On entend souvent parler de masse thermique dans le milieu de la construction. Cependant, même pour des professionnels aguerris, il est difficile de s’y retrouver dans l’ensemble des informations fournies, tant ce qui est dit au sujet de la masse thermique peut souvent paraître contradictoire.
La masse thermique dans les bâtiments peut revêtir deux aspects : elle peut être intérieure (planchers, gypse, murs intérieurs, meubles, etc.) ou bien extérieure (murs hors-sol). La masse thermique intérieure est toujours importante à considérer dans les bâtiments, surtout pour les bâtiments solaires passifs, et un prochain article abordera cette question plus en détail. Pour la masse thermique dans les murs, il est important de bien savoir comment en tenir compte, car le rude climat québécois ne permet pas souvent d’obtenir un effet bénéfice important sur l’efficacité énergétique de l’habitation.
Mur en bois massif © Sybren A. Stüvel, Creative Commons
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Avant toute chose, il faut bien comprendre ce qui est appelé « masse thermique » pour les murs extérieurs. Tous les matériaux sont capables de stocker et restituer de la chaleur, mais à des échelles différentes. Ainsi, les murs que l’on qualifie de murs massifs sont ceux qui sont construits avec des matériaux lourds, qui seront bien plus capables de stocker et restituer de la chaleur que les autres : béton, brique, terre, pierre ou encore bois massif (contrairement aux murs en ossature bois plus standards sur le marché). Cependant, ces techniques de construction ne se suffisent pas à elles-mêmes. Par exemple, on ne pourra pas parler de mur massif si l’on a un mur constitué de planches de bois de seulement 1 pouce d’épaisseur. Attention donc, il faut rester très raisonnable sur l’effet de la masse thermique de vos murs s’ils sont insuffisamment dimensionnés, d’autant plus que la masse thermique d’un mur n’est pas un outil magique et ne pourra jamais compenser ses faiblesses en isolation.
Comment déterminer si son mur est massif ou non ?Pour pouvoir parler de mur massif et aller chercher des bénéfices énergétiques, la limite généralement considérée à dépasser est un mur avec une capacité thermique de 1,06 kJ/m²-K (6 Btu/ft²-°F). La capacité thermique d’un mur est la quantité d’énergie dont on a besoin pour augmenter la température d’une masse donnée de 1 degré
Pour les murs en bois massif, la règle du pouce pour les principales essences utilisées au Québec est de considérer une épaisseur minimale des murs de 7,5 pouces (profil rectangulaire) pour pouvoir prendre en compte la masse thermique.
Pour aller plus loin, la capacité thermique du mur (critère le plus simple et pragmatique pour les réglementations) n’est pas le seul critère qu’il faudrait prendre en compte. Cependant, ces autres critères (effusivité, diffusivité, couleur, etc.) seront abordés dans un prochain article. |
Tout cela a l’air bien attrayant, mais avoir un mur avec de la masse « thermique », en quoi est-ce que ça peut aider pour sa performance énergétique ? Avoir un mur massique permet en réalité de stocker la chaleur de son environnement lorsqu’elle est en excès, et de la restituer à l’intérieur de la maison lorsque le mur « réchauffé » est plus chaud que l’intérieur de la maison. Les flux thermiques allant toujours des corps chauds vers les corps froids, il devient réellement intéressant d’avoir de la masse thermique avec beaucoup d’inertie (temps de diffusion de la chaleur dans le mur) dans les murs lorsque le flux s’inverse au cours d’une journée complète. On s’explique : si la nuit, il fait plus froid que la température de confort intérieure de l’habitation, et le jour plus chaud, avoir un mur constitué de beaucoup de masse thermique, ça fonctionne! C’est pour cela que l’on peut observer des murs épais constitués de briques ou de terre dans de nombreuses architectures traditionnelles tout autour du monde.
Mur en pierres. © mckaysavage, Creative Commons
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Pour mieux comprendre ce qui se passe, on peut observer l’exemple extrême d’un climat désertique chaud où les températures peuvent varier de façon drastique entre le jour et la nuit. Avoir des murs avec une forte inertie thermique permet de trouver une répartition plus agréable des variations de température pour le corps humain. Le jour, la chaleur environnante prend un long moment avant de réchauffer le mur extérieur. Lorsque la chaleur a complètement traversé le mur et pénètre l’intérieur de la maison qui était jusqu’alors resté frais toute la journée, le soleil commence à se coucher. Le flux thermique s’inverse alors avec la froideur nocturne : le mur continue à irradier de sa chaleur vers l’intérieur, et commence à perdre sa chaleur à l’extérieur durant toute la nuit. Le matin, un nouveau cycle recommence. Tout l’avantage de la masse thermique réside ici : maintenir la chaleur diurne dans l’habitation pour la fraicheur nocturne, et inversement.
