dans notre répertoire de l'habitation durable. |
Super! Il devrait y avoir davantage de constructeurs qui suivent ce bel exemple. Bravo!