Un lotissement + un espace naturel protégé : voici ce que proposent les projets immobiliers québécois que nous avons radiographiés, à la manière du « Design de collectivités durables » (DECOD) mis en oeuvre au Nouveau-Brunswick. De l’étalement résidentiel teinté d’écologie, qui pousse à l’utilisation abusive de la voiture? Non, répondent les concepteurs de ces quartiers; c’est simplement la meilleure façon d’empêcher les promoteurs conventionnels de saccager boisés et autres zones humides. Tour d’horizon à travers trois types de lotissements différents.

1. Des écoquartiers qui préservent les écosystèmes

Jusqu’à 70 % d’espace naturel laissé intact, un regroupement d’habitations écologiques peu gourmand en espace, le tout proche d’une ville ou d’un village.

L'Écodomaine des Forges © Nouvelle Conscience des Forges
L'Écodomaine des Forges © Nouvelle Conscience des Forges

- L’écovillage des Côteaux du Lac, proche d’Eastman en Estrie, comprend 20 maisons écolos sur un terrain de cent acres… dont 55 ont été remis à une Société de conservation locale! Le promoteur, Michel Descoteaux, a convaincu le vendeur du terrain de mettre à l’abri cette zone particulièrement riche en biodiversité. Et le vendeur a bénéficié d’un crédit d’impôts pour don écologique. Une démarche rare, mais pas complètement exceptionnelle...

- Alain Chagnon, promoteur du Vertendre, un développement résidentiel et touristique en Estrie, a choisi de n’utiliser que 59% de ses 1100 acres. Une servitude de protection a été mise en place pour les 41% restants, en attendant de céder cette forêt ponctuée de zones humides à une fiducie de conservation, afin d’assurer la pérennité de la protection. Le modèle de développement du Vertendre préserve le couvert végétal, grâce à un réseau de routes étroites desservant plusieurs maisons groupées. Pour amplifier le sentiment de vivre en pleine forêt, les lots sont entourés de bandes riveraines vertes intouchables.

- A deux pas de Trois-Rivières, dans le quartier Écodomaine des Forges, les promoteurs ont décidé de protéger 51% de leur terrain, dépassant ce qui était prescrit par la ville. Un véritable petit écrin de nature de 41 acres dont la coopérative d’habitants sera bientôt propriétaire. Steve Abran, un des promoteurs du quartier, est convaincu de la nécessité de préserver cette forêt d’arbres matures, non seulement pour assurer une qualité de vie aux habitants, mais aussi pour la retirer à la spéculation immobilière et en faire un bien collectif.

- La démarche la plus spectaculaire est celle de Terra Vie, un futur écovillage des Laurentides (Montcalm) dont les fondateurs ont choisi de préserver 66% du terrain (176 sur 267 acres), une forêt avec rivières et cascades aujourd’hui doublement protégée : par un acte notarié, et par le ministère de l’Environnement, à perpétuité! La terre conservée, ouverte au public, sera bientôt aménagée avec sentiers et centre d’accueil. Le projet de l'écohameau de Rawdon, dans Lanaudière, suit le même chemin.

© Thellend et Fortin Architectes
L'Écodomaine du Cerf © Thellend et Fortin Architectes

Qu’on ne s’y trompe pas : ces projets hors-normes exigent des démarches administratives souvent interminables. Mais les bénéfices collectifs sont là. La forêt de 10 acres de l’Écodomaine du Cerf, un développement de 20 maisons écologiques à Val-David dans les Laurentides, suscite l’emballement local. Elle est entretenue aussi bien par les résidents que par les voisins. 

2. La nature protégée… et très privée

De beaux chalets dispendieux installés sur de vastes parcelles, avec un espace protégé exclusif.

« Via Sauvagia », un domaine de 117 hectares, occupe la Montagne Sauvage, entre Sainte-Adèle et Val Morin (Laurentides). 267 propriétés vont sortir de terre d’ici 5 ans, dont une majorité de condos et de maisons jumelées et « de ville », tandis qu’une petite centaine d’unifamiliales isolées occuperont des terrains allant jusqu’à 5 acres. La montagne était jusqu’alors vierge de tout développement. De cette sauvagerie bien nommée, que va-t-il rester? « 80 à 85% du couvert forestier sera maintenu », assure un des promoteurs, Yves Simard. Et comment ? « 14 hectares, qui comprennent des zones humides, sont protégés dans la déclaration de copropriété. Tous les arbres abattus sont progressivement replantés. Les résidents ne pourront déboiser que 20% de leur terrain, et nous demanderons des modifications de zonage pour que cette interdiction soit pérennisée », énumère-t-il.

- Du côté du plus petit Domaine Lafayette, entre Bedford et Saint-Armand dans les Cantons-de-l’Est, au bord du Lac Champlain, on retrouve ces chalets contemporains et haut de gamme posés au milieu de leurs parcelles. Sur ces 25 acres, neuf vont être protégés, là aussi par un acte notarié. Particularité : le domaine fait partie de la réserve ornithologique de Philipsburg. « On aurait pu tout lotir, on a choisi de n’implanter que 7 maisons et de créer un parc collectif géré par les copropriétaires », explique Thanh Nguyen, co-conceptrice. A Via Sauvagia comme au Domaine Lafayette, les espaces naturels ne seront accessibles qu’aux habitants. Via Sauvagia disposera même d’un petit centre de ski exclusif.

 

3. Des quartiers suburbains qui créent la biodiversité.

En banlieue, protéger la biodiversité tout en maintenant une bonne densité d’habitats est un enjeu complexe.

Le futur quartier Chambéry à Blainville © Groupe Platinum
Le futur quartier Chambéry à Blainville © Groupe Platinum

- À Blainville (Basses-Laurentides), 50 000 habitants, le nouveau quartier résidentiel nommé Chambéry va disposer de 50 hectares de forêts protégés et valorisés, offrant un lien naturel privilégié entre la forêt du Grand Coteau, dans la ville de Lorraine, et les grandes tourbières de Blainville. Les rues et grappes de maisons ont été dessinées pour conserver le maximum de couvert végétal. Un choix engagé dans l’un des derniers secteurs qu'il restait à urbaniser. La ville a réuni tous les départements de l’administration municipale, ainsi que le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, et consulté largement les citoyens, afin d'élaborer un plan directeur. Le vaste espace appartenait à 77 propriétaires différents!

- Sur l’Ile de Montréal, dans l’arrondissement de Lachine, un projet résidentiel original et écolo, Petite-Rivière (24 hectares), tente de se faire entendre. Il s’agit de redonner à la nature le terrain de golf de Meadowbrooke, tout en construisant un écoquartier modèle de 1900 unités. « L’empreinte au sol des habitations ne serait que de 14%, explique Suzanne Deschamps, du groupe Pacific. Biologistes, botanistes et spécialistes en foresterie sont venus voir de quelle manière on pourrait régénérer la biodiversité. » Une rivière aujourd’hui enterrée serait mise à découvert pour sillonner tout le site. « Nous aimerions que cet espace soit public, entretenu par la ville, une fondation ou un OBNL », précise-t-elle. Mais la route est longue. D’un côté, des opposants… écolos, qui veulent rendre à la nature l’intégralité du site. De l’autre, la ville de Montréal, dont les règlements pour cette zone, avec rues larges et stationnements multiples, s’accommodent mal du projet vert de Suzanne.

 

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Cet article a fait l'objet d'une publication dans "La Maison du 21è siècle".