Nous vivons quand un coin du monde où l'eau est abondante et cela nous donne l'impression que l’eau potable ne manquera jamais... et nous voilà consommant allègrement 400 litres d'eau potable par personne et par jour ! C'est plus que la moyenne canadienne et bien plus qu'en Europe (150 litres en France, où il faut payer pour utiliser l’eau potable, ce qui permet certainement de réduire la consommation quotidienne). De quoi saturer les réseaux municipaux et les usines d’épuration !
- Cadres gouvernementaux
- Outils d'urbanisme et règlementation
- Subventions et incitatifs financiers
- Communication et sensibilisation
Cadres gouvernementaux de l'utilisation de l'eau potable
C’est la Loi sur la qualité de l’environnement qui encadre les municipalités dans le domaine de la gestion de l’eau potable à travers le Règlement sur la qualité de l’eau potable. En parallèle, le gouvernement du Québec s’est également muni, en 2011, d’une Stratégie québécoise d’économie de l’eau potable. Elle prévoit de l'aide financière aux municipalités, conditionnelle à l'adoption de cinq mesures d'économie d'eau et de réduction des fuites. Dans ce cadre, mettre en place des outils réglementaires ou publicitaires constitue un point de départ fondamental pour une action en la matière.
Par contre, afin de répondre aux objectifs visant une réelle économie d’eau potable, la Stratégie québécoise propose des mesures plutôt conservatrices. Voici donc des suggestions ambitieuses, mais réalistes, que pourraient adopter une municipalité afin de réduire la consommation dans le secteur résidentiel :
Les outils d'urbanisme et la règlementation entourant la consommation d'eau
Le règlement de construction
En vertu de la Loi sur les compétences municipales, une municipalité peut adopter des normes supérieures au code de construction, notamment en matière d’utilisation optimale de l’eau potable.
Le règlement de construction peut alors être utilisé comme levier afin d’en réduire la consommation.
Le règlement de construction peut s'appliquer sur tout le territoire municipal ou sur certaines parties, ne demande au départ que très peu d’investissement et peut intégrer des exigences telles que:
- L’obligation d’installer des aérateurs à tous les robinets, des toilettes et/ou des pommeaux de douches à très faible débit pour toute nouvelle construction [ou rénovation].
Étude de cas
Plusieurs municipalités ont inclue ce genre de règlementation ; Une toilette, un robinet intérieur et/ou une robinetterie de douche dans un nouveau bâtiment ou lors de travaux de modification ou de rénovation impliquant son remplacement, doit fournir un débit d’eau d’au plus 6 litres par chasse d’eau pour la toilette, un débit d’eau d’au plus 5,6 litres par minute pour la robinetterie intérieure, et un débit d’eau d’au plus 6,6 litres par minute pour la robinetterie de douche.
Il est important d’inclure des quantités dans ce genre de règlement afin d’éviter les débats d’interprétation. Il est également possible de fournir une définition de « faible débit » avec un tableau contenant les débits pour chaque installation.
Écohabitation conseil d’utiliser les mesures fixées dans les crédits 3.3 GEÉ de la certification LEED pour les habitations : “Le débit moyen de tous les robinets de lavabos doit être ≤5,6 LPM ; le débit moyen de toutes les douches doit être ≤ 6,6 LPM ; Le débit moyen de toutes les toilettes, y compris les toilettes à double chasse doit être ≤ 4,1 LPF et le débit moyen de toutes les toilettes, y compris les toilettes à double chasse, doit être ≤ 4,9 LPC et être conforme aux exigences nord-américaines pour les toilettes.
Il est également possible d’indiquer aux citoyens l’importance de choisir du matériel certifié WaterSense, une certification facilement identifiable par son logo et validée par des tests indépendants pour rencontrer une efficacité et des critères de performance EPA (US Environmental Protection Agency).
Le règlement sur l’utilisation et la tarification de l’eau potable
Celui-ci peut contenir des exigences telles que :
- L’obligation d’installer des compteurs d’eau pour toute nouvelle construction et mettre en place un système de tarification progressif (avec consommation de base gratuite et compteur offert par la municipalité, par exemple) ;
- L’installation de compteurs d’eau sur les réseaux municipaux aux entrées et sorties de zones résidentielles afin d’évaluer la consommation totale.
Une tarification progressive par tranches peut être très intéressante. Elle pourrait comprendre, par exemple, une première fourchette de consommation d’eau gratuite, puis la facturation de chaque litre supplémentaire au volume d’eau-seuil. Jumelée à des hausses de prix, l'installation de compteurs d'eau dans les maisons entraîne généralement des baisses de consommation, les économies les plus fortes étant enregistrées en été, selon Environnement Canada. Dans tous les cas, Écohabitation conseille de mettre en place des tarifs fondés sur le volume, plutôt que des frais mensuels fixes.
