Il y a plusieurs semaines, Écohabitation a été contacté par les recherchistes de l’émission La facture de Radio Canada pour participer à un reportage sur deux maisons de St Mathieu du Parc. Ces maisons, selon les journalistes et les propriétaires étaient très mal construites en plus de se vanter d’être écologiques sans l’être.
En arrivant sur place, Emmanuel Cosgrove, directeur de Écohabitation constate que les vices des deux maisons sont réels mais réparables et pas catastrophiques. De plus, il indique à plusieurs reprises que les maisons ont effectivement été pensées pour prendre en compte plusieurs aspects écologiques : le solaire passif y est opérationnel, les matériaux utilisés sont régionaux, la construction s’est faite sur dalle flottante, permettant d’économiser du béton, et enfin, de gros efforts en matière d’efficacité énergétique y ont été investis.
Or, surprise, mardi, lors de la diffusion du reportage, tous les propos positifs que Emmanuel a tenu lors du tournage ont été coupés au montage et seules les parties négatives ont été conservées!
"C’est très choquant de voir ses propos déformés par une journaliste qui finalement avait son idée préconçue en tête avant même de commencer à tourner son reportage et a refusé d’entendre des aspects qui ne cadraient pas avec cette idée préconçue."
Apparemment, Nancy Desjardins tenait à réaliser un reportage choc, et les publicités qui ont précédé l’émission ont laissé l’impression que maisons écologiques riment avec malfaçon… Conclusion un peu hâtive non seulement quand on prend uniquement deux exemples parmi des centaines au Québec, et en plus quand les exemples en question sont loin d’être si cauchemardesques que ne le laisse penser le reportage.
Sur place, Emmanuel a constaté deux failles principales dans la maison : le fait que la maison a été construite avec du bois vert a entraîné un fort taux d’humidité dans la maison lors de la période de chauffage. Cela a fait bougé la structure de la maison, mais pas beaucoup plus que dans n’importe quelle autre maison construite selon cette technique. Apex, le constructeur des maisons, aurait intérêt a faire un peu plus sécher le bois utilisé pour la construction de ses maisons, c’est sûr, mais les conséquences ne sont pas si catastrophiques que le reportage le laisse croire.
L’autre faille importante des maisons est la mauvaise jonction entre le mur et le toit. Là encore, dans le reportage c’est montré comme si c’était une catastrophe nucléaire… Mais, une intervention importante permettrait de réparer cette erreur de construction. Par ailleurs, les moisissures dont il est question dans le reportage existent bien, mais on oublie de nous dire qu’elles sont situées du côté extérieur du pare-vapeur et qu’il n’y a donc aucun risque qu’elles dégradent la qualité de l’air dans les maisons…
Autre incohérence du reportage : le moment où M. Gauthier, le propriétaire d’une des maisons montre un carré dessiné de 69 pouces carrés et dit que ça correspond aux infiltrations globales de toute sa maison n’est absolument pas mis en contexte. En fait, ce carré a été déterminé par un test d’infiltrométrie. Ce que le reportage oublie de dire, c’est que dans le cas de maisons neuves classiques, ce carré serait bien plus grand!
Finalement, le reportage conclut qu’il faudrait des normes pour déterminer ce qu’est une maison écologique… Ils n’ont pas écouté la réponse balancée de Emmanuel quand il a répondu à cette question. Au contraire, construire écologique demande de faire des choix, de mesurer le pour et le contre, de s’adapter à son propre contexte : on ne peut donc pas normaliser ce type de construction. Ce serait comme de dire qu’il existe une norme pour un tee-shirt écologique : ça serait bien mais ça n’existe pas. Pour l’instant on a des tee-shirt faits avec du coton biologique mais on n’a pas de normes pour nous dire qu’il a parcouru tant de kilomètres en avion et a émis plusieurs centaines de gaz à effet de serre avant d’arriver au magasin et qu’il émettra aussi tant de gaz à effet de serre en fin de vie, quand il devra être éliminer. Tout ça, c’est à nous de le déduire en apportant une attention particulière aux étiquettes et en faisant des choix selon une série de critères différents qui seront classés selon un ordre de priorité différent d’une personne à l’autre.
