Objet usuel plutôt insignifiant pour des millions de personnes, la toilette à chasse d’eau a pourtant révolutionné notre mode de vie. Aujourd’hui, une personne visite la toilette de 6 à 8 fois par jour (2,500 visites par année!)*. Un Canadien utilise ainsi en moyenne plus de 110 litres d’eau potable par jour*, uniquement pour ce besoin. Considérant qu’il y a moins de 1% d’eau douce liquide sur la planète, et que certains pays peinent encore à avoir accès à de l’eau potable, est-il raisonnable d’utiliser cette eau saine pour évacuer nos rejets?
L'eau potable, une ressource inestimable souillée
Les rejets humains, composés de carbone d’azote et de phosphore (favorables en agriculture), trouvent leur place naturelle (et sont valorisés) lorsque retournés à la terre. Tout au contraire, lorsqu’ils sont mêlés à notre eau potable, ils deviennent des déchets qu'il faut gérer. Lorsque nous mélangeons ces rejets à chaque chasse d’eau, nous gaspillons une quantité phénoménale d’eau potable, parfois déjà elle-même passée par un traitement coûteux, y compris en termes d'énergie. Y a-t-il plus illogique?
L’utilisation de toilettes à terreau, communément appelées sèches ou à compost, est une belle solution pour réduire cette consommation d’eau potable. Jusqu’à récemment au Québec, les toilettes d'une maison devaient obligatoirement être reliées à un champ d'épuration. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Des demandes citoyennes et municipales
Dans la majorité des cas de résidences isolées, par manque d’alternatives, de coûteux traitement tertiaires avec déphosphatation étaient donc requis. Des citoyens, des groupes et des municipalités contrariés par cette situation à issue unique, ou par soucis environnementaux, ont donc été nombreux à faire des demandes de révisions.
Dans le but de trouver une solution de mise aux normes plus abordable a donc été entamée la demande d’une modification de règlement Q-2 r.22.
Un groupe de Portneuf a par exemple demandé au gouvernement une rectification en justifiant que, selon eux, l’utilisation de toilette à terreau serait être une solution durable à leurs problèmes de contamination de l’eau du lac Saint-Charles.
Proposition de modification du règlement Q-2, r.22
Suite aux requêtes (nombreuses), et dans le but d’offrir des solutions plus abordables pour les citoyens, le ministre de l’Environnement, M. Hertel, annonce le 10 avril 2016 une révision de la réglementation. En bref, la nouvelle modification propose que les toilettes à terreau puissent être autorisées pour des résidences isolées selon ces conditions:
1. Comme choix personnel du propriétaire (pour une résidence existante ou une nouvelle construction isolée)
Dans ce cas, il faut combiner les toilettes à terreau avec une installation septique conformément au Règlement et conçue pour recevoir toutes les eaux usées de la résidence isolée. Le cabinet devra également remplir les conditions suivantes:
-
le modèle de cabinet à installer est conforme à la norme NSF/ANSI 41;
- le cabinet est ventilé indépendamment de la conduite de ventilation du bâtiment desservi;
- le cabinet est installé, utilisé et entretenu conformément aux guides du fabricant;
- le cabinet fonctionne sans eau ni effluent.
B. Comme solution de dernier recours (pour résidences isolées existantes seulement)
Ici, il faudra combiner les toilettes à terreau avec une fosse de rétention à vidange périodique, avec débit en fonction des eaux ménagères. Aucun permis particulier ne sera demandé spécifiquement pour l’installation des toilettes à compost, mais un permis sera exigé lors de toute modification concernant les installations liées aux eaux usées. S'adresse aux :
-
propriétaires de résidences isolées existantes qui sont contraints d’installer un système de traitement tertiaire avec déphosphatation;
- pour les camps de chasse et de pêche, et résidences isolées existantes pour lesquelles il n’y a pas de possibilité de mettre en place une solution de traitement sur le site.
Pour les autres conditions, voir le projet d’article 52.2 du projet de règlement.
Quatres solutions concrètes proposées par la modification pour les toilettes à compost
À défaut d’un système de traitement tertiaire, la première phase du projet de modification à la réglementation propose en somme, en attente de la seconde, quatre solutions aux propriétaires de résidences isolées.
1. La mise en place d’une fosse de rétention à vidange totale (réservoir étanche);
Une fosse de rétention à vidange totale est un réservoir étanche destiné à emmagasiner toutes les eaux usées qui sont produites par une résidence avant leur vidange et leur transport vers un site autorisé.
Cette solution pourrait s’avérer avantageuse pour les résidences saisonnières.