L’installation de compteur d’eau peut être impopulaire, voire redondante (du fait des taxes municipales qui comptabilisent déjà les frais de production et de traitement de eaux). La Coalition Eau secours soutient que la simple installation de compteurs d’eau n’a pas d’impact significatif sur le volume de consommation dans les résidences et demande une gestion très importante.
L’organisme privilégie plutôt d’autres moyens que l’installation de compteurs d’eau résidentiels, des moyens tels que la sensibilisation et la réglementation. Pour plus d’information sur leurs conclusions vous pouvez consulter ce lien
Le règlement sur la tarification de l’eau par la taxe foncière
La tarification par une taxe foncière ou par impôt foncier permet de répartir les charges en fonction de la superficie du terrain, de la présence d’une piscine et de la superficie de la résidence, trois paramètres pouvant être associés à une plus grande consommation d’eau. Ce système de tarification de l’eau est généralement perçu comme équitable et permet d’éviter la gestion complexe des compteurs et ses frais relatifs.
L’interdiction de l’arrosage des jardins avec de l’eau potable
Au printemps et à l’été, l’usage extérieur de l’eau peut représenter 50% de la consommation résidentielle. S’il est nécessaire de sensibiliser la population aux bénéfices d’aménagements paysagers écologiques, il est également possible d’intervenir au niveau des périodes, durées et débits des arrosages extérieurs.
La réglementation pourrait être assortie d’amendes suffisamment élevées pour être dissuasives (par exemple, 25$ à la première infraction et 100$ pour les récidivistes). Cependant, cela nécessite du personnel et représente des coûts.
Les municipalités peuvent déterminer des secteurs de la municipalité pour lesquels l’arrosage est permis les journées paires/impaires du calendrier. Mais attention, cette option peut rendre l’inspection fastidieuse. En délimitant plutôt des zones précises et leurs journées d’arrosage, il peut être plus simple de procéder à l’inspection.
Le règlement sur les plans d'implantation et d'intégration architecturale (PIIA)
Certaines zones patrimoniales, avec un attrait environnemental particulier ou les quartiers à bâtir peuvent nécessiter une attention particulière. Pour ces territoires, il est possible de bien guider les aspects environnementaux désirés grâce à une série de critères dans un règlement sur les PIIA. Ce dernier doit, entre autres, déterminer les objectifs applicables à l'implantation et à l'architecture des constructions ou à l'aménagement des terrains, ainsi que les critères permettant d'évaluer la réalisation de ces objectifs. Parmi ces objectifs et critères d’évaluation, on peut proposer :
- L’obligation d’utiliser des variétés de gazon à faible demande en eau, en pesticides et herbicides. Les espèces indigènes répondent mieux à ces critères que d’autres types de plantes.
- L’interdiction de poser du gazon traditionnel : il nécessite une forte demande en eau et pesticides (variété Poa pratensis classique, type Kentucky Bluegrass).
- L’utilisation des systèmes d’irrigation à haute efficacité ou des systèmes d’irrigation n’employant pas de l’eau potable.
Ces options permettent de réduire considérablement la quantité d’eau utilisée pour l’arrosage et sont généralement bien perçues par les citoyens.
SUBVENTIONS ET INCITATIFS FINANCIERS
Une nouvelle mesure municipale annonciatrice de changements dans les habitudes des citoyens est la plupart du temps mieux acceptée lorsqu’elle est introduite via des subventions. Un incitatif financier ou matériel, même symbolique, permet souvent plus d’ouverture aux différentes problématiques, et génère plus facilement mobilisation et motivation autour de l’enjeu environnemental. Par exemple :
- Subvention à l’achat et installation d’appareils à (très) faible débit d’eau
Inciter le recours à des appareils à faible débit d’eau (toilettes, robinets, pommeau de douche) est sans conteste un incontournable pour les municipalités : cette mesure est largement plébiscitée pour son niveau d’acceptabilité auprès des citoyens, la simplicité de son application, et son efficacité instantanée.
S’il est aisé d’imposer ces appareils dans un règlement de construction, il est également possible d’offrir, dans un premier temps, une subvention.
Il est fondamental de bien préciser le débit des appareils désignés pour la subvention (référez-vous à l’encadré portant sur les débits).
Il est possible d’encourager l’économie locale en indiquant comme condition à la subvention que l’appareil à très faible débit soit acheté dans des commerces situés sur le territoire de la municipalité. (Voir la subvention de la Ville de Ste Martine - Montérégie).
