10 ans de recherche. C’est ce qu’il aura fallu à la Chaire SAQ de « valorisation du verre dans les matériaux » de l’Université de Sherbrooke pour créer un ajout cimentaire à base de poudre. Cette innovation répond à une problématique de valorisation de ce matériau au Québec, surtout depuis la fermeture de la principale usine de recyclage du verre l’année dernière...
Comment ça marche ?
Le béton est le matériau de construction le plus utilisé au monde. Il est composé d’eau, de granulats et de 10 à 20% de ciment, ce dernier servant de liant dans la fabrication. Le béton à contenu recyclé de la SAQ a donc pour objet de remplacer une partie de ces 10 à 20% de ciment par du verre en poudre issu de notre collecte sélective.
Après avoir été récupéré, le verre est broyé pour devenir une fine poudre blanche. Cette transformation en poudre est appelée « micronisation » puisque le verre se transforme en petits morceaux de la taille d’un micromètre, et remplace ensuite une partie du ciment utilisé dans la fabrication du béton. Les 10 ans de recherche, financées par la SAQ, ont permis d’introduire ce nouvel ajout cimentaire à hauteur de 20% dans la composition. Une proportion qui permet de ne pas altérer la qualité du matériau et l’adhérence du verre au ciment. Ce nouveau type de béton à contenu recyclé a aussi fait l’objet d’une période test de 3 ans par la norme CAN/CSA A3001, standard qui énonce des exigences en terme de méthodes d’essai pour les ajouts cimentaires. Suite au développement de ce nouveau procédé, Tricentris, un centre de tri sans but lucratif issu du regroupement de plusieurs municipalités et situé à Lachute dans les Laurentides, a construit une nouvelle usine pour la micronisation du verre. Depuis quelques semaines, Tricentris produit et commercialise cette poudre de verre.
Ce nouvel ajout cimentaire a été testé à plusieurs endroits : on retrouve aujourd’hui le béton en poudre de verre dans quelques 18 succursales de la SAQ, dans les trottoirs du quartier des Spectacles, près du Musée des Beaux-arts, de la Maison du développement durable, dans le quartier Ahuntsic, mais également dans le mobilier urbain et les murs anti-bruit.
Un nouveau débouché pour la valorisation du verre au Québec
Depuis la fermeture de la principale usine de recyclage du verre l’année dernière, la question de sa valorisation au Québec est aujourd’hui conséquente, et le débat consignation versus recyclage (voir encadré ci-dessous) est relancé. Depuis l’hiver 2013, la crise du recyclage du verre est toujours d’actualité malgré l’ouverture de la nouvelle usine de Tricentris, puisque les stocks de verre s’accumulent …
La SAQ, dans sa recherche de multiplication des pistes de valorisation, a mis au point cet ajout cimentaire en poudre de verre qui pourrait changer la donne dans le domaine de l’habitat et de la construction. On peut déjà imaginer que si tous les trottoirs étaient peu à peu restaurés avec du béton en poudre de verre, la question de la valorisation du verre au Québec… pourrait ne plus être un problème.
Recyclage versus consigne
Au Québec, la question du recyclage du verre met en opposition deux systèmes de collecte : la consigne et la collecte sélective. Si l’on souhaite un verre haut de gamme, donc à forte valeur ajoutée (le up-cycling, le recyclage haut de gamme), on se tournera plus vers une collecte de type consigne : les bouteilles de bière, par exemple sont réutilisées 10 à 12 fois avant enfouissement. Plus généralement, la consigne permet de pré-trier le verre des autres matières avant son envoi dans les centres de tri. Au contraire, si on a besoin de matériaux de type produits de sablage, le verre issu de la collecte sélective, même brisé et sali, peut suffire (c'est le down-cycling, le recyclage vers des produits bas de gamme). Cela étant, même dans le cadre de la collecte, il serait plus profitable de séparer le verre des autres matières recyclables (papier, carton, plastique) puisque le verre cassé s’introduit dans les autres matériaux et limite leur recyclage.
