L’ÉcoEntrepreneur Corénov Constructeurs a fait ici un tour de force: une rénovation écologique en profondeur qui offre un second souffle au duplex patrimonial de la rue Chambord, à Montréal. Le bâtiment a été transformé en résidence bi-générationnelle atteignant une performance environnementale et énergétique presque inégalée. Ce bâtiment LEED Platine est exceptionnel sur bien des tableaux:
- une réutilisation maximum des matériaux de démolition et un choix judicieux dans l’utilisation de ceux-ci;
- des matériaux neufs ayant le plus faible impact environnemental possible;
- une gestion de l’eau –intérieure/extérieure- qui enlève de la pression sur les infrastructures municipales et
- un aménagement extérieur soigné.
103/136 points LEED : 2e meilleur pointage LEED au Québec
Les catégories gagnantes :
- Emplacement et Liaison : 10/10
- Aménagement écologique des sites : 19,5/22
- Gestion de l’eau : 13/15
- Matériaux et Ressources : 12,5/16
Évaluations Écohabitation a questionné Nathalie Lessard, de Corénov Construction, au sujet du projet Chambord et de leur expérience LEED.
ÉÉ − En dix points, quels sont les éléments écologiques-économiques-sociaux que vous jugez les plus intéressants de votre projet ?
NL − 1 - Réutilisation des matériaux provenant de la démolition sélective les détournant ainsi des sites d'enfouissement
Le bâtiment a littéralement été déconstruit! Une grande quantité de matériaux ont trouvé une seconde vie dans un petit rayon de la rue Chambord. La brique provenant du mur double brique porteur arrière a été donnée pour la construction d'un four à pizza et d'un foyer extérieur. Le sous-plancher du rez-de-chaussée a servi de matériel à la fabrication de tables d'une micro-brasserie, et des éléments de la structure se sont invités dans son décor vintage. Une partie des portes et moulures de finition ont été réinstallées dans une maison au nord de Montréal. Pareil pour les armoires de cuisine du rez-de-chaussée, qui meublent désormais une autre habitation.
Mais bon nombre d’éléments ont été réutilisés sur place : les solives de plancher ont servis de linteaux aux murs porteurs du duplex, d'éléments décoratifs et de mobilier; les portes et moulures de finition ont été réinstallées sur place, au rez-de-chaussée; les armoires de cuisine de l'étage et les appareils de plomberie ont été utilisés pour le logement du rez-de-chaussée. Les pierres de fondation qui ont été enlevées pour consolider la fondation ont été utilisées dans l'aménagement paysager du projet. Les quelques matériaux restants qui n’ont pas été réutilisés ont été apportés à l’écocentre!
© Corénov Constructeurs
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2 - Utilisation des bons matériaux aux bons endroits
Le mur de brique porteur a été recouvert de chanvre afin de le consolider tout en lui permettant de respirer. Les murs mitoyens ont été traités comme les murs extérieurs afin d'assurer une meilleure étanchéité. Les compositions murales ont été conçues afin que les pertes thermiques des composantes n'engendrent pas de point de rosée dans les parois sans en permettre le séchage ou l'évacuation.
© Corénov Constructeurs
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3 - Double emploi des matériaux utilisés durant la construction
La structure qui a servi à l'étaiement temporaire de l'étage a été conçue afin d'être réutilisée pour la structure du plancher du rez-de-chaussée.
4 - Diminution de la demande en eau de l’aqueduc municipal
Les eaux de pluie sont collectées, filtrées et utilisées pour les toilettes et l'arrosage extérieur et la robinetterie est à faible débit.
© Corénov Constructeurs
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5 - Toiture verte
Le cabanon a été construit à partir de rebuts de construction, et sa toiture est végétalisée.
© Corénov Constructeurs
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6 - Matériaux locaux et sains
Les matériaux de finition intérieure proviennent du Québec ou contiennent peu de COV. Le bois est certifié FSC, les murs et les conduits de ventilation ont été isolés au delà des valeurs prescrites par la règlementation.
7 – Récupérateur de chaleur des eaux de drainage
La chaleur provenant de l'eau évacuée par la douche est réutilisée afin de chauffer l'eau du réservoir.
8 - Amémagement extérieur perméable
Il n'y a pas de stationnement aménagé! Seulement un jardin composé de plantations indigènes, il n'y a pas de gazon ni de surfaces imperméables sur le projet.
© Corénov Constructeurs
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9 - Faible impact environnemental global
Le bâtiment n'a pas été agrandi afin de s'intégrer à son environnement et de minimiser les superficies habitables.
10 - Aménagement intérieur spécifique au bigénérationnel
Un hall d'entrée a été aménagé au rez-de-chaussée afin de faciliter le déplacement entre les étages occupées par mon beau-père pour le rez-de-chaussée, et mon conjoint et moi pour l'étage. Il donne accès au sous-sol qui loge le local mécanique et le réservoir d'eau de pluie.
