De nombreux Québécois utilisent la combustion de granulés de bois comme chauffage principal; un mode qu'Écohabitation affectionne particulièrement. Mais l’hiver est à peine commencé que déjà, la biomasse semble difficile à trouver. Faut-il s’en inquiéter? 

Il y a eu une crise similaire en 2008-2009, causée par la crise économique de l’époque, un incendie dans une usine de production et un changement massif inattendu des systèmes de chauffage au mazout vers des poêles aux granules. Mais depuis, la situation est stable et l’approvisionnement ne cause généralement pas de problème.

Selon la région, il y aurait effectivement du retard dans les commandes et certains commerçants seraient régulièrement en rupture de stock. Martin Lambert, président d'Écosolaris, se dit surpris de cette rumeur :    « Du côté de Lanaudière, il ne semble pas y avoir de problème majeur. Il y a des granules en grandes quantités chez BMR et chez Mirabûches, à Mirabel. »

Chauffage aux granules - pénurie

En Estrie, la réalité semble tout autre. François Leclerc, chez Feu Vert Solution, sent bien la pénurie. « Ici, c'est dur de trouver des granules. Les ventes de poêles et de fournaises ont même diminué de façon tangible ces deux dernières semaines. Il semble y avoir des sacs chez Home Depot, mais du côté de RONA, un des plus grands quincaillers de la région, on n'en trouve plus du tout ». 

Alors que l’usine Granules LG, le principal fournisseur de pellets au Québec, est pointée du doigt, Ken St-Gelais, directeur général de l’entreprise, a fait le point à Radio-Canada le 24 octobre dernier. En bref, cette année, il y a bel et bien une rareté. La cause selon lui? L’hiver extrêmement rigoureux et très, très long de l’an passé. Les inventaires se sont rapidement retrouvés sous les seuils des années précédentes. Est-ce la seule raison expliquant la pénurie? Pour en savoir plus, Écohabitation a posé vos questions à divers producteurs et experts, pour dissiper les inquiétudes. 

1. La pénurie est-elle due à un manque de ressources, une baisse des matières premières? 

La réponse de François Mireault, directeur général chez Lauzon bois énergétique recyclé inc.: « Non, il n'y a pas de manque du côté des ressources. La faute vient des distributeurs. En avril 2014, nous avons contacté plusieurs grandes quincailleries afin de les inviter à passer leur commande rapidement. Mais comme la saison estivale était à leur porte, certaines grandes chaînes de distribution ont préféré remplir de barbecues et ensembles de patio leurs entrepôts. En général, les personnes en charge des commandes ne sont pas celles qui suivent le marché de l’énergie, et il n'y avait jamais vraiment eu de problème avant. C’est donc normal qu’il y ait eu une mauvaise gestion de leur côté. Plusieurs nous ont finalement rappelés en septembre, mais c’était trop tard. Les distributeurs qui ont signé des contrats tôt n’ont pas de problèmes d’approvisionnement! On verra sans doute un ajustement de ce côté-là dans l'année à venir. »

Réponse semblable du côté de Jean-François Bouchard, directeur des ventes chez Granulco : « Non, le problème n’est pas du côté des matières premières, ni du côté des producteurs. Il vient des détaillants qui n’ont pas su prévoir à l’avance. S’ils accumulaient les sacs de granules en été plutôt que de commander uniquement en septembre, il n’y aurait pas de problème de pénurie comme c’est le cas présentement. L’usine fonctionne à pleine capacité, à l’année longue. Il n’y a absolument pas de problème d’approvisionnement pour la matière première. Les détaillants ont mal planifié, ils ont appris, et l’approvisionnement devrait donc se normaliser l’an prochain. »

Au Québec, toutes les usines fonctionnent à pleine capacité. François Leclerc, de chez Feu Vert Solution, nous parle en chiffres : « Le Québec consomme en moyenne 60 000 tonnes de granules par année. Granules LG en produit près de 600 000 tonnes à elle seule ! Les petits producteurs (de plus en plus nombreux) ont de leur côté une capacité située entre 10 000 et 40 000 tonnes. Imaginez le potentiel ! ».

Puisque toutes les usines fonctionnent à capacité maximale et que la matière première ne manque pas, ce sera vraissemblablement aux quincailleries de revoir leurs modèles d'approvisionnement en biomasse. Elles devront passer leurs commandes en début d'année, plutôt qu'au début de la saison froide, comme elles le font généralement. 

2. S’il manque de granule, c’est qu’elle est envoyée en Europe et aux États-Unis!

Les producteurs ont effectivement des clients en Ontario, aux États-Unis et outre-mer, mais leur exportation est limitée. À ce propos, François Mireault, directeur général chez Lauzon bois énergétique recyclé inc., souligne : « Nous produisons des granules à l’année longue. Si les quincailleries ne veulent stocker des sacs pendant la saison morte, nous ne pouvons le faire à leur place en espérant qu'elles passent éventuellement une commande. Nous vendons donc les surplus aux État-Unis et en Ontario, mais ces marchés ne sont pas priorisés. Si un distributeur nous rappelle en septembre, car il est maintenant prêt à recevoir des granules, nous ne pouvons tout de même pas briser des contrats déjà en place, même au bénéfice d'une entreprise québécoise... ». 