- Subvention à l’achat de barils de récupération des eaux pluviales
Une mesure commune à plusieurs municipalités concerne un programme de subvention à l’utilisation de barils récupérateurs d’eau de pluie. Les résidents des municipalités participant à cette initiative peuvent, souvent par le biais du Fonds Éco IGA, se procurer des barils récupérateurs d’eau de pluie à un prix réduit de 20 $ à 30 $ au lieu du prix régulier de 100 $. S’associer avec un organisme ou un commerce local auquel les citoyens peuvent se rendre facilement est un moyen efficace de promouvoir ce type de pratique.
La ville de Victoriaville propose une rétribution financière allant jusqu’à 3 000 $ pour des écogestes au travers du volet rénovation de son programme Victoriaville Habitation Durable. Parmi ces écogestes, l’installation d’un compteur d’eau à des fins d’information et d’éducation est remboursée jusqu’à hauteur de 60 $, en plus d’être fourni gratuitement.
Dans ce contexte, les résidents fixent eux-mêmes leurs objectifs de consommation et font le suivi de leurs habitudes.
COMMUNICATION ET SENSIBILISATION
Si vous pensez que ce type de subvention est la meilleure méthode, vous devez savoir qu’une bonne communication sur les pratiques recommandées en matière d’arrosage (méthode, heure, durée, etc.) aura probablement plus d’impact. En effet, la capacité d’un baril d’eau de pluie n’est souvent pas suffisante pour arroser entièrement et régulièrement un jardin. Une pelouse bien implantée a en général besoin d’environ 2,5 cm (1 po) d’eau par semaine pour bien pousser (SCHL), soit, pour un terrain de 3000 pieds carrés, 700 litres par semaine. Sachant qu’un baril d’eau de pluie* contient en moyenne 200 litres et que les pluies estivales ne sont pas toujours hebdomadaires, le recours à l’eau potable est presque inévitable.
*La capacité d’un baril d’eau (Environnement Canada) de pluie est d’environ 10 minutes d’arrosage avec un débit de 19L/minutes
Qu’elles soient utilisées seules ou en soutien à une règlementation ou des subventions, la communication et la sensibilisation en matière d’environnement sont fondamentales, particulièrement pour inciter à réduire la consommation en eau potable. Utilisez plusieurs méthodes combinées :
- Publications sur le site Internet de votre municipalité;
- Rédaction d’articles dans le journal municipal;
- Dépliants disponibles à l’hôtel de ville ou distribués lors d’événements publics;
- Affiches de sensibilisation dans la ville;
- Patrouille d’arrosage, pour sensibiliser ou s'assurer que la réglementation municipale en matière de consommation d'eau potable est respectée. Les patrouilleurs peuvent avoir le rôle d’émettre des constats d'infraction aux contrevenants. Cette surveillance serrée peut être réalisée par des stagiaires estivaux. Dans certaines villes, 2000 interventions sont réalisées en un été.
Vous pouvez utiliser vos propres ressources pour mettre au point la communication, ou encore profiter des ressources qui sont à votre disposition :
- Campagne de sensibilisation du MAMROT;
Dans sa Stratégie québécoise d'économie d'eau potable, le MAMROT a réalisé de nombreux outils particulièrement utiles pour appuyer les municipalités dans la sensibilisation de leurs citoyens. Vous pouvez disposer des publicités, affiches ou bannières promotionnelles disponibles sur le site web du MAMROT.
- Programme d’économie d’eau potable de Réseau Environnement;
Depuis 1977, Réseau Environnement déploie son Programme d'économie d'eau potable (PEEP), qui est une campagne de sensibilisation clé en main avec des interventions adaptées aux besoins des différentes municipalités participantes. En 2013, le PEEP a lieu du 6 mai au 9 août partout à travers le Québec. En plus d’animations, ils disposent également d’affiches et pamphlets d’informations.
- Fonds Écomunicipalités IGA
Deux types de financement sont offerts par le Fonds Éco IGA: les projets réguliers (subventions monétaires pouvant aller jusqu'à 20 000 $) et les projets clé en main (subventions matérielles). La formule clé en main vise à simplifier la réalisation de projets de développement durable en offrant des subventions matérielles permettant notamment la valorisation de l'eau de pluie (à travers l’installation de barils de récupération d’eau de pluie). Le financement accordé par IGA peut aller jusqu’à 10 000$, jusqu’à 90 % du budget total d’un projet. Pour bénéficier de ce fonds, vous devez soumettre une demande ici.
- Conférences sur mesure et formations d’Écohabitation
Écohabitation sensibilise et forme depuis plus de 10 ans le grand public à tous les enjeux environnementaux autour de l’habitation. Sa formation Eau et maison écologique permet aux citoyens de savoir comment économiser l’eau, récupérer l’eau de pluie, réutiliser les eaux grises, aménager son espace extérieur de manière à optimiser les apports en eau, le tout en préservant la santé de l’occupant. De la théorie, mais aussi des exercices pratiques sont offerts aux participants.
