Après des mois d’analyses, Équiterre dévoile l’une des rares études à évaluer l'impact des matériaux de nos bâtiments, grâce à une analyse de cycle de vie des matériaux de la Maison du développement durable (MDD), en comparaison avec un bâtiment référence conventionnel. Cette évaluation s'est basée sur l'analyse des déclarations environnementales de produit des matériaux utilisés pour la construction.
Des chiffres probants
En termes normalisés, la Maison du Développement Durable s’avère 3,27 fois moins polluante que le bâtiment référence et plus performante dans 6 des 7 catégories d’impacts environnementaux évalués.
De plus, sur 50 ans, la Maison du Développement Durable émettra 9 434 tonnes de GES de moins que le bâtiment référence (l’équivalent de retirer plus de 2 245 voitures des routes, avec ce seul bâtiment).
Une question de structure: bois vs béton
Malgré la préférence d'Équiterre pour une structure en bois, chiffres à l'appui, l'équipe de réalisation en est venue à privilégier une structure en béton. Des données, construites à partir des méthodes de calcul du logiciel Athena et portant uniquement sur les impacts attribuables aux matériaux, illustraient qu’une structure en bois constitue une meilleure solution environnementale qu’une structure en béton. Deux des contraintes identifiées par l’équipe de conception ont joué un rôle prépondérant dans le rejet de l’option bois:
- le surcoût prévu associé à la mitigation incendie, qui s'élevait à 2 millions de dollars; il fallait choisir, financièrement parlant, d'investir dans des approches comportant des bénéfices récurrents (offerts par la structure en béton, tels que les stratégies d’efficacité énergétique) ou dans des approches de plus grande ampleur, mais à impact circonscrits dans le temps, relatives à la structure en bois. Compte tenu de la durée de vie d'un bâtiment, les avantages environnementaux d'une structure en béton comportant 25% de cendres volantes ont semblé plus intéressants.
- l’usage de formaldéhydes dans la colle des membrures en lamellé-collé; les architectes du projet ont affirmé à plusieurs reprises que les éléments structuraux en bois lamellé-collé disponibles au Québec à ce moment-là (en 2006) ne respectaient pas la condition de la version LEED® Canada-NC 1.0 (en vigueur au moment de la conception du bâtiment en 2006) qui excluait catégoriquement le bois composite contenant de la résine d’urée formaldéhyde ajoutée.
Finalement, la part du béton représente 60 % du total des émissions de GES attribuables aux matériaux de la MDD. Ce chiffre tient bien sûr compte du remplacement de 25 % du ciment du bâtiment par des cendres volantes et, en conséquence, est sans doute inférieur à celui d’un bâtiment conventionnel comptant moins d’ajouts cimentaires. L’Impact Estimator utilise 9 % d’ajouts cimentaires comme valeur par défaut pour le béton canadien.
Contexte politique et règlementaire : de plus en plus de bâtiments en bois d'envergure et exemplaires
Observons que la situation sur cette question a bien évolué depuis 2006! Aujourd'hui, on voit de plus en plus de bâtiments en bois d'envergure et exemplaires. Parmi eux, l'emblématique projet Arbora en bois lamellé-croisé signé Sotramont s'illustre. Ce complexe résidentiel et commercial, composé de 3 immeubles de 8 étages et 434 unités d’habitation, est en train de sortir de terre à Griffintown.
Ce type de projet qui met le bois à l'honneur est le fruit de la convergence de plusieurs récents facteurs favorables:
Évolution du contexte politique pour favoriser le bois dans les bâtiments de grande hauteur
Dès 2008, le gouvernement s'est engagé à promouvoir l'utilisation du bois dans la construction en mettant en place la Stratégie d’utilisation du bois dans la construction au Québec; depuis avril 2015, la Charte du bois, outil visant à accroître l’utilisation du bois dans la construction au Québec, est adoptée.
Révisée en mai 2017, la nouvelle mouture de la Charte du bois, continue de constituer un geste concret qui permet de lutter contre les changements climatiques, tout en créant des emplois et de la richesse dans les communautés forestières. Notons toutefois que, bien que la Charte favorise systématiquement le bois, elle demande aussi qu'une ACV comparative des matériaux de structure soit effectuée pour tous les projets de bâtiments financés partiellement ou totalement par des fonds publics, pour s'assurer que le bois présente bien le plus faible impact environnemental sur la durée de vie en service du projet.
Évolution du contexte réglementaire pour construire en bois et en hauteur
En août 2015, la Régie du bâtiment du Québec a mis en oeuvre de nouvelles dispositions permettant de construire un bâtiment à charpente en bois d’au plus 6 étages et publié des directives "déterminant les conditions permettant l’utilisation du bois en tant que matériau différent de ce qui est prévu par le Code pour la construction d’un bâtiment de plus de 6 étages" (RBQ).
Avec le Guide explicatif sur les bâtiments de construction massive en bois d'au plus 12 étages, "un bâtiment de construction massive en bois d'au plus 12 étages conçu et construit en respectant ces conditions est donc présumé atteindre les objectifs de la réglementation" (RBQ). Le Québec est devenu la première juridiction en Amérique du Nord à encadrer ce type de construction.
Industrie du bois : le Québec manufacture de nombreux produits de structure pour les grands bâtiments
Les manufacturiers du bois québécois et canadiens répondent présents à cette évolution et multiplient les produits de structure en bois adaptés à la construction en hauteur: panneaux de bois lamellé-collé, lamellé-croisé, et plus récemment panneaux massifs en contreplaqué ou panneau de bois laminé à chevilles (consultez bientôt notre article sur le sujet).
Confirmant l'essor de la construction en bois massif, un rapport canadien publié en 2021 révèle que la capacité de production de matériaux en bois massifs est au beau fixe. Consultez le bilan canadien et québécois de l'industrie des produits du bois.
Des bâtiments durables pour s'adapter aux changements climatiques
Dans son rapport, Équiterre rappelle que les bâtiments ont un impact environnemental majeur: ils utilisent 40 % de l’énergie consommée au niveau mondial et leur construction nécessite une quantité importante de matériaux (50 % de ceux produits sur la planète), équivalant à 3 milliards de tonnes de matières premières.
« Les résultats de cette analyse de cycle de vie démontrent que les bâtiments écologiques tels que la MDD tiennent effectivement leurs promesses environnementales. Nous souhaitons influencer et accompagner les décideurs immobiliers, chercheurs, étudiants et professionnels de l’industrie du bâtiment, pour les aider à faire des choix de matériaux et de technologies qui seront plus durables », explique Sidney Ribaux, directeur général d’Équiterre, qui a piloté le projet de la Maison du développement durable, premier bâtiment à avoir obtenu la certification LEED® Platine Nouvelle construction (NC) au Québec.
« Nous souhaitons que cette analyse réalisée à l’aide de l’Impact Estimator de l’Athena Sustainable Materials Institute puisse fournir des réponses et des pistes de réflexion aux professionnels de cette industrie en pleine mutation », ajoute Normand Roy, chargé de projets en bâtiment.
Les bâtiments durables jouent un rôle prépondérant dans l’adaptation aux changements climatiques et leur importance stratégique augmentera parallèlement à l’urbanisation croissante. Ils constituent une composante-clé de la productivité économique (usines, écoles, bureaux, commerces et hôpitaux) et une part importante de notre richesse collective. S’il s’agit d’un enjeu important sur lequel agir, le milieu du bâtiment devrait également y voir une opportunité d’affaires : en 2014 seulement, l’industrie du bâtiment durable a généré, au Canada, plus de 23,45 milliards $ en PIB, selon le Conseil du bâtiment durable du Canada.
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