L’exemple précédent est toutefois très théorique pour le Québec, car la masse thermique commencera à ne plus avoir d’effet dès que l’on s’éloignera de ce schéma de 12 heures de déphasage. Pendant le rude hiver québécois, le flux thermique est en permanence de l’intérieur vers l’extérieur. Dans ce cas, le mur ne se réchauffe jamais assez, et passe son temps à perdre sa chaleur vers l’extérieur. La masse thermique n’est dans ce cas d’aucune utilité, hormis pour absorber les pics de consommation du bâtiment. Durant ces périodes, on est heureux d’avoir des murs avec une forte isolation pour maintenir les températures intérieures à un niveau confortable.
C’est pourquoi jusqu’à maintenant, l’effet bénéfique de la masse thermique n’était que très peu ou pas reconnu pour les climats nordiques par les réglementations qui en tiennent compte (International Energy Conservation Code – IECC - 2003 à 2009 entre autres). Dans ces réglementations, la masse thermique des murs est considérée différemment selon la zone climatique : elle est valorisée pour les climats chauds, et minimisée pour les climats froids. Selon les anciennes versions du IECC, il n’était pas possible de tenir compte de l’effet de la masse thermique pour la zone 7 qui concerne la majorité du territoire québécois, et l’effet était très mineur pour la zone 6 (les villes les plus au sud et sud-est).
Tout sur les zones climatiques internationalesLes zones climatiques sont déterminées par chiffres de 1 à 8 selon leurs degrés-jours de chauffage et de réfrigération, et par lettres selon certains critères d’humidité : C pour un climat marin, B pour un climat sec, et A pour un climat qui n’est aucun des deux.
Au Québec, la plupart des territoires sont situés en zone 7 au-dessus des 5000 degrés-jours de chauffage (Bagotville, Québec, Rimouski, Sept-Îles, Shawinigan, Saint-Jérôme, Sainte-Agathe-des-Monts, Thetford Mines, Val-d’Or, etc.), mais de nombreuses villes sont tout de même dans la zone 6 (Montréal, Drummondville, Granby, Sherbrooke, Trois-Rivières, Valleyfield, etc.). Selon les sources, il est possible de trouver certaines villes dans une zone ou l’autre, c’est vrai par exemple pour Sherbrooke ou encore Trois-Rivières. Ceci s’explique par la précision de la conversion entre 65°F et 18°C. Au niveau international, on peut constater que certains états américains et pays européens qui vendent leurs produits tablent souvent sur la masse thermique. Attention à bien soupeser ces informations, car elles sont souvent exagérées ou basées sur des zones inférieures à celles du Québec. |
À ce stade-ci de la lecture, la plupart des constructeurs de maisons avec des murs massifs auront sauté au plafond, les occupants avec eux, et les futurs occupants également. Effectivement, un des principaux arguments pour le choix de murs avec de la masse thermique au Québec est le confort thermique qu’ils apportent. Nous avons une bonne nouvelle pour ces gens-là : même si la masse thermique a un plus petit effet dans nos zones climatiques froides, elle existe tout de même bel et bien! De nombreux tests ont notamment été effectués par le Oak Ridge National Laboratory pour comparer les performances de murs massifs par rapport à des murs standards, soumis à des fluctuations de température, pour mieux prendre en compte les effets de l’inertie thermique des murs, contrairement aux normes de tests habituelles. Les murs massifs ont été plus performants, dépendamment bien sûr de leur épaisseur, de leur composition, de leurs matériaux, du climat reproduit, etc. Cela s’est traduit concrètement par des facteurs de correction qu’il est possible d’appliquer aux modes de calculs standards.
Outre le fait que de plus en plus d’études et d’outils permettent de quantifier les effets dynamiques de la masse thermiques sur la performance énergétique, les réglementations mentionnées ci-dessus (notamment IECC) ont effectué un vrai virage pour leur dernière version de 2012, et indiquent un plus grand effet de la masse thermique pour la zone climatique du Québec. À ce jour, nous n’arrivons pas à expliquer ce virage net à Écohabitation, même si on ne passe que de zéro à un peu d’effet… L’explication la plus probable est que la lumière des nouvelles études ait pu aider à changer les réglementations. Toujours est-il qu’il est désormais possible de prendre en compte la masse thermique des murs pour certains types de construction, avec une amélioration de la performance des murs jusqu’à 25% de leur résistance thermique au Québec.
Nous sommes actuellement en discussion avec des consultants américains spécialisés en constructions de bois massif, qui sont les constructeurs les plus concernés par la bonne prise en compte de la masse thermique au Québec. Nous étudierons prochainement l’effet de la masse thermique sur la performance énergétique de ces types de construction spécifiques.
Article très intéressant, que je veux exploiter avec l'aide de mon architecte dans la construction d'une maison passive, dont le foyer de masse en stéatite serait adossé à un mur à inertie thermique de haut rendement, qui rayonnerait au centre de la résidence. De plus, avec l'air filtré provenant d'un puit canadien, je compte distribuer dans l'étage supérieur le flux d'air préchauffé par ce mur. Ci-joint mon projet, je vous commenterais son éfficacité à sa mise en oeuvre.