C’est la même chose pour la construction de maisons écologiques. Il faut sans arrêt balancer ses choix selon plusieurs critères qui parfois s’opposent. Pour privilégier l’efficacité énergétique va-t-on devoir faire des concessions sur la provenance des matériaux ou sur la qualité de l’air? C’est probable et ça dépend tout le temps du budget qu’on a. Le principe des programmes de reconnaissance écologique comme LEED est donc de reconnaître des efforts dans plusieurs domaines différents et d’attribuer une note en fonction de ces critères. Une maison LEED n’est pas parfaite sur tous les plans écologiques mais atteint des niveaux de performance élevés dans plusieurs catégories environnementales comme la gestion de l’eau, de l’énergie ou des déchets. Créer une norme de construction écologique serait trop restrictif et ne permettrait pas de faire des maisons écologiques en grand nombre et accessibles à tous.
Le Nouvelliste a publié un article sur ce sujet suite au dépôt de la plainte de Apex auprès du Ombudsman de Radio-Canada.
Voir l'article au lien suivant : http://www.cyberpresse.ca/le-nouvelliste/actualites/200910/23/01-914229-apex-porte-plainte-a-lombudsman-de-la-src.php
UN REPORTAGE BIAISÉ QUI N'ÉCLAIRE PAS LES CONSOMMATEURS DÉSIREUX DE CONSTRUIRE UNE HABITATION ÉCOLOGIQUE
C’est toujours avec intérêt que j’écoute La Facture depuis plusieurs années. Mais votre récent reportage sur des problèmes rencontrés par deux propriétaires de maisons situées dans l’éco quartier de Saint Mathieu du Parc en Mauricie m’a déçu et même, choqué.
Ce reportage m’a déçu parce qu’il ne contribue pas à mieux informer le public et qu’au contraire, il ajoute même à la confusion ambiante sur ce qu’est ou n’est pas une maison écologique et sur le genre de problèmes que sont susceptibles de rencontrer les propriétaires de maisons neuves, écologiques ou non. Ce reportage m’a choqué parce qu’il repose sur une méthode de traitement de l’information tordue et indigne de Radio-Canada.
Commençons par ma déception. Je suis d’accord pour dire que le concept de « maison écologique » est extrêmement confus dans le grand public et que cela étant, le label du même nom peut être utilisé de façon abusive par certains. La question est de savoir si votre reportage contribue ou pas à faire la lumière sur ces ambiguïtés, s’il aide le consommateur à mieux s’orienter dans ses démarches visant à acquérir ou construire une telle maison. La réponse courte à cette question est NON. En fait, ce reportage ajoute à la confusion, ce qui n’est pas peu dire. Pour une émission qui se donne la mission de mieux informer les consommateurs, disons que vous avez manqué le bateau par plusieurs encablures!
Il se trouve que je suis propriétaire d’une maison écologique, certifiée NOVOCLIMAT au Québec et récemment certifiée LEED aux États-Unis (la norme canadienne n’était pas encore disponible au début de la construction en 2008). Il s’agit d’une première dans les Laurentides et une des (encore trop) rares maisons LEED au Québec. Comme j’ai participé de très près à toutes les phases du projet, y compris à sa construction, j’ai quelques notions de la chose...
D’affirmer comme vous le faite que : « Le problème, c'est qu'il n'y a aucune norme dans le Code national du bâtiment pour définir ce qu'est une maison écologique » ne fait aucun sens. Le code du bâtiment s’applique à toutes les constructions neuves, qu’elles se prétendent écologiques ou qu’elles soient tout simplement traditionnelles. Le code est au-dessus des labels qui peuvent caractériser une maison, un peu comme le code de la route est « au-dessus » des particularités des voitures et des conducteurs. On imagine mal le code de la route adopter des mesures spéciales pour les conducteurs de voitures hybrides... Ce n’est pas son objet. Les problèmes rencontrés par les consommateurs dans votre reportage résultent manifestement d’une mauvaise exécution et non pas du caractère écologique de leur maison. Vous auriez dû savoir, entre autres choses, que le code prescrit du bois sec, même si beaucoup de maisons (une majorité???) sont encore construite avec du bois vert. Bref, la qualité d’une construction ne se trouve pas dans son « label », mais dans sa conception et dans l’exécution des travaux.
