Ce qui suit est l’expérience personnelle vécue par Craig Anderson et sa femme France-Pascale Ménard pour réaliser leur projet de construction. Située sur un grand lopin de terre surplombant la rivière Gatineau, dans l’ouest du Québec, la maison explore les diverses options possibles pour une construction hors-réseau, chauffée de manière passive.
Cet article, écrit par Craig Anderson, adapté par Ecohome et traduit librement par Écohabitation, est le premier d’une longue série à venir. Il présente l’ensemble de ses recherches et décisions prises lors du long processus de construction. Vous pouvez lire ses écrits au complet (en anglais) dans son blog nommé Sunshine Saved.
Alors qu’Écohabitation fournit de nombreuses informations sur les diverses étapes de constructions d’une maison passive, nous croyons que de suivre ce projet, du début à la fin, fournira à nos lecteurs qui entreprennent le même défi de précieux renseignements, ainsi qu’une source de courage et d’inspiration.
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Construire une maison « verte » très efficace est un projet que je voulais entreprendre depuis de nombreuses années. N’ayant pas d’études formelles en architecture ni en science du bâtiment, je me suis alors plongé tête première dans la recherche sur le sujet. Mon apprentissage autodidacte aura finalement duré des décennies.
Je me rappelle avoir été totalement abasourdi quand je suis tombé pour la première fois sur des dessins de maisons super-efficaces des années 70, surtout ceux des maisons solaires passives d’alors. Ils présentaient plein d’idées nouvelles, telles que les murs trombes, l’usage de larges réservoirs d’eau en tant que masse thermique, les « Earthships » avec serres à l’intérieur, et bien plus. Il y avait également dans ces années de nombreuses expérimentations en cours dont l’objectif était de construire les maisons « vertes », innovantes, du futur. L’espoir était de réduire considérablement la quantité d’énergie utilisée à la fois pour construire et exploiter la maison. Cette expérimentation était nécessaire : elle a permis de relever de nombreuses choses qui ne fonctionnaient pas et qui provoquaient des problèmes, tels la moisissure et la surchauffe estivale.
Par la suite, même si ces expérimentations présentaient de nombreuses idées inspirantes, je voulais en apprendre plus. J’ai donc déniché des idées plus récentes, issues de travaux sur la conception solaire passive. Ces études diffusaient quelques-uns des meilleurs principes de conception pour tirer profit d’une source d’énergie gratuite: le soleil. Par le fait même, j’ai découvert le Passive House movement, en provenance de l’Europe, qui cherche à réduire la consommation énergétique globale grâce à modes de constructions particuliers tels que la super-isolation et la très haute étanchéité à l’air des bâtiments. La mise en œuvre de mon projet pouvait enfin débuter!
Des concepts de design intérieur
Si vous envisagez de construire une maison sur mesure, je vous recommande de commencer là où j’ai commencé, c’est-à-dire par faire une liste des choses dont vous avez besoin, de ce que vous souhaitez et des choses que vous ne voulez pas faire. Prenez également le temps de regarder de nombreuses photos. Mon album numérique d’inspiration a finalement regroupé plusieurs centaines d’images: ces exemples visuels nous ont beaucoup aidé à déterminer si nos idées pouvaient, ou non, fonctionner. Soyez également préparés à réviser votre liste selon le budget, la pratique, ou même selon votre nouveau niveau de compréhension du sujet. Notre liste initiale était celle-ci :
- 3 chambres, 2 salles de bain
- Belle véranda vitrée faisant face à la rivière
- Poêle à haute efficacité inséré dans un foyer de masse avec cheminée en grosses pierres
- Concept inversé avec espaces de vie à l’étage supérieur et chambres à l’étage inférieur
- Orientation solaire passive avec de nombreuses grandes fenêtres
- Compacité maximale, pour limiter les coûts et viser l’efficacité énergétique
- Super isolation
- Colombages et utilisation massive du bois naturel
- Design contemporain avec toit cathédrale à pente unique, de style hangar
- Design résilient, aux détails bien réfléchis et avec des composantes de haute qualité permettant à la maison de perdurer sur de nombreuses décennies
Une orientation permettant les gains passifs
La forêt entoure la maison de tous les côtés, avec une vue imprenable sur une petite vallée, au sud, et sur une partie de la rivière, à 150 pieds à l’ouest de la maison. Pour ériger la maison, nous avons opté pour une colline, en grande partie pour cette vue qu’elle offre. Elle propose également une excellente exposition au sud, ce qui permet des apports solaires passif et actif. L’endroit, sec et venteux, est moins peuplé de mouches que les lieux environnants. Le vents présentent tout de même une lame à double tranchant, puisqu’ils augmentent probablement les charges de chauffage en hiver et qu’ils nous permettent de regarder les arbres tomber sous les fortes bourrasques hivernales, à moins de 20 pieds de la maison.
