Prenant part un mouvement impulsé il y a plus de dix ans dans certains pays, provinces et métropoles, la Ville de Montréal sera prochainement dotée d'un Règlement sur la performance énergétique des bâtiments. Concrètement, la quantité d'énergie consommée par les grands bâtiments montréalais, ainsi que la source de cette énergie, devront être divulguées annuellement.
Cette nouvelle Réglementation est un engagement phare du Plan climat de la Ville, qui vise notamment la réduction de 55 % des gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030, en vue d’atteindre la carboneutralité en 2050.
Comment le Règlement sur la divulgation et la cotation des émissions de GES des grands bâtiments va-t'il s'appliquer ? Les bâtiments résidentiels sont-ils concernés ? Quelles sont les étapes suivantes pour imposer une meilleure performance énergétique aux bâtiments ? Toutes les réponses ici.
Divulgation de la consommation énergétique des bâtiments
Le Règlement montréalais déposé le 20 août 2021 pose les fondations d'une stratégie de réduction de la consommation énergétique des grands bâtiments de la métropole.
Les bâtiments, ces grands consommateurs d'énergie
Les bâtiments sont responsables de 26% des émissions de GES de la collectivité montréalaise (données 2017). Ce niveau d'émission n'atteint que 17 % au Canada et 10,8 % au Québec (données 2018) : s'attaquer aux émissions reliées au chauffage et à la climatisation des grands bâtiments en zone urbaine représente une action d'autant plus pertinente. De plus, le secteur bâti compte pour une part importante de l’utilisation de combustibles fossiles pour le chauffage : le mazout est bien dans la ligne de mire de ce nouveau Règlement.
Le Règlement, dont l'objectif final est donc la réduction drastique de la consommation des bâtiments, contribuera significativement à remplacer la plupart des équipements de chauffage et climatisation des bâtiments en fin de vie utile. Les systèmes fonctionnant à l'électricité plutôt qu'au mazout seront privilégiés.
Quels bâtiments sont concernés par le règlement de divulgation et de cotation énergétique de Montréal ?
Le Règlement de divulgation de la consommation énergétique s’adresse aux bâtiments existants des secteurs commercial, institutionnel et grand résidentiel multi logements. Le déploiement se fera en trois étapes :
- Dès 2022, les bâtiments municipaux de 2 000 mètres carrés et plus seront soumis au Règlement, et parallèlement, les bâtiments de 15 000 mètres carrés et plus.
- En 2023, le Règlement s’appliquera aux bâtiments de 5 000 mètres carrés et plus, ainsi qu’aux bâtiments de 50 logements et plus.
- Finalement, en 2024, la réglementation sera applicable aux bâtiments de 2 000 mètres carrés et plus ou de 25 logements ou plus.
Ces paramètres ont été déterminés en fonction du profil immobilier de Montréal ainsi qu’en harmonisation avec l’initiative en développement du Gouvernement du Québec. Ces secteurs offrent un grand potentiel de réduction des émissions de GES à court terme, tout en ayant un impact sur un nombre limité de bâtiments.
Divulgation des émissions de GES : combien de bâtiments montréalais sont concernés exactement par le Règlement ?
- En 2022, ce sont environ 500 très grands bâtiments (15 000 m2 et +) qui devront faire un rapport ;
- puis environ 2 000 grands bâtiments et multilogements de 50 unités et plus ;
- et les moyens multilogements comptant entre 25 et 49 unités, en 2023.
Les bâtiments dont l’utilisation prédominante est industrielle sont exemptés. Et pour ce qui est du budget, l’application du règlement se fera à même les ressources existantes de la Ville.
« Pour démontrer son exemplarité et ouvrir la voie à un plus grand partage d’information entre propriétaires, la Ville rendra disponibles de façon proactive, dès l’entrée en vigueur du Règlement, les émissions de GES de tous ses bâtiments de 2000 m2 et plus. » Communiqué de presse de la Ville de Montréal, 20 août 2021
Premier pas vers la cotation énergétique des bâtiments
Établir une échelle pour attribuer une cote de performance
Le système de divulgation et de cotation des émissions de GES permettra de mesurer les émissions de GES d'une année à l'autre, dans les bâtiments existants. Par ce biais, la Ville compilera les informations comparatives sur les émissions de GES et, sur cette base, il sera possible de bâtir une échelle permettant d’attribuer une cote de performance à chaque bâtiment.
