Récupérer les eaux grises pour chasser l'eau des toilettes ou arroser le jardin... Un geste anti-gaspi par excellence! Il n’y a plus de fournisseur de systèmes de réutilisation des eaux grises au Québec depuis le rachat de l’entreprise montréalaise BRAC Systems par l’Ontarien Greyter Systems, en juin 2012. Mais une autre compagnie montréalaise, Aquartis, développe depuis 2010 un nouveau système de traitement des eaux grises qui répondrait aux dernières exigences de la réglementation en matière d’assainissement de l’eau et de plomberie. Rencontre avec ses fondateurs, Jean-François Lamy et Eric Martel.
Du nouveau pour l'entreprise Aquartis! (Mise à jour le 11 Novembre 2013)
Depuis notre rencontre relatée ci-dessous, la jeune entreprise Aquartis a bien avancé! Le 5 octobre dernier, ils ont procédé à l’installation de leur système dans une maison à Waterville pour mesurer avec précision les performances du recyclage d’eau grise. Jusqu’à présent, Jean-François Lamy annonce que "le projet pilote se déroule très bien et notre prototype performe selon nos attentes".
Autre nouvelle très prometteuse : ils développent présentement un nouveau module de récupération de chaleur qui pourra être intégré à tous leurs appareils de recyclage des eaux grises et permettra de préchauffer l’eau potable provenant de l’aqueduc avant que celle-ci arrive au chauffe-eau (de la même façon qu'un Power-Pipe). Si tout va bien, il sera donc possible de réaliser des économies d'eau, et également d'énergie! Une solution écologique 2 en 1...
Écohabitation: - Quel est le produit que vous développez actuellement?
Jean-François Lamy et Eric Martel: - La gamme des appareils que nous développons est celle des systèmes Écovision. Ce sont des appareils de recyclage des eaux grises domestiques qui permettent de récupérer l’eau des lavabos (sauf cuisine), des douches, bains et éventuellement de laveuse[1], afin de la réutiliser pour la chasse d’eau des toilettes, et l’irrigation du jardin.
La gamme des appareils est constituée de 4 modèles de capacités de traitement différentes : le plus petit étant destiné à une petite maison (1 à 7 utilisateurs), et le plus grand étant destiné à un ensemble de 12 logements (24 à 36 utilisateurs). La récupération de ces eaux grises nécessite une double tuyauterie de plomberie. Ces appareils concernent donc des habitations neuves ou des rénovations majeures.
Écohabitation: - Combien d’eau peut-on économiser avec ces systèmes?
Jean-François Lamy et Eric Martel: - On peut économiser de 30 à 40 % de la consommation totale d’eau du bâtiment. Pour la consommation moyenne d’une maison unifamiliale de 4 occupants au Canada, cela représente une économie de 145 000 litres d’eau potable par an. Pour un immeuble de 12 logements (36 résidants), les économies en eau représentent 1 300 000 litres d’eau potable par an.
Écohabitation: - C’est assez énorme! Quels sont les impacts sur la vie de tous les jours pour arriver à économiser toute cette eau? Faut-il prévoir des mesures spéciales dans le nouveau logement?
Jean-François Lamy et Eric Martel: - Absolument pas. Une fois le système installé les utilisateurs peuvent commencer à économiser toute cette eau potable sans même s’en rendre compte. Ce n’est donc pas nécessaire de changer ses habitudes de consommation pour commencer à être plus économe!
Le système que nous proposons est pensé pour proposer une expérience de consommation la plus simple et confortable possible. Le système est ainsi très autonome et automatisé. Par exemple, si l’eau stagne par manque d’utilisation ou en cas de panne d’électricité, elle est automatiquement évacuée vers la fosse septique pour éviter la prolifération des micro-organismes. Le système est alors mis en veille.
Le système est également le plus auto-nettoyant possible. En ce qui concerne le traitement des eaux, nous pensions à l’origine développer un système plus élaboré de traitement à l’ozone, mais la réglementation oblige à un niveau minimum de chlore. Nous avons alors opté pour une plus grande réserve de chlore que les systèmes comparables, pour éventuellement revenir à des systèmes à l’ozone si la réglementation évolue. C’est presque le seul entretien nécessaire : le remplissage trimestriel du réservoir de chlore, soit quatre fois par an, en moyenne.