Le faible déboisement effectué pour construire la maison et un jardin représente un peu moins de la moitié d’un acre (22 000 p2). Au nord, à l’ouest et au sud, la forêt est ainsi à moins de 20 pieds de la maison. Au sud-est, une cours herbeuse couvre le champ d’épuration. Finalement, à l’est, une zone de stationnement et des panneaux solaires, situés au nord de la zone, permettent de réduire l’ombrage produit par le couvert forestier. Contrairement à la plupart des maisons construites en face de l’eau, nous n’avons pas éclairci la forêt qui nous en sépare. Nous avons donc un écran visuel devant la rivière, ce qui rend le coup d’œil plus spécial au final.
L’enveloppe du bâtiment
Isolation
Quand j’ai commencé à calculer le niveau d’isolation nécessaire, j’ai regardé le système de certification des maisons solaires passives. Pour atteindre la certification Passive House, il y a une quantité d’énergie maximale à respecter pour le chauffage et la climatisation, soit 15 kWh/m² par année (environ le 1/10e d’une maison typique). La barre est donc vraiment très difficile à atteindre dans les climats froids, et nécessite une isolation démesurée.
Pour une maison comme la nôtre, les murs auraient nécessité 2 pieds d’épaisseur d’isolant, au lieu des 6 à 8 pouces habituels dans les constructions actuelles. Après avoir fait un peu de mathématiques, je découvrais qu'il s’avérait peu probable que l’investissement ne soit un jour rentabilisé. Nous nous sommes donc inspirés des principes de la certification, plutôt que de tenter d’atteindre ses cibles. Voulant balancer autant que possible les coûts et l’efficacité, nous avons finalement érigé des murs avec 15 pouces d’isolant.
Un autre élément utile à la science que m’a enseigné notre architecte Anthony Mach est la règle du 60-40-30-20. La règle propose de mettre R60 dans le toit, R40 dans les murs hors-sol, R30 dans les murs du sous-sol et R20 sous la dalle, ce qui est pratiquement ce que nous avons fait. J’ai vu plusieurs projets aux concepts similaires à ceux de la certification. On les nomme « the pretty good house » : une maison qui ne répond pas aux critères de la certification passive, mais qui peut tout de même couper de moitié, ou même de deux tiers la quantité d’énergie nécessaire pour se chauffer ou se climatiser.
Si vous êtes familiarisés avec la lecture de plans de construction, j’ai mis ici à votre disposition les plans finaux de la maison avec tous les détails de construction (en anglais). Il n’est pas pratique courante de partager ses plans, mais je ne suis pas très préoccupé par la copie potentielle de notre maison. Si vous souhaitez utiliser tous les détails de construction, faites!
Nous avons construit un plafond cathédrale avec pente simple de style hangar. En commençant par le haut, la toiture proprement dite consiste en une couche métallique installée sur des fourrures 1x4. Les fourrures sont placées sur un pare-eau/pare-glace et un revêtement en contreplaqué de ½". Sous le contreplaqué, se trouvent des fermes de toit de 3' de profondeur pour faire place à l'isolant. Dans cet espace, 3.5’’ d’isolant Roxul en natte couvrent l’ensemble du fond de la cavité du plafond.