Et à ce chapitre, contrairement à ce que laisse entendre votre affirmation, il existe bel et bien des normes qui peuvent nous aider à distinguer une véritable maison éco-énergétique ou plus globalement écologique d’une construction traditionnelle. Par exemple, la norme volontaire NOVOCLIMAT au Québec normalise l’efficacité énergétique et la qualité de l’air. Il existe également des processus volontaires de certifications de bâtiments écologiques très élaborés (LEED) qui sont devenus, aux États-Unis comme au Canada maintenant, des références incontournables. La construction des maisons certifiées est très encadrée et le consommateur peut y trouver, sinon une garantie tout risque - ce qui est impossible - un guide sûr et efficace pour s’assurer de la qualité de la construction de sa maison. Pour ma seule maison, une dizaine d’inspections ou d’expertises diverses ont eues lieu avant, pendant et à la fin des travaux. Cela dit, aucune construction neuve, écologique ou non, n’est à l’abri de vices de construction ou d’erreurs de conception ou d’exécution. Voilà pour la déception. Maintenant, voici ce qui m’a choqué...
La Facture excelle lorsqu’il s’agit de traiter de cas spécifiques de relations problématiques entre un ou des consommateurs et un ou des vendeurs ou fournisseurs de biens ou de services. Manifestement, votre reportage procédait de ce type de cas. Le problème survient lorsque, partant de quelques cas d’espèces, on généralise par association à toute une industrie. Qu’un acheteur d’assurance se sente floué par un courtier d’assurances, et que votre enquête indique qu’il y a eu effectivement malversations, ne vous autorise pas à porter un jugement sur l’industrie de l’assurance et tous ses membres!!! Cette analogie illustre le glissement de votre reportage : partant de deux simples cas de plaintes relatives à la construction de maisons, comme il s’en trouve probablement des milliers dans les dossiers actifs de l’APCHQ ou de Qualité Habitation Québec pour des maisons ordinaires, vous faites une association tordue avec la notion de maison écologique et, du coup, vous flouez et la construction écologique et tous ses artisans. Pas fort, comme résultat. Mon avis est que vous n’aviez pas ni l’expertise ni les évidences suffisantes pour porter de tels jugements ex cathedra.
Je continue de penser que, plus que jamais, les consommateurs québécois qui désirent construire écologique ont besoin d’informations fondées et de guides pratiques pour se démêler dans tous le fatras qui entourent la construction de maisons dites « vertes » . Votre émission peut et doit y contribuer. Mais pour cela, elle devra faire preuve de plus de rigueur et, par dessus tout, faire l’effort de dépasser l’information spectacle.
Pour ma part, sachez que je n’hésiterez pas à partager mon expérience et à faire en sorte de donner accès à celle des nombreux professionnels sérieux et engagés qui nous ont aidé, ma conjointe et moi, à construire une maison écologique de très haute qualité dont nous sommes très fiers.
Patrice Ouellet
Saint-Adolphe d’Howard
Quelques semaines après l’émission de la Facture, voici des éléments nouveaux à ajouter au dossier.
Tout d’abord, des ingénieursen structure mandatés par la garantie APCHQ ont rendus un rapport détaillé sur la maison qui confirme qu’elle a des failles structurales et que les mouvements et désaxements des chevrons au deuxième sont importants. Il faudra donc apporter des correctifs.
Par ailleurs, le test d’infiltrométrie indique 3.7 CAH à 50 pascals de pression pour la maison. C’est moins que dans une maison classique car selon un document de L'Agence de l'efficacité énergétique, dans les maisons unifamiliales existantes de la région de Montréal par exemple, on retrouve en moyenne 5 CAH. Par contre, ce résultat n’atteint pas l’exigence minimale de Novoclimat qui est de 2.5 CAH à 50 Pascals de pression. Les maisons LEED au Québec ont souvent des taux d'infiltration entre 0.5 et 2 CAH.
Au moins, l’APCHQ fera marcher le plan de garantie et les travaux de solidification de structure et de scellement ecoénergétique seront bientôt effectués sans frais additionnels pour le propriétaire.
L’histoire finit bien pour le propriétaire, espérons que cette expérience aura au moins montré l’importance de faire certifier sa maison selon des programmes de reconnaissance environnementale comme Novoclimat et LEED!
vous pouvez visualiser l'émission en suivant le lien suivant
http://www.tou.tv/la-facture/S2009E07