ÉÉ − Pourquoi avoir choisi la certification LEED?
NL − Je suis accrédité PA-LEED BD+C depuis plus de 10 ans. Je crois en la certification LEED et c'est la seule qui reconnait tous les éléments que nous voulions intégrer à notre projet.
ÉÉ − Pourquoi avez-vous transformé le bâtiment en résidence bi-génération?
NL − Mon beau-père, originaire des Laurentides, habitait St-Jérôme. Comme un grand pourcentage de la population québécoise, il vieillit. En étant près de chez nous, nous pouvons l'accompagner lors des rencontres et des suivis avec le milieu médical. Nous mangeons ensemble presque tous les soirs assurant ainsi que mon beau-père mange bien et qu'il a une présence quotidienne pour échanger. La proximité des commerces facilite l'autonomie de mon beau-père, ça lui arrive aussi de faire des courses pour nous. Il se sent utile, je crois que ça le valorise. Il y a souvent de la visite à la maison, il socialise avec des gens d'âges différents, qui pensent différemment des fois.
ÉÉ − Est-ce que la bi-génération a représenté un défi?
NL − Le rez-de-chaussée a toujours été loué et j'occupe l'étage depuis que je suis propriétaire du duplex. La bi-génération n'a pas représenté de défi lors des travaux de rénovation. Nous avons modifié les divisions intérieures afin d'aménager une entrée commune facilitant la circulation entre les étages sans avoir à sortir dehors. Puisque nous rénovions le bâtiment nous avons prévu la structure et l'emplacement des installations mécaniques afin de permettre un aménagement différent au rez-de-chaussée au cas où nos besoins familiaux changeraient ou de répondre aux besoins qui différeraient des nôtres d'un éventuel acheteur.
ÉÉ − Quels ont été vos bons coups, vos difficultés?
NL − Il est difficile de détourner des sites d'enfouissement les matériaux provenant de la démolition. Peu d'endroits et d'organismes existants permettent la réutilisation. Nous avons sollicité notre réseau et les annonces classées requérant beaucoup de temps de notre part. Les matériaux ont été donnés à des fins non commerciales mais nous avons du débourser pour des permis d'occupation partielle de la ruelle lorsque nous empilions la brique, par exemple, pour faciliter la collecte. C’est sûr qu’il aurait été moins coûteux d'envoyer le tout au site d'enfouissement! Mais nous ne regrettons pas ce choix, surtout lorsqu’on reçoit les photos des réalisations et des témoignages!
Les différents intervenants du milieu de la construction sont peu informés sur les matériaux écologiques. Sans vouloir nous induire en erreur, ils ne nous livrent pas toujours le matériel voulu. Nous avons dû retourner des matériaux à plusieurs reprises car la traçabilité de ces derniers n'était pas possible. Afin d'éviter des délais sur le chantier ou le déplacement inutile des employés, nous avons adapté notre échéancier au gré des livraisons et de la disponibilité des matériaux.
Les normes de construction en vigueur ne permettent pas l'utilisation de produits novateurs à moins que la conformité de ces produits ne soient confirmées par un organisme indépendant dont le processus requiert plusieurs mois voir des années. Nous avons pris des risques en important des matériaux utilisés dans la construction de maisons passives en Europe sans attendre leur reconnaissance ici.
Les normes de construction strictes de l'arrondissement n'ont pas permis l'installation de panneaux solaires pour ne nommer qu'un exemple. Les démarches en ce sens − autant de notre part que celle des fournisseurs − auprès de l'arrondissement n’ont rien donné. Nous voulions leur faire comprendre la différence entre les matériaux et les systèmes. Nous avons donc adapté notre design et répété les dépôts de demandes de permis.
ÉÉ − Vos commentaires sur l’accompagnement reçu pour la certification?
NL − Nous avons envisagé sérieusement la certification LEED lors de la première journée porte ouverte que nous avons organisée pendant les travaux : nous avions invité les différents collaborateurs et fournisseurs à venir parler de leur intervention et produits. Dès le début de notre projet de rénovation, nous avons appliqué les principes LEED.
Il est vrai que je craignais que la certification me pousse à faire des compromis à l'égard des finis intérieurs, mais ce n'a pas été le cas finalement.
Le soutien d'Écohabitation nous a facilité la tâche au cours de toutes les étapes du processus. Nous avions l'impression d'être compris, et le processus s'est avéré plus facile que je le croyais! Aucun compromis n'a été fait et nous avons obtenu la certification Platine. Je suis très reconnaissante du rôle de facilitateur joué par Évaluations Écohabitation. Je les en remercie et attend leur disponibilité pour célébrer avec eux!
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