Cet article est le cinquième d’une série issue du blog Sunshine Saved, écrit par Craig Anderson. Il présente l’ensemble de ses recherches et décisions prises lors du long processus de construction qui a mené à une certification LEED Or. Pour lire le premier article, c’est ici…
À l’origine, nous n’avions pas l’intention de faire une modélisation énergétique de la maison. Mais lorsque nous avons décidé de viser la certification LEED, nous avons dû effectuer une évaluation de son efficacité. La taille du bâtiment (superficie de planchers), l’orientation, l’isolation, les appareils électriques, etc. ont ainsi été estimés.
En utilisant toutes ces informations et en appliquant certaines hypothèses standards sur la façon dont une famille typique utilise une maison (quantité de douches par personne par jour, température moyenne du thermostat, etc.), les logiciels de modélisation énergétique arrivent à prévoir de manière assez précise la consommation totale d’énergie d’un bâtiment donné. Ce qui suit est le résultat de cette modélisation, notre «certificat de rendement énergétique», soit un chiffre unique qui résume l’ensemble de la performance.
Modélisation énergétique de la maison hors-réseau
De nombreux experts en efficacité énergétique utilisent la cote HERS. Il s’agit d’une évaluation de la quantité d’énergie utilisée par la maison selon ses caractéristiques architecturales et ses systèmes, en comparaison à une maison construite aux normes du Code du bâtiment. En incluant finalement la zone climatique, on arrive à comparer des pommes avec des pommes.
Comme vous pouvez le voir dans le certificat (ci-dessous), la maison a obtenu un score HERS de 23. Une maison de base, au code, a un score de 100. Sans expliquer le calcul en détails, le chiffre représente le pourcentage d’énergie que la maison modélisée utilise par rapport à la maison de référence, avec un ajustement pour l’autoproduction électrique à travers différents systèmes de production, tels que nos panneaux photovoltaïque. Notre maison consomme donc 3 fois moins qu'une maison de même taille conforme au code!
Les figures d’inventaire d’utilisation énergétique en kWh/année sont celles que je trouve les plus intéressantes. Elles prévoient que la maison consommera un total de 19 271 kWh/année:
- 4 785 kWh proviendront de la production des panneaux photovoltaïques
- 15 465 kWh (le reste) sera fourni par le propane.
Performances projetées et performances réelles
Comment la théorie se situe par rapport à la pratique? Comparons ces chiffres à notre utilisation actuelle pour la première année (novembre 2014 à novembre 2015). Rappelons que nous avons utilisé 400 gallons de pétrole pour cette période, pour un total énergétique de 10 800 kWh. Nous avons également brûlé une demi-corde de bois, de l’érable et du chêne, qui nous a fourni 3 000 kWh de chaleur.
Le mesurage de notre production solaire s'est fait via l’analyse de l’utilisation des charges enfichées pendant l’année, qui se chiffre à 1 400 kWh. Mais ce chiffre représente en fait une sous-performance importante de la contribution prévue de nos panneaux PV. Nous pouvons expliquer ce faible rendement pour différentes raisons:
- les batteries n’ont pas bien vieilli au cours de la première année d’utilisation, du fait d'un déchargement trop fréquent dans leurs premiers mois de services;
- il y a eu plus de gaspillage en puissance que prévu, la puissance excédentaire ne pouvant pas être sauvée en totalité lorsque non utilisée (les batteries possèdent une capacité maximale).Je suis en train de concocter un système pour utiliser une partie de cette puissance excédentaire et j’écrirai sur le sujet une fois qu’il sera mis en place et opérationnel.
Dans tous les cas, notre consommation réelle pour l’année a été de 15 200 kWh, soit bien moins que le projetait les modélisations initiales (19 271 kWh). Ceci n’est pas une surprise puisque nous habitons la maison seulement la moitié du temps (environ) et que nous utilisons moins de gadgets technologiques que les ménages moyens. J’imagine que si nous habitions la maison à temps plein, notre consommation réelle serait assez semblable à celle projetée.
Autre détail intéressant, qui provient du fait que la modélisation est l’estimation de la perte de chaleur dans les composantes de notre enveloppe (voir ci-dessous – premier document en anglais, suivit par celui en français, plus détaillé).
La quantité totale de chaleur nécessaire aux systèmes de chauffage actifs est de 9 286 kWh (25% de ceux de la maison de référence, au code). Une partie de l'explication de chiffres si bas est imputable aux gains passifs de chaleur solaire qui pénètre par les fenêtres, qui est de l’ordre de 4 306 kWh/année. En rassemblant ces chiffres, on constate que plus de 31% du chauffage total requis pour la maison est réalisée de manière passive!
J’ai parcouru juste assez de littérature sur le chauffage solaire passif pour savoir que c’est à peu près la limite maximale d’apport solaire que peut recevoir une maison si on veut éviter la surchauffe lors des jours ensoleillés. Notre étage supérieur atteint souvent des température de 30 degrés lors des journées particulièrement ensoleillées des mois de février et mars, et ce, même si le chauffage est éteint! Ce qui est tout de même bon pour le moral: rares sont ceux qui peuvent ouvrir les fenêtres et se promener en short l'hiver!