De son côté, Granules LG a limité son exportation à 10% cette année, uniquement afin de garder ouvert un marché prometteur outre-mer. L’exportation ne serait donc pas en cause.

3. Que peut-on faire? Comment s'assurer d'un approvisionnement stable tout l'hiver?

Si l’hiver 2014-2015 n'est pas trop rude, tout devrait rentrer dans l’ordre rapidement. En attendant, les propriétaires de poêles aux granules peuvent s’informer auprès de leur commerçant sur les dates de livraison et s’approvisionner en petites quantités à toutes les semaines, à défaut de pouvoir faire des grosses réserves à l'automne.

Ken St-Gelais l'a mentionné dans son entrevue à Radio-Canada : « Plusieurs consommateurs de granules s’approvisionnent pour l’ensemble de leurs besoins en chauffage hivernal d’un coup, généralement à l’automne. Ce qui représente l’achat d’environ 150 à 200 sacs de granules. C’est énorme pour les détaillants qui ont déjà du mal à maintenir un minimum de sacs en stock! Les clients doivent donc rationner leurs achats. En répondant à une demande hebdomadaire, l'usine, qui fonctionne 7 jours sur 7, 24h/24, devrait parvenir à répondre aux besoins de tous ses clients. Par ailleurs, toutes les quincailleries sous mandat avec LG (Québec, Ontario, Nouvelle-Angleterre, Maritimes) reçoivent, et recevront tout l’hiver, des stocks sur une base hebdomadaire. Tous les clients auront le nécessaire pour se chauffer au cours de la saison froide. Il leur suffit de retourner s’approvisionner à chaque semaine!».

En plus de se rationner, il est possible de :

  • Contacter différents centres de distribution ou quincailleries. Si une grande chaîne est en pénurie, il est fort possible qu’une autre en offre en bonne quantité.
  • Contacter le département du service à la clientèle chez Lauzon bois énergétique recyclé. Il pourra sans doute vous orienter vers un distributeur près de chez vous qui a des granules en stock.
  • S'informer auprès d'une usine proche de votre domicile. Certains producteurs offrent la possibilité aux particuliers de s'approvisionner, en vrac, directement à l'usine. 

4. Si les granules viennent vraiment à manquer, y a-t-il des alternatives?

Peut-on mettre autre chose que des granules dans son poêle ou sa fournaise? Martin Lambert, d'Écosolaris, mentionne qu'il est possible dans certains cas d’utiliser du maïs ou des copeaux de bois en remplacement des granules, mais uniquement du côté industriel ou commercial.

Qu'en est-il du côté résidentiel? Feu Vert Solution nous éclaire : « Il existe des poêles ou fournaises hybrides, même du côté résidentiel. Nous en faisons par ailleurs la distribution. Elles peuvent brûler des copeaux de bois et du maïs, mais pas celui vendu en épicerie, bien sûr. Ça dépend des marques. Pour les fournaises non-hybrides, on ne peut malheureusement pas utiliser autre chose que des granules. J’ai fait moi-même des tests sur différentes fournaises avec du maïs, du blé, des noyaux de cerises et de l’avoine. Ça fonctionne très bien, surtout pour le blé. Mais, comme il faut extrêmement bien calibrer la fournaise (bon apport d’air, bonnes quantités, bonne sorte et bonne taille des matières premières), je ne conseille pas du tout aux propriétaires d’en faire l’essai à la maison. Au contraire. Ils pourraient briser tout le système. » Par ailleurs, Écohabitation ne recommande la combustion du maïs en aucun cas, notamment pour des raisons environnementales. 

D'autres questions récurrentes auxquelles nous avons trouvé réponse :

Devrais-je changer mon système de chauffage?

Non! Nous l’avons déjà mentionné, le chauffage aux granules est un des meilleurs choix à faire, autant du côté économique qu’environnemental. Puisque l’approvisionnement en granules ne devrait pas être un problème récurrent, pourquoi changer?

 

La pénurie va-t-elle faire augmenter les prix?

Non! Les prix ne devraient pas gonfler. Si c’est le cas, cela ne viendra pas des usines de production, mais des détaillants voulant gonfler leurs profits.

 

Y a-t-il du positif à retirer de tout cela?

C'est un problème qui a une solution toute simple : l'approvisionnement au bon moment! On ne devrait pas revoir de pénurie avant longtemps. Par ailleurs, pour François Leclerc, la pénurie pourrait créer de nouveaux marchés très intéressants. « Aux États-Unis, on peut distribuer directement dans les maisons, avec un minimum de trois tonnes par livraison. Mais pour que ce soit possible, il faut que l’équipement soit adapté. Au Québec, les gens n’achètent pas vraiment en vrac, parce qu'ils n’ont pas l’équipement nécessaire. Nous offrirons donc bientôt un silo de bonne capacité, en métal résistant au feu, afin que les propriétaires puissent stocker pour l’année leurs besoins en granules. Lorsqu’il y aura assez de clients équipés ainsi, nous pourrons livrer directement chez eux. La pénurie que nous vivons cette année pourraient accélérer le processus ». 

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