- Coût d’installation : de 2 500 à 6 000 $
2. L’installation de cabinets à terreau (toilettes à compost) avec fosse de rétention pour les eaux ménagères;
Ce sont ici des cabinets à terreau certifiés fonctionnant sans eau ni effluent et conçus pour transformer la matière fécale en terreau. Les eaux ménagères produites sont emmagasinées dans un réservoir étanche avant leur vidange et leur transport vers un site autorisé.
Cette solution pourrait s’avérer avantageuse pour les résidences saisonnières.
- Coût d’installation : de 4 300 à 7 800 $
3. La mise en commun d’un système avec déphosphatation pour deux résidences isolées existantes;
Les eaux usées des deux résidences isolées sont acheminées vers un seul système de traitement tertiaire avec déphosphatation certifié par le Bureau de normalisation du Québec.
- Coût d’installation : de 9 250 à 13 800 $
Pour l’instant, les systèmes normalisés en commun ne peuvent être installés que pour quatre chambres à coucher maximum.
4. Faciliter la mise en place de systèmes de traitement étanches qui rejettent les eaux usées dans un réseau d’égout municipal.
Cette solution sera dorénavant autorisée par la municipalité, en application du Règlement.
Pour le choix des composantes d’un dispositif d’évacuation et de traitement des eaux usées des résidences isolées, consulter le mddelcc.
Un règlement pour le traitement des eaux plus limitatif au final?
Après le ravissement et l’anticipation initiaux, beaucoup de mécontentement découlant du dévoilement de la proposition de modification s'est manifesté… Le remaniement proposé expose de nombreuses restrictions qui ne sont, au final, ni plus facilitantes, ni plus judicieuses.
En effet, bien que cette modification soit un pas dans la bonne direction avec une plus large possibilité de faire l’acquisition de toilettes à compost, les conditions qui l’accompagnent peuvent être, à l’opposé, plutôt rebutantes. Comme l’explique Lucie B. Mainguy, présidente et co-fondatrice d’Aliksir (un des groupes à avoir déposé un mémoire): « le nouveau règlement serait en fait plus limitatif qu’incitatif et on ne voit pas de réels avantages économiques ».
Peu de réels avantages économiques
Premièrement, la nouvelle règlementation demande, entre autres, d’avoir une installation septique conforme, prête à recevoir des eaux-vannes, même s'il n’y a pas de toilette à chasse d’eau sur place. Une toilette à terreau, additionnée d’une installation septique, devient ainsi un choix très coûteux. « La règlementation devrait être assouplie, afin de ne plus considérer injustement une habitation qui n’est même pas alimentée en eau, au même titre qu’une résidence produisant des eaux usées.» Mémoire d’Aliksir
De même, il faut compter quelques dizaines de milliers de dollars par année pour faire vidanger la fosse de rétention des eaux grises. Madame Mainguy suggère plutôt un traitement plus adéquat des eaux grises, soit par exemple par polissage, pédoépuration, phytoépuration ou encore par des filtres commerciaux (exemple le Biolan 125). Selon elle, le but est de « permettre les procédés de filtrage et les champs d’évacuation, lorsqu’utilisés en présence de toilette à compost, […] en abaissant les critères applicables aux champs de traitement pour qu’ils soient conformes à la réalité, selon laquelle ils ne traitent plus que des eaux grises. » (Source: mémoire d’Aliksir)
© biolan.fi & permacultureddesign.com
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Pas de réformes sur le dimensionnement des systèmes de traitement des eaux usées
Il devrait également être possible d'accepter un système d’épuration classique déjà sur place, en autant qu’il soit suffisamment efficace pour gérer les eaux grises exclusivement. Aliksir propose, dans son mémoire, de « réduire la taille et la performance nécessaires des installations septiques ou de rétention, lorsqu’utilisées en présence du cabinet à terreau. » (Source: mémoire d’Aliksir).
Autre élément rebutant: alors qu’il n’y avait auparavant aucune norme pour le choix d’un modèle de toilette à compost, seuls deux modèles sont maintenant acceptés. L’adoption des toilettes sans eau n'est donc pas facilitée par les modifications au règlement, et par le fait même, les changements de comportement vers des usages plus écologiques ne sont pas encouragés.
La suite...