De la cellulose en vrac a été soufflée par-dessus, remplissant l’espace restant de 3’’, et permettant ainsi d’atteindre environ R80 dans le plafond. Nous avions initialement planifié R60, mais l’espace permettant de mettre plus d’isolant en vrac, peu dispendieux et facile à installer, nous avons décidé d’apporter quelques mises à jours de dernières minutes lors de la pose. D’après la modélisation effectuée une fois la maison terminée, il s’avère que R60 aurait été suffisant, car seule une très faible proportion de perte de chaleur aurait été faite au niveau du toit, même à R60.
Derrière l’isolation se trouve un polyéthylène standard servant de pare-air et de pare-vapeur, prévenant tout mouvement d’air et contrôlant les déplacements d’humidité.
La finition intérieure consiste en feuilles de contreplaqué qui rendent le plafond vraiment joli.
Pour ce qui est des murs hors-sol, nous avons utilisé le mur double ossature. La structure de la maison est faite de 2x8 en bois, ce qui permet de supporter des murs principaux tout en laissant une cavité profonde pour l’isolation. Les cavités ont été remplies avec de l’isolant en natte Roxul. La laine minérale est utilisée pour ses performances et sa résistance aux parasites, à l’eau et au feu. Elle est facile à couper et installer, et elle conserve bien sa forme, pour une performance continue à long terme.
Du côté intérieur du mur en 2x8 a été posé un polyéthylène qui joue les rôles de pare-air et de pare-vapeur. Se trouve également à l’intérieur un mur utilitaire en 2x4 contenant tous les éléments de plomberie et de câblages (électriques et autres). Ce mur est également isolé avec des nattes Roxul. Des panneaux de gypses standards couvrent finalement l’intérieur des murs. Un des grands avantages du mur utilitaire consiste au fait que les ouvertures nécessaires pour faire passer les câbles, tuyaux et autres ne percent jamais le pare-air!
À l’extérieur de la paroi en 2x8, on retrouve une couche de contreplaqué et 1’5’’ de ComfortBoard de Roxul (panneaux isolants rigides de laine de roche). En enveloppant tout le mur dans de la laine minérale, on empêche les ponts thermiques qui auraient normalement pris place aux travers de l’ossature de bois (qui est un mauvais isolant en comparaison à la laine de roche qu’il maintient en place).
Finalement, l’extérieur du mur est pourvu d’un pare-intempéries maintenu en place par des 1x3 en bois, qui permet la circulation d’air et le drainage de l’eau. Un parement en ciment de la marque Hardie est posé dessus. Au total, les murs atteignent une isolation de R47.
Pour les murs de fondation, qui ont une hauteur de 5' à 6' sur les deux côtés du sous-sol, l'assemblage final est plus simple. À l’extérieur, il y a un 2’’ de polystyrène expansé rigide (PSE), et une jupe de 4’ du même matériau, enterré à environ 1 pied de la surface.
La jupe freine la capacité de la chaleur à passer de sous la maison, à travers le sol, vers l’extérieur. Sous le PSE, une membrane imperméable à l’eau est collée sur un mur de béton épais de 8’’. À l'intérieur du mur de béton se trouve une autre couche de 4" de mousse PSE, avec la barrière en polyéthylène du côté intérieur. Vient en dernier une couche de gypse sur de la fourrure. L’assemblage complet donne R26.
Sous la dalle de béton, on a posé 4’’ d’isolant rigide PSE pour un total de R16. D’autres détails de finition peuvent vraiment aider à réduire les charges de chauffage au sous-sol. Par exemple, la dalle est encastrée de tous côtés dans 3 pouces de mousse isolante, qui descend des murs de fondation. La dalle « baigne » dans un bain de mousse isolante. Ceci a pour effet de réduire considérablement les ponts thermiques et rend la diffusion de la chaleur au travers du sol et des murs plus lentes.
Fenêtres
Toutes les fenêtres de la maison ont des cadrages en fibre de verre, un triple vitrage avec gaz argon; leur valeur isolante est d’environ R5. Les fenêtres orientées au sud ont été choisies pour favoriser les gains solairs passifs, alors que les fenêtres orientées dans les autres directions offrent une meilleure isolation.