En fait, le débat opposant la consigne et la collecte sélective au Québec oppose différents acteurs ne souhaitant pas avoir le même type de verre recyclé ni la même part de responsabilité. La consigne, par exemple, contraint les producteurs à récupérer les bouteilles après consommation. Les pro-consigne mettent souvent de l’avant le fait que la consigne sur les contenants en verre est déjà mise en place dans la plupart des provinces canadiennes, à l’exception du Manitoba et du Québec. Mais pourquoi ne pas mettre en place les deux systèmes en fonction des besoins ? Sans oublier, évidemment, de trouver suffisamment de débouchés pour tout ce stock...
Merci à Mario Laquerre, gestionnaire des connaissances à RecycQuébec
Des avantages environnementaux et qualitatifs
En plus d’être une solution post-consommation de valorisation, les avantages environnementaux de la poudre de verre sont importants. Par exemple, une tonne de verre ajoutée dans le ciment permet de réduire d’une tonne les gaz à effet de serre émis dans l’atmosphère. Le ciment est en fait fabriqué en partie avec du clinker, composé contenant de la chaux, de l’alumine, de la silice et de l’oxyde de fer. Cela explique que lors de la fabrication du ciment, celui-ci dégage de l’oxyde d’azote (NOx) et des particules à suspension (PM10), deux gaz à effet de serre. C’est en remplaçant une partie de ce clinker que l’on peut diminuer les émissions qui sont envoyées dans l’atmosphère. Le ciment est certes le matériau le plus utilisé dans le domaine de la construction, mais c’est aussi celui qui émet le plus de GES.
La poudre comme ajout dans le ciment est aussi plus intéressante que le béton en agrégats de verre également développé par la SAQ, puisque celle-ci ne nécessite ni de trier, ni de laver le verre puisqu’à terme il sera « micronisé ». Les coûts pour un centre de tri sont de ce fait réduits.
La firme Jansen Industrie a construit un premier mur antibruit de béton incluant de la poudre de verre. Le mur est situé à Boucherville, sur l’autoroute 20, à l’angle des rues Ampère et Normandie. Réalisé en collaboration avec le ministère des Transports du Québec, le mur comprend 230 blocs de béton auxquels 53 000 bouteilles (25 tonnes) ont été ajoutées sous forme de poudre de verre. L’entreprise a développé un procédé qui lui permet de remplacer de 20 % à 30 % de poudre de béton traditionnelle par de la poudre de verre recyclé dans l’élaboration de ses blocs architecturaux antibruit.
Qualitativement parlant, les tests ont montré que le béton avec poudre de verre… est plus performant en terme de durabilité, de résistance ou encore en terme d’imperméabilité. Si nous revenons à la question des trottoirs au Québec, dont la durabilité est réduite à cause du sel et des nids de poule, la qualité du béton en poudre de verre est aussi une solution bien intéressante.
Une autre compagnie, Gaudreau Environnement, se lance également dans la conception de «dalles écologiques» de béton contenant du verre, mais aussi des sacs platiques et de la porcelaine. Pour en savoir plus, cliquez ici.
Des points LEED
Tous ces avantages mis ensemble permettent d’ailleurs au béton avec poudre de verre de rapporter des points pour la certification LEED, dans la catégorie des produits à privilégier du point de vue environnemental, du pourcentage de contenu recyclé, des faibles émissions de GES et de la production locale.
Appel à projets !
Que vous soyez par exemple une municipalité ou un promoteur, la SAQ est aujourd’hui à la recherche de nouveaux projets pilotes. Faire le choix d’un béton à contenu recyclé, notamment la poudre de verre, permettrait de soutenir le développement d’une solution québécoise innovante de qualité pour la valorisation de notre verre qui atterrit dans les centres de tri. Si vous avez des idées, suggérez-les donc à l'adresse courriel suivante : [email protected]
Pour en savoir plus....
- La page du site de la SAQ consacrée à la recherche sur la poudre de verre..
Sur les questions de recyclage en général, nous vous suggérons de consulter le portail 3RV d'Écohabitation !
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