D’un point de vue pratique, le système a une taille, une consommation électrique et un bruit comparables à ceux d’un réfrigérateur pour le modèle unifamilial. Pour un immeuble de 12 logements, cela correspondrait à 5 réfrigérateurs mis côtes à côtes. Le procédé de traitement permet d’obtenir une eau parfaitement claire, ce qui évite les réticences que l’on peut avoir à l’utilisation d’une eau grise. La seule odeur qui peut survenir est un léger parfum de chlore.
Suite de l'entrevue ci-dessous !
Écohabitation: - Quand mettrez-vous vos produits sur le marché?
Jean-François Lamy et Eric Martel: - Probablement en février 2014! Nous préparons l'homologation de nos modèles de la série Ecovision pour les différentes normes en vigueur, principalement les récentes normes CSA (B128.1 à B128.3) qui représentent un vrai gage de qualité. Nous certifierons également nos produits selon les normes états-uniennes (IAPMO IGC). Pour ces certifications, nous faisons des tests de performance en laboratoire dont les résultats seront connus sous peu.
Il est important de noter que si aucun fournisseur certifié n’existe actuellement pour ces systèmes de traitement des eaux grises, c’est en partie parce que la norme CSA B128.3 qui concerne la performance des systèmes de réutilisation d’eau non-potable est récente (NDLR : publiée en juin 2012) et que le Code National de la plomberie est en cours d’évolution, notamment en ce qui concerne l’utilisation efficiente de l’eau (NDLR : il sera mis en œuvre en 2015). Aucune entreprise n'a fait homologuer de systèmes avec ce nouveau standard pour l'instant.
Un de nos prototypes va également être testé en conditions réelles dans la région de Magog. Tous ces développements à venir nous font viser février 2014 pour la mise sur le marché de nos produits.
Écohabitation: - Une des questions que l’on se pose, bien sûr, concerne les coûts. Combien un tel système coûterait-il, et permet-il d’avoir un retour sur notre investissement grâce aux économies d’eau réalisées?
Jean-François Lamy et Eric Martel: - Nous prévoyons actuellement un coût des systèmes de l’ordre de 4 000 à 17 000 $ pour nos différents modèles. Bien sûr, ces prix sont sujets à changements. Au Québec, on ne paye pas directement notre consommation d’eau, mais les coûts de traitement de l’eau potable sont bien là et se retrouvent dans nos taxes municipales. Ainsi, les incitatifs économiques dépendront beaucoup des orientations politiques des municipalités ou gouvernements. Il n’est pas improbable que des aides financières soient mises en place pour des habitants désireux d’installer des systèmes de traitement de leurs eaux grises, car cela permet de désengorger les réseaux de rejet des eaux usées, et de réduire le volume d’eau usée à traiter, et donc les coûts associés. La situation au Québec en ce qui concerne l’accès à cette ressource nous amène à considérer un temps de retour sur investissement de plus de 15 ans selon nos calculs. En Californie ou en Australie, le temps de retour sur investissement serait plus bas, de 5 à 10 ans. L’installation de plus en plus fréquente de compteurs d’eau permettrait d’avoir des gains plus directs, en engendrant annuellement des réductions de taxes si la consommation est taxée au volume d’eau consommé.
Écohabitation: - Quels sont les autres avantages que représenterait l’adoption d’un tel système?
Jean-François Lamy et Eric Martel: - Réduire notre consommation d’eau à la source permet de combler beaucoup de besoins, comme par exemple régler les problèmes d’assèchement de puits artésiens surexploités, réduire les coûts liés aux équipements de fosses septiques et de champs d’épuration des bâtiments, ou encore pouvoir arroser sa pelouse même lorsque les autorités interdisent l’utilisation d’eau potable pour cette fonction.
De tels systèmes permettent également de participer à l’obtention des certifications en bâtiment durables, telles que LEED ou Boma Best. L’architecture actuelle des points LEED, le système de certification le plus reconnu en Amérique du Nord, permet d’obtenir jusqu’à 8 points pour les crédits « Système de réutilisation des eaux grises » et « Système d’irrigation n’utilisant pas de l’eau potable ».
[1] Les eaux grises de la laveuse peuvent possiblement dégrader la qualité de traitement du système. Les tests de performance sont différents, et les essais détermineront s’il est raisonnable ou non de récupérer ces eaux grises de lavage.
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