Les collectées permettront aussi d'identifier les immeubles champions et pour accompagner ceux où les plus grands défis se trouvent. Un outil développé prochainement, assorti d'un soutien technique offert gratuitement par la Ville, fourniront les données nécessaires pour permettre aux propriétaires de bâtiments de cibler les améliorations prioritaires et d’investir stratégiquement en vue d’optimiser la performance de leurs immeubles. Les bénéfices des améliorations seront ainsi facilement mesurables.
Les avantages d'une cotation énergétique : accélérer le processus d'amélioration énergétique des bâtiments
Fruit d’une collaboration entre la Ville et le Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles du Québec, le Règlement sur la divulgation des émissions de GES annuelles constitue la première phase de déploiement d’un système de cotation et de performance.
La Ville de Montréal a annoncé que cette mesure a le potentiel de contribuer à 9 % de l’effort nécessaire de réduction d’émissions montréalaises d’ici 2030.
La mise en place d'une cotation énergétique constitue un levier pour faire évoluer le marché immobilier. Les principaux bénéfices associés à la divulgation des consommations énergétiques des grands bâtiments sont :
- d’améliorer la sensibilisation des propriétaires, des gestionnaires et des occupants;
- de leur permettre d'identifier les bâtiments peu performants ou de vérifier que leurs investissements en efficacité énergétique sont efficaces;
- de permettre aux autorités de cibler plus efficacement les politiques et programmes contribuant à atteindre les objectifs climatiques;
- d'inclure la performance GES dans les transactions immobilières;
- d’aider à créer des emplois pour les travailleurs qualifiés dans le domaine de la construction et de la rénovation écologique.
La Ville de Montréal souligne également les retombées positives pour les propriétaires, pour les locataires et pour la collectivité, dans la mesure où le Règlement permettra de suivre et évaluer de façon simple la performance de leurs bâtiments, et les comparer avec la moyenne des autres bâtiments de type similaire.
Bientôt une cote énergétique pour le Québec !
Tour d'horizon des systèmes de cotes énergétiques
Plusieurs États et Villes d'Amérique du Nord et d'Europe ont déjà adopté avec succès la cotation énergétique. L'État de Washington et la Ville de Washington DC font figure de pionniers dans la règlementation sur la performance des bâtiments. Puis dès 2010, les pays de l'Union européenne se sont engagés dans une règlementation exigeante de performance énergétique.
Par exemple, à New York, près de 40 000 bâtiments de plus de 2 300 m² (25 000 pi²) doivent afficher une cote énergétique allant de A à F basée sur leur cote ENERGY STAR, depuis le mois d’octobre 2020. La lettre A est attribuée aux bâtiments les plus performants, tandis que les bâtiments les moins performants reçoivent la lettre F. Les propriétaires et gestionnaires de bâtiments doivent entre autres fournir la consommation d’énergie et d’eau du bâtiment. Ce programme s’inscrit dans la politique de réduction des émissions de GES de la municipalité de New York (Source: Défi énergie en immobilier présenté par BOMA Québec).
Les Villes de Philadelphie, Boston, Chicago ou Pittsburgh, ainsi que l'État de Californie ont imposé une cote énergétique entre 2012 et 2016.
Parmi les initiatives canadiennes, citons la Ville de Toronto, d'Edmonton et de Richmond, et, ainsi qu’à l’échelle provinciale, l'Ontario, qui est passé à l'action en 2017.
Le Québec aura (enfin) sa cote énergétique dès 2023
Lors de la présentation du nouveau règlement, le Ministre de l’énergie et des ressources naturelles Jonatan Julien a affirmé que la Ville de Montréal ouvre la voie pour un tel système partout au Québec dès 2023, tel que prévu à son Plan directeur.
La Ville de Montréal affirme faire de ce système de cote énergétique pour les bâtiments « le plus ambitieux plan de performance climatique des immeubles en Amérique du Nord ». Cette vision s'appuie sur le potentiel offert par la réduction d'émissions de GES rendue possible avec la conversion des systèmes fonctionnant aux énergies fossiles vers l'hydroélectricité renouvelable.