Étant donné que les coûts de traitement, de distribution et de pompage sont variables, et souvent très élevés à cause de la présence de produits chimiques dans l’eau et de la forte demande en énergie que le traitement nécessite, réduire la demande en eau s’avère être une opération lucrative !
Selon le MAMROT, le minimum des coûts variables s’établit à 0,06 $/m3 pour l’eau potable et à 0,15 $/m3 pour les eaux usées mais peut aussi atteindre au total 0,40 $/m3. Ainsi, il est aisé d’anticiper les résultats financiers d’une économie d’eau potable résidentielle...
Économies d’eau et d’argent pouvant être réalisées grâce à ces mesures (pour une municipalité de 30 000 habitants) :
- 6 570 litres et 18,40 $/ personne/ an pour des toilettes 3 L (vs 6,6 L) , soit environ 197 millions de litres et 552 000 $ d'économies annuelles.
- 8 470 litres et 23,70 $/ personne/ an avec une pomme de douche 6,6 LPM (vs 9,5 LPM), soit environ 254 millions de litres et 711 000 $ d'économies annuelles.
- 27 365 litres et 76,60 $ /personne /an avec des robinets 5,6 LPM (vs 8,3 LPM), soit environ 821 millions de litres et 2 300 000 $ d'économies annuelles.
Au total, c'est 42 400 litres et 120 $ /personne /an qui sont économisés,
soit 1 272 millions de litres et 3,6 millions $.
Détail des calculs :
- Toilettes. Les calculs sont basés sur une comptabilisation de 5 chasses par personne par jour, avec une toilette de référence de 6,6 L par chasse, et une toilette très faible débit de 3 L par chasse (référence du Crédit LEED Habitation, GEE 3.3 Appareils et robinets à très haute efficacité- 2 points).
- Pommes de douche : Aujourd’hui, le standard des débits d’eau de pommes de douches est de 9,5 LPM, bien qu’il existe encore des pommes de douche à débit 14 LPM sur le marché. Le débit moyen des pommes de douches haute efficacité est de ≤ 6,6 LPM (litres par minute). Les calculs sont basés sur un douche de 8 min /jour, avec une pomme de douche de référence 9,5 LPM, comparée à une pomme 6,6 LPM.
- Robinets : Les calculs sont basés sur une comptabilisation de l'utilisation de 463 L par personne par jour (donnée Environnement Canada, Utilisation de l’eau par les municipalités, statistiques de 2009), et un ratio de 24 % utilisés par les robinets (donnée MAMROT, STRATÉGIE QUÉBÉCOISE D’ÉCONOMIE D’EAU POTABLE, 2011), avec un robinet de référence de 8,3 LPM, en comparaison avec un robinet de débit 5,6 LPM (référence du Crédit LEED Habitation, GEE 3.3 Appareils et robinets à très haute efficacité- 2 points).
À prendre en compte
Il est nécessaire, avant d’implanter une ou plusieurs mesures visant la réduction de la consommation de l’eau potable, d’effectuer un diagnostic de votre situation (niveau de consommation, budget destiné à la production et au traitement, état et niveau d’utilisation de l’usine d’épuration, ratio de la consommation résidentiel/ industriel/ institutionnel, état du réseau, etc.). À partir de ce diagnostic, vous pouvez monter un plan d’efficience de l’eau potable pour prioriser les actions à mettre en place et les échelonner dans le temps.
Étant donné le niveau de consommation résidentiel d’eau potable au Québec, vous pouvez tabler sur le fait que la sensibilisation des citoyens aura un effet non négligeable. Et, si ce n’est pas déjà fait, d’ores et déjà mettre en place un plan de communication complet. Ce plan doit viser les habitudes de consommation à l’intérieur comme à l’extérieur, ainsi que l’installation d’appareils à très faible débit permettant une réduction de la consommation.
Étude de cas
- Règlement de construction de la Ville de Gatineau, on y retrouve des dispositions en matière d’économie d’eau qui s’appliquent au terrain qui seront lotis.
- Règlement sur la consommation de l’eau potable de la municipalité de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, les toilettes à faible débit sont imposés dans les nouvelles constructions, mais aussi lors de rénovations.
- Règlement obligeant l’installation de compteurs d’eau dans toute nouvelle construction et l'installation de régulateurs de pression de l’eau dans tout bâtiment existant, à Fossambault-sur-le-Lac. [1] [2]
- Programme de subvention pour le remplacement des toilettes à débit de 6 litres ou plus par d’autres de plus faible débit à St-Ferréol-les-Neiges.
- Distribution de trousses d’économie d’eau potable offertes à prix réduit à Belœil.
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