On choisit un SHGC (Solar Heat Gain Coefficient) bas lorsqu'on veut éviter la surchauffe et un SHGC élevé lorsqu'on veut profiter de l'énergie gratuite du soleil pour chauffer. Il y a cependant un compromis à faire : plus le SHGC est élevé, moins la performance isolante de la fenêtre est élevée. C'est pourquoi on choisit du vitrage différent selon l'orientation!
Les fenêtres au coefficient élevé permettent à environ 50% des rayons lumineux de pénétrer, alors que celles avec un coefficient bas n’en permettent qu’environ 30%.
Une chose intéressante à saisir dans le concept solaire passif est qu’une grande partie de la charge de chauffage provient des fenêtres. Les modélisations énergétiques démontrent que près de 30% de la chaleur totale fournie à la maison provient en fait passivement du soleil.
Étanchéité à l'air
L’ultime chose à mentionner lors de l’examen de l’enveloppe est son étanchéité à l’air. Jusqu’à récemment, on entendait souvent dire que la maison devait « respirer », mais ces idées ont depuis longtemps été discréditées. Les constructeurs qui visent la qualité cherchent maintenant à construire des maisons aussi étanches que possible. L’air frais provient plutôt d’un appareil tel que le VRC (ventilateur récupérateur de chaleur).
L’étanchéité est mesurée en changements d’air à l’heure à 50 Pascal (CAH @ 50 Pa). On mesure donc le volume total d’air intérieur d’un bâtiment et combien de fois en une heure cette quantité d’air est remplacée, dans une maison dépressurisée à 50 Pa. Les vieilles maisons qui fuient peuvent avoir un CAH d’environ 10 et même beaucoup plus, alors que la règle des maisons passives vise 0,6 CAH ou moins.
Notre maison, une fois le pare-air en place et avant la fermeture des murs, obtenait un score de 1,47 CAH au test d’étanchéité. La maison est probablement beaucoup plus étanche à l’air maintenant que les murs sont fermés, que le calfeutrage est posé et que les panneaux de gypses sont scellés. Nous n’avons à ce jour pas eu le temps de procéder à un deuxième test pour vérifier le score final.
Pour une meilleure idée de la construction, vous pouvez regarder cette vidéo en “fast track” qui débute avez la mise en place des murs et des fermes de toit (vidéo créée par nos constructeurs Stephane Charette de Bala Structures – il est le seul à chanter aussi bien!).
Autres assemblages
Je dois avouer que le travail effectué par les constructeurs en haute-efficacité énergétique présente des méthodes toujours plus simples et moins dispendieuses d’atteindre des maisons hyper performantes. Même aujourd’hui, moins de 2 ans après que notre maison ait été achevée, il y a plusieurs chose que nous aurions pu faire différent pour faciliter la construction et sauver des sous.
Un grand nombre de ces innovations apparaissent sur le site du Green Building Advisor, duquel je suis un lecteur assidu. Un autre bel exemple vient d’Écohabitation et Ecohome, où travail Mike Reynolds, notre certificateur LEED. Leur récent projet, la Maison Edelweiss, est nettement plus efficace que notre maison, et a également été moins chère à construire puisqu’ils l’ont érigée avec des murs standards en 2x6 et beaucoup d’isolation extérieure. Inutile de spécifier que, si la maison que nous avons construite est très performante, il y a de nombreuses bonnes techniques de constructions qui permettent de créer des enveloppes à haute performance.
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Note de l’éditeur : Nous apprécions la mention et sommes très heureux de la performance de la Maison Edelweiss, mais tout comme Craig, après en avoir érigé les murs, nous avions déjà des idées d'amélioration. Si, une fois la maison terminée, il n’y a rien que vous auriez aimé faire autrement, c’est sans doute parce que l’expérience ne vous aura rien appris. Chapeau à Craig et Bala Structures pour une construction vraiment bien pensée et exécutée.
À noter également, Craig Anderson n’est pas seulement un lecteur de Green Building Advisor, il en est également un contributeur. Son blog est une ressource précieuse pour leurs lecteurs.
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