Cette faible consommation démontre également le taux de perte pouvant être attribuable à chaque composante de la maison. Il n’est pas surprenant que les murs hors-sols représentent la plus grande perte, faisant plus de surface que toute autre partie de la maison. La quantité de matériaux nécessaires pour couvrir cette large zone en a d’ailleurs fait l’une des composante les plus dispendieuses à améliorer côté performance.
Le second plus grand contributeur aux pertes de chaleur est l’infiltration d’air, évaluée à 2 783 kWh/année. Quand la maison était à moitié terminée, un test d’infiltrométrie a évalué l’étanchéité à l’air à 1,47 CAH @ 50 Pa. Mais la maison est probablement plus étanche aujourd’hui, alors que les murs sont fermés, et les pertes sont probablement inférieures à celles évaluées lors de la modélisation. Pour les détails d’enveloppe, voir ce billet, en anglais.
La dalle de béton et les murs de fondation, à 2 314 kWh et 1 435 kWh respectivement, sont les endroits où je souhaiterais avoir ajouté plus d’isolant. Mettre des couches supplémentaires d’isolant en mousse rigide n’aurait pas été plus difficile, ni vraiment plus coûteux, voir même plutôt rentable. Je suppose qu’un des avantages de cet écart est que les chambres en bas sont toujours plus fraîches en été, sans avoir recours à la climatisation, rendant le sommeil confortable et ce, même lors des jours de canicules.
Le pouvoir du soleil
Je voulais simplement répéter une fois de plus l’utilité du solaire actif et passif pour réduire le besoin d’autres sources d’énergie, généralement des combustibles fossiles. Si nous devions éliminer les gains solaires par les fenêtres et déconnecter les panneaux solaires, le modèle suggère que nous aurions besoin de 24 550 kWh/année de puissance, puissance qui serait comblée par 909 gallons de propane.
Et les modèles ci-dessus ne tiennent pas compte des nouveaux panneaux ajoutés l’automne dernier qui, avec l’installation d’origine, peuvent produire un total d’environ 9 850 kWh de puissance annuellement. Et comme mentionné plus haut, je suis en train de mettre sur pied un système permettant d’utiliser en grande partie l’excédent d’énergie électrique pour le chauffage des locaux en hiver et de l’eau chaude sanitaire en été. Si nous étions en mesure de mettre toute cette capacité excédentaire en utilisation, cela signifierait que nos besoins totaux de propane tomberaient à environ 9 074 KWh.
Étant donné que nous utilisons déjà beaucoup moins d’énergie que les modèles l’avaient projeté, mon espoir est de réduire ma dépendance au propane de 400 à 250 gallons ou moins l’année prochaine. Avec l’amélioration continue des technologies et la chute constante des prix, j'attends déjà le jour où, dans 15 ou 20 ans, il sera possible pour des maisons hors-réseau comme la nôtre de se départir totalement du propane, sans surcoûts. Je suis impatient d’arriver au jour où le soleil fournira l’énergie pour l’ensemble de mes besoins.
Notre maison se rapproche-t-elle des standards Passive House?
La maison passive standard a été l’une des inspirations pour notre projet. Cette norme limite réduit considérablement l’énergie nécessaire pour chauffer et alimenter une maison, limitant les besoins en chauffage à un maximum de 15 kWh/m2 par année (entre autres). Mais cette norme est très difficile à respecter dans le cas d’une maison unifamiliale située dans un climat nordique canadien. Même avec toutes les choses que nous avons faites pour construire une maison très performante, les modélisations nous situent à 47 kWh/m2 par année, soit près de trois fois le montant permis pour la certification PassiveHouse.
Les foyers qui ont obtenu cette certification au Canada sont bien peu nombreux, et plusieurs professionnels s’entendent pour dire que les exigences de chauffage ne représentent pas un objectif raisonnable dans notre contexte climatique. Originaire d’Allemagne, où le climat est plus clément, cette norme est plus appropriée.
Ici, les maisons qui poursuivent cette certification doivent avoir des murs d’environ deux pieds d’épaisseur! Pour nous, il était plus logique de construire une maison «assez bonne» puis de compenser la différence par des moyens tels que l’utilisation d’énergies renouvelables. À l’avenir, il sera certainement plus facile de satisfaire, et même dépasser le standard passif, les techniques de construction étant en constante amélioration et les innovations technologiques permettant de meilleurs produits.
Pour lire les autres billets de la série hors-réseau:
Vivre Hors-réseau 1: Construire et vivre dans une région éloignée
Vivre Hors-réseau 2: Générer de l’électricité
Vivre Hors-réseau 3: Les systèmes de chauffage
Vivre Hors-réseau 4: Les appareils et systèmes mécaniques
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