Pour faire suite à la consultation publique, le dévoilement final de la première phase de modification du règlement Q2. R-22 est attendu pour cet automne. Nous n'avons toutefois pas de précisions. Aucun détail non plus sur ce que contiendrait la deuxième phase de modification du règlement. Espérons simplement que les suggestions des citoyens et organismes de terrain s'étant exprimés sur le sujet seront entendus. Tout ce remaniement pourrait être l’opportunité d’ouvrir la porte à de nouveaux standards avant-gardistes en matière de gestion des rejets humains!
Les toilettes sèches : la réglementation initiale
Le règlement Q-2, r.22 initial limitait, à rendre presque impossible, l’installation des toilettes à compost... elle ne pouvait être installée que dans deux cas bien précis :
- pour desservir un camp de chasse ou de pêche;
- pour desservir une résidence isolée*** existante, si l’un des systèmes suivants ne peut être construit :
- un élément épurateur classique,
- un élément épurateur modifié,
- un puits absorbant,
- un filtre à sable hors sol,
- un filtre à sable classique,
- un système de traitement secondaire avancé,
- un système de traitement tertiaire,
- un champ de polissage,
- un autre rejet dans l’environnement.
Le règlement, plutôt flou et contraignant, limitait donc la possibilité d’avoir recours à une toilette à compost comme unique installation dans une maison non reliée au réseau d'égout municipal. L’option sans eau, présentant pourtant de nombreux avantages économiques et environnementaux, se retrouvait donc toute en bas de la liste hiérarchique des solutions d’assainissements. Un non-sens!
LE RÈGLEMENT Q-2, R-22
Au Québec, ce règlement provincial est issu de la Loi sur la qualité de l'environnement (Q-2), provenant du MDDELCC. Il régit l'évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées et vise à préserver la qualité de nos réserves d'eau potable et l’équilibre des écosystèmes de tous contaminants possiblement engendrés par le rejet de nos eaux usées.
Dans le cas où l’installation biologique (toilette à compost) était permise, il fallait tout de même traiter les eaux ménagères avec un champ d’évacuation ou une fosse de rétention à vidange périodique. |
Toilettes à compost : aides financières possibles
(mise à jour le 29 mars 2017)
À compter du 1er avril 2017, un nouveau crédit d’impôt remboursable a été mis en place sur une base temporaire pour appuyer financièrement les propriétaires qui doivent entreprendre des travaux de réfection de leurs installations septiques. Les travaux concernés sont la mise aux normes d’installations d’assainissement des eaux usées résidentielles.
De façon sommaire, l’aide financière accordée par ce crédit d’impôt, qui pourra atteindre 5 500 $ par habitation admissible, correspondra à 20 % de la partie, excédant 2 500 $, des dépenses admissibles qu’un particulier aura payées pour faire exécuter des travaux reconnus de mise aux normes des installations d’assainissement des eaux usées de sa résidence principale ou de son chalet.
Ce crédit d’impôt s’adressera aux particuliers qui feront exécuter de tels travaux par un entrepreneur qualifié en vertu d’une entente de service conclue après le 31 mars 2017 et avant le 1er avril 2022.
Les travaux reconnus pour l’application du crédit d’impôt sont la construction, la rénovation, la modification, la reconstruction, le déplacement ou l’agrandissement d’une installation d’évacuation, de réception ou de traitement des eaux usées, des eaux de cabinet d’aisances ou des eaux ménagères desservant une habitation admissible.
Pourquoi une situation applicable aux maisons isolées uniquement?
Dans le très vaste domaine du traitement des eaux usées résidentielles, deux cas de figure sont généralement rencontrés. En ville, le cas est simple, c’est le « tout-à-l’égout ». C’est-à-dire, que les eaux-vannes (eaux des toilettes, ménagères et pluviales) sont évacuées dans les égouts, par une même canalisation.
Lorsque l’on se retrouve en des lieux plus retirés, et que le raccordement à l’égout des installations municipales n’est pas possible, le propriétaire devra gérer lui-même le traitement de ses eaux usées. On parle alors d’assainissement autonome.
*World Toilet Organization
**Environnement Canada, avec les anciens modèles de toilette, rependues en majorité dans nos maison
***On entend par résidence isolée un bâtiment de 6 chambres à coucher ou moins, produisant tout au plus 3 240 litres d’eaux usées quotidiennement, et qui ne serait pas raccordé aux réseaux d'égouts municipaux ni à des systèmes d’assainissement collectifs.
Sources
- Installations septiques de résidences isolées. Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.
- Règlement sur l'évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées
Pour aller plus loin
- Découvrez notre tout nouveau palmarès des toilettes efficaces et économisez de l'eau !
- Fiche technique : tout sur... Les toilettes écologiques!
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- Installer une toilette sèche (ou à compost)
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