Feuille de route pour la mise en application de la cote
Dans son Plan directeur en transition, innovation et efficacité énergétiques du Québec 2018-2023, TEQ commence à déployer le processus pour un système de cotation énergétique obligatoire pour les nouvelles constructions. Selon le Plan directeur, la cotation énergétique devrait se généraliser dans tout le Québec et être obligatoire pour les maisons unifamiliales (neuves ou reventes) en 2023-2028, soit environ 10 ans après l'initiation du projet
Cotation énergétique obligatoire: la vision d'Écohabitation
Introduction de l'évaluation des GES dans la cote énergétique: une excellente initiative
Écohabitation salue l'introduction de la notion de gaz à effet de serre dans l'évaluation de la cote énergétique des bâtiments ; il s'agit d'une orientation vraiment positive pour poursuivre la transition énergétique. Selon Emmanuel Cosgrove, le directeur d'Écohabitation, « la règlementation montréalaise représente vraiment un pas dans la bonne direction, notamment du fait qu'il sera désormais possible d'identifier les bâtiment consommateurs d'énergies fossiles. »
Un rendez-vous manqué pour l'interdiction du gaz naturel dans les nouvelles constructions
Cependant, pour accélérer la transition énergétique, le gouvernement municipal aurait pu traiter la question du gaz naturel renouvelable (GNR) de la même manière que celle du mazout. En effet, le gaz naturel est une énergie fossile. Bien qu'en théorie le GNR est carboneutre, la part renouvelable dans le gaz naturel distribué dans les réseaux de nos distributeurs n'atteindra que 10 % en 2030. Ainsi, 90% du gaz brûlé serait toujours d’origine fossile, provenant en très grande majorité du schiste, une énergie sale associée à de fortes émissions de GES.
Pour cette raison, Écohabitation et de nombreux organismes environnementaux considèrent que le GNR ne devrait pas être utilisé pour concurrencer l’électrification des équipements. environnemental. Une date limite pour l'installation de systèmes mécaniques approvisionnés au gaz naturel aurait pu être fixée, de la même manière que pour le mazout.
« Le Règlement sur la divulgation et la cotation des GES des grands bâtiments est une excellente mesure pour accélérer l'amélioration des constructions existantes, qui ont déjà occasionné un fort impact en termes d'énergie grise. » Emmanuel Cosgrove, directeur d'Écohabitation
Cote énergétique pour les bâtiments à Montréal et au Québec : quel système sera retenu?
Pour la suite, il sera être intéressant de voir si la cote énergétique Energy Star sera retenue (avec son outil de contrôle, d'évaluation et d'optimisation de la consommation d'énergie, le ENERGY STAR Portfolio Manager® de Ressources Natuelles Canada), ou si une cote énergétique spécifique va être mise sur pied pour le Québec.
Implications de la cote énergétique : quelles obligations d'amélioration pour les propriétaires ?
La cote énergétique a bien pour objectif de sensibiliser les propriétaires et d'accélérer l'optimisation énergétique des bâtiments. Mais des questions demeurent encore en suspend : lorsque la cote énergétique sera mise ne place, mais des actions incitant à l'amélioration énergétique seront-elles appliquées ?
« Divulguer les émissions de GES d'opération sur une base annuelle est bien, mais y aura-t-il obligation de diminuer ses émissions par rapport à l'année précédente? Ou un coût pour les GES émis ? » questionne Denis Boyer, ing. B.Sc., M. Ing., RCx, Coordonnateur en efficacité énergétique chez Écohabitation
Au-delà de l'énergie d'opération : l'énergie grise des bâtiments également prise en compte ?
Lorsqu'on parle d'empreinte carbone des bâtiments, on doit considérer l'énergie qu'il consomme pour le chauffage, la climatisation et la ventilation (l'énergie d'opération), mais également l'énergie grise, c'est-à-dire l'énergie consommée lors de la phase de construction.
Si on considère la vie utile d’un bâtiment, environ la moitié de son empreinte provient de l’énergie grise, et l’autre moitié provient de l’énergie d’opération. Ainsi, il est urgent urgent d’adresser le problème de l’empreinte carbone pour les nouvelles constructions et les rénovations majeures.
Écohabitation suggère donc que la cotation énergétique des grands bâtiments intégre l'évaluation des énergies grises.
Cote énergétique des bâtiments : et pour les petits bâtiments résidentiels ?
Si le projet pilote de cotation obligatoire annoncé en 2018 est bien appliqué aujourd'hui, soulignons que rien n'a été annoncé pour les petits bâtiments résidentiels. Les maisons unifamiliales et petits multilogements bénéficieraient grandement de ce système de cotation énergétique obligatoire, pour les nouvelles constructions ainsi que lors de la revente.
Rappelons que dès 2018, Écohabitation publiait dans son Manifeste pour un mouvement vers l'habitation durable son souhait qu'au Québec soit instaurée une cotation énergétique simple et obligatoire, dès la mise en vente ou